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vendredi 15 mars 2024

Une heure de pêche à la truite

 

Je dois fuir un forum où l'on ne peut montrer un poisson s'il est mort, et où il est interdit de parler de la cuisine du poisson. Des végans ? Des animalistes avec une fixette marquée sur le monde subaquatique ? Non, ils seraient juste les pêcheurs nouveaux. Imaginez des êtres éthérés, probablement jeunes, beaux, peut-être asexués, dépourvus d'humour mais pas d'agressivité, se nourrissant probablement du seul chant du ruisseau ou du bruit des vagues. Imaginez-les idéalement debout à la proue d'un bateau brillant comme un bijou fantaisie et couvert de publicités, pêchant des poissons magnifiques sur un fond musical à définir encore … Pour les remettre à l'eau. Et recommencer. Et recommencer.


Alors moi, le petit vieux qui pêche avec une canne à soixante balles et un moulinet soldé et qui ose manger le rare poisson qu'il pêche, je suis l'ENNEMI jamais pardonné.

Du coup je m'étais inscrit sur un forum se nommant La truite et les carnassiers, où les gens ne sont pas sectaires ! Mais voilà, il y avait "truite" dans le nom et je ne m'étais pas méfié des effets secondaires ! On ne lit pas les notices, et après, on a des soucis.

Et en ce jour de mars carrément solaire, je décide, plutôt que de pêcher le lac, d'aller voir la Cère en un lieu totalement civilisé, au sol idéalement pavé et urbain. Ces conditions très confortables sur 200 ou 300 mètres  en font les jours de soleil post ouverture de première catégorie un rassemblement de pré-ados et de post-adultes qui se retrouvent là pour des raisons différentes, mais tous avec des cannes à pêche.


A Laroquebrou, idéal pour post-adulte

Bien sûr on n'y prend rien, et particulièrement ces jours de niveau fort élevé, de courant très fort, car MON lac, quelques kilomètres au-dessus largue en permanence sa surabondance de flotte. Mais ça n'a pas d'importance.

Je me souviens vaguement, pour avoir bossé dans ce chef-lieu de canton autrefois, qu'il y a pas mal d'herbiers. Je m'équipe donc d'une monture anti-accroche avec un beau ver de terre sur une canne, et d'un leurre souple parfumé comme une pute de Bombay sur l'autre. Plombés tous deux de 3 à 5 grammes. Je supprime l'agrafe qui a tendance à me ramener des herbes, au profit d'un nœud malin, et ça marche.


Derrière la pile, LE poisson ... Ou pas


Je suis totalement surprenifié de ne pas accrocher illico, grâce au montage texan sur le leurre souple, grâce à une élytre savamment installée sur la tête plombée au ver. Je suis grand ! et le ver fera une cinquantaine de voyages avant de se rompre sur un accrochage qui était peut-être une touche. Nous ne saurons jamais.

Je redécouvre le plaisir de soutenir dans le courant rapide en guettant la touche. Ayant repèré le seul endroit où je serais si j'étais truite sauvage, dans le remous de la pile du pont, j'y lance et relance sans succès … mais avec bonheur.

Elle était belle, cette bredouille. Sur le retour depuis un paysage où les verts claquent, je scrute la montagne, y imaginant mon fils en train de glisser sur le blanc.

Sur le chemin du retour



jeudi 29 février 2024

Où je sauve la mort d'un poisson

Certes, sauver une vie, c'est génial ; mais admettez que c'est un truc très couru, et même courant. Alors j'ai sauvé une mort. Et pour ça, une médaille serait bienvenue, avec une coupe de champ à la clé. Pourquoi une, d'ailleurs ?


La médaille ?


J'étais venu ce jour de février au bord du lac déguster des rayons de soleil encore un peu acides, relevés du mordant d'un petit vent du nord. Mon but premier était de me me rendre compte de la nage de nouveaux leurres, des "jigs "  de 10 g et 3-4 cm, à 2 hameçons en tête que je venais d'acheter. Des descendants asiatiques des poissons d'étain d'autrefois. Le jig, ce n'est pas le moment ici, mais j'avais aussi des leurres souples. Bien plus que moi.

Mon degré d'optimisme quant à une prise était tel que j'avais laissé l'épuisette à la maison.

La bise me chope au sortir de la Zoe tel un cinéaste la jeune actrice à peine pubère. Aussi j'hésite à poursuivre avant même que d'avoir commencé. Mais le soleil aussi est là et un caprice du relief me procure un endroit abrité qui convient à ma pêche. La nage du nouveau leurre est "bof bof", plus ondulante que celle de mes jigs habituels, et jetant moins d'éclats. Mais cela ne permet en rien de conclure. Ils m'ont coûté une misère et se révéleront peut-être des merveilles aux beaux jours.

Je papote avec un pêcheur qui exhibe sa panoplie de vifeur éduqué : ses 4 cannes télescopiques ne prennent que la moitié des quarante mètres de berge habituels, et il est souriant. Il a raison, car une touche, sympa comme celles qui en annoncent d'autres, secoue sa ligne. Au ferrage c'est lourd, trop pour un sandre ,,, et c'est un silure de quelques kilogrammes qui se pointe, Il l'extrait de l'eau et demande à son voisin s'il le veut ; celui-ci décline. A moi aussi, et je décline. Mais je n'ai pas pour autant sauvé une vie comme n'importe quel chafouin graciant un poisson.



On n'est pas bien, là ?


Car le sympathique pêcheur déclare illico qu'il va l'occire d'un bon coup de gourdin avant de le rejeter à l'eau. Ah que pourquoi ? que je dis. Il pense que que si on garde les sandres et qu'on relâche les silures, mathématiquement viendra le jour où il n'y aura que des silures. "Ceusses qui croivent ça, on n'y peut pas grand chose" (SIC, Lettres sur le capital, Engels, 1887). Le silure lui-même en est conscient et ne proteste pas davantage que moi.

Et c'est là que je décide de sauver cette mort ... Mais déjà la canne d'à côté s'agite et le nylon se déroule. Et c'est un sandre cette fois, qui ravit le pêcheur. Je prend des photos sur son smartphone, pas sur le mien.


Petit baveux ...

Puis je pêche un peu au leurre dur, un autre peu au leurre souple pendant une grosse demi-heure avant de revenir papoter. Il fait nettement meilleur, un bon 10 degrés ensoleillé avec un vent qui a faibli. On ne voit aucun petit poisson qui flâne, la température de l'eau ayant baissé ces jours tandis que le niveau grimpait ...

Puis j'ai un silure à préparer, c'est toujours aussi salissant, mais cette mort ainsi n'est pas vaine. Il sera cuisiné en mode relevé, sauvant un porc de l'amputation de quelques côtes, ou un poulet entier. Tandis que ses abats auront peut-être un destin halieutique dans le cadre de mes recherches les plus extravagantes.

samedi 23 décembre 2023

Dieu a renoncé

Il me l'a écrit via Messenger, répondant à mon malaise face aux postions de la gauche sur la chasse et sur la pêche, ces activités qui sont le sel de la vie des campagnards "de souche", qu'ils soient de gauche ou de droite.

J'avais lu il y a peu une proposition de loi surprenifiante : des Zécolos, une Sauss. , une palanquée d'Eléphis veulent m'interdire de pêcher au vif ! Ne resterait donc à gauche que le PCF qui ne chie ni ne pisse sur les chasseurs et les pêcheurs. La vie subaquatique est pourtant une perpétuelle suite de souffrances, de meurtres, d'assassinats, de cannibalisme et d'incestes où la pêche au vif apparaît comme une douceur.

Et je lisais ce matin une autre règlementation ébouriffante dans la "division 240" qui concerne le nautisme : si on navigue sur de l'eau salée et sur un bateau de moins de 24 mètres doté d'un moteur hors-bord, le pilote doit se relier au moteur par un coupe-circuit en permanence, dès que le moteur est en fonctionnement ! Moi qui croyais que c'était juste un porte-clés encombrant ... Ainsi en cas de chute à l'eau, le moteur s'arrête automatiquement, ce qui est bien pour les voisins. Mais si le pilote a un malaise sans chuter, ça ne sert à rien. Et si tout va bien, c'est-à-dire le cas habituel, ça ne sert à rien non plus … La blague est que si le moteur est "in-bord", tu fais comme tu veux.

Ça va gêner en quantité de circonstances pour pêcher. Notez aussi que si le pilote n'est pas seul sur le bateau et qu'il tombe à l'eau, un passager prendrait les commandes pour venir récupérer le capitaine. Et s'il est seul et qu'il tombe à l'eau au vent, un simple zéphyr fera qu'il ne rattrapera jamais son bateau, moteur coupé ou pas.

Jusqu'à décembre 2023, le bon sens s'était imposé : c'est au skipper d'user de son libre arbitre* en fonction des circonstances de vitesse, d'état de la mer ou de hauteur du mât. Le dispositif est là, tu choises

Tout ça était trop pour moi ! Ayant été baptisé -il y a déjà longtemps- j'ai décidé d'écrire un post à Dieu sur son Facebook pour lui demander s'il ne devrait pas actualiser ses Tables de la Loi en les gardant concises et simples, en lui proposant même de venir les chercher au Mont Sinaï si nécessaire, ou au Plomb du Cantal si c'était possible, ça m'aurait arrangé.

Dieu est grand, et il m'a répondu via Messenger.

(SIC) Cher follower,

Quelle joie de vous lire après un si long silence ! Je rentre moi-même à l'instant d'un voyage de pêche et de chasse sous-marine et je découvre vos misères terrestres. Pierre [il ne donne pas le nom de famille] me l'avait suggéré il y a longtemps déjà, mais la Création étant ce qu'elle est, la chose est inutile, et j'en suis navré.

Un décalogue ça allait bien pour pour des Tables de la Loi sur granit ! Il faudrait maintenant aux hommes tout le Mont Lozère, et le Massif du Sidobre aussi, pour retranscrire dans le dur leur diarrhée de lois et de textes ...

Alors fais comme Moi, garde les dix commandements, et va à la pêche et à la chasse pendant qu'il est temps.

Que c'est con, une licorne  [fragment]


* notez soigneusement la définition qui est "Volonté libre, non contrainte" et cachez ce papier, ou apprenez-la par cœur:  des sources bien informées auraient appris dans les milieux autorisés que le libre arbitre sera prochainement interdit d'usage comme de détention. 

vendredi 10 novembre 2023

Vers LE biltong définitif

Si vous suivez mon blog comme la misère le pauvre monde, vous savez que j'en ai causé autrefois *, il y a deux lustres moins une bougie. Le biltong est une recette de viande séchée d'Afrique du Sud, née du Grand Trek ** des Boers***, ces descendants de migrants néerlandais addicts à leur liberté, et combattus par les Anglais qui s'étaient installés au Cap. Ce Grand Trek a duré vingt années, jusqu'en 1854 ... Ils ont donc eu cent fois le temps nécessaire pour peaufiner la recette du biltong à chaque rencontre avec de la viande de brousse sur pied ! Mais j'imagine que ces combattants et combattantes exemplaires n'étaient pas pressés, et qu'ils voulaient une recette vraiment aboutie pour le XXIème siècle. Voici à quoi ça ressemble.


Arme absolue pour l'apéro ...



Si on ne dispose pas de koudou ou d' éland dans son jardin, on se rabat tout aussi bien sur du bœuf ou du cerf. En été par temps sec, on peut réaliser cette recette en quelques jours sans accessoire aucun avec une température ambiante idéale de 21 à 27 degrés, et une petite circulation d'air. Mais ici, ce n'est pas l'été ! Comme le déclame le poète auvergnat, "quand le grand corbeau se gratte le gland, c'est signe de mauvais temps ; et s'il se gratte le cul, c'est que la drache continue".

Le "rond de gîte" du bœuf convient très bien, le filet de cerf ou une noix du cuissot aussi.

Comment recréer in vitro le climat du Transvaal**** dans une montagne plutôt arrosée ? Je dispose heureusement d'une pièce relativement saine à l'étage et elle accueille une caisse de rangement translucide, d'une hauteur de 35 cm.  Longueur 60 cm, largeur 40 cm dans mon cas, soit 80 litres environ, c'est plus qu'assez. Mais la hauteur de 35 cm est un minimum.

Le principal problème est qu'il y faut au moins13 trous, et qu'on n'en trouve pas de "tout prêts" dans le commerce. Etant né ambisenestre ***, cette tare risquait de rendre la chose délicate. Maladroit mais chanceux, j'ai trouvé dans les archives du garage une scie cloche permettant des emports de 25 à 62 mm. Et M'sieur Gougueule m'a fourni les informations kivonbien sur son usage : la simple vue de l'outil causait en moi un questionnement sans fond. A mon immense surprise, 15 trous ont été faits sans dégâts collatéraux. Je suis grand !!!!


Ma boîte à biltong



 Que manquait-il encore ? Deux ventilateurs  de  8 cm de côté, une lampe chauffante de 50 Watts au centre, et pour s'éviter tout souci, un contrôleur de température qui commanderait lampe chauffante et ventilateurs sur des critères choisis pour tenir une température autour de 23 degrés.






le thermostat Inkbird connecté,
un plus pour la sérénité

La recette que j'ai retenue (et aménagée) est retracée ici par ces super "deux mecs et une glacière". .(https://twoguysandacooler.com/biltong/). Attention ! La recette apparait pour 4.540 kg de viande ...  Ces deux gars sont au top, et ils sont une mine de recettes de salaisons venant de la planète entière. Je ne la recopie pas, la copie serait inférieure à l'original ! Leur vidéo est excellente en utilisant un traducteur.

Je sale davantage, vers 25-26 et même 28 grammes et non 22 g, mais pour une consommation autour de 51 % de perte de poids ; c'est affaire de goût et de degré de séchage.

J'ai remplacé aussi la Worcestershire sauce par une sauce poisson maison à base de maquereau, décrite ici 






Essayez, et régalez-vous !



* mon biltong sauvage

** Le Grand Trek

***Guerre des Boers

**** Transvaal
Les Boers et le Transvaal



lundi 16 octobre 2023

Sauces poisson d'ailleurs

... et d'Auvergne aussi. En décembre 2022, je rêvassais sur les goûts, et notamment sur la cinquième saveur, l'umami *, et les savantes fermentations qui la propagent. J'ai lu un peu sur le sujet en traînant avec mon pote Good Gueule.
 
Comme le nuoc-mam et les sauces poisson ont toujours été du domaine du mystère pour moi, j'avais décidé - ou presque - d'en produire une fois. Plutôt le garum** de la Rome antique, d'ailleurs, qui est la même chose. Mais pourquoi ne pas faire du garum de chez moi, hein, de mon lac, ce qui exclut l'anchois, pas encore présent malgré mes salages sournois.

Et ensuite quel bonheur - ou pas ? - de bouffer des nouilles parfumées ainsi ... 

Six mois plus tard, j'ai lancé deux tentatives parallèles, et s'avèreront en fait perpendiculaires. L'une avec du maquereau (donc traditionnel), l'autre avec des gardons ou d'autres poissons d'eau douce. Pour cela, de simples bocaux avec un couvercle,  du poisson très frais, du sel.

C'est parti ! à gauche le gardon, lancé deux semaines plus tard.




Encore trois mois à peine, et j'obtenais le garum** en filtrant, et l' allec** (ou hallex), une pâte au parfum puissant..

Comment ça marche ?
Le poisson découpé en tronçons plus ou moins courts, sans supprimer les viscères, est mélangé avec du sel à hauteur de 20 % du produit final (donc 250 g de sel pour un kilogramme de poisson), puis mis dans un bocal que l'on fermera sans chercher une étanchéité absolue, et laissé à température ambiante. La teneur en sel empêche les bactéries de se développer, sans gêner les fermentations lactiques. Les sucs digestifs présents dans les entrailles du poisson vont travailler et contribuer à une autodigestion. 

Ce que j'ai fait
J'ai touillé le mélange de temps à autre en cherchant à écraser les morceaux de poisson pour accélérer les transformations, et je mettais parfois les bocaux au soleil. J'ai aussi rajouté 100 à 200 ml (ou grammes) d'eau salée à 25 % pour éviter que tout morceau solide surnage du liquide produit. Ce rajout m'empêcherait d'obtenir une AOP😌 selon les cahiers des charges (in)existants.

Ce que j'ai observé
Le maquereau sent bon tout au long de la production, et le gardon ... beaucoup moins. Le gardon, c'est rapidement une usine à gaz avec énormément de bulles éjectant - je suppose - des composés volatils soufrés puants ! Le maquereau reste stoïque,  évolue moins vite et sent le poisson. Je sais ainsi d'emblée que le maquereau sera meilleur à mon palais. J'ignore si ces composés disparaîtront totalement d'eux mêmes, du fait de leur volatilité, ou seulement en partie.

Filtration du garum d'eau douce
Je pensais que ce serait la croix et la bannière. Pas du tout ! D'abord, j'ai versé mon bocal de poisson d'eau douce dans une grande passoire du genre chinois. Du bon sens pour une recette également asiatique ! Sont restés dans la passoire des arêtes intactes et les écailles comme neuves, quelques petits morceaux de muscle non digérés, et le squelette des têtes. La soupe obtenue a été versée petit à petit dans un entonnoir garni d'un filtre à café (un tissu filtrant fait le travail aussi). Dix-huit heures plus tard je tombais des nues devant la perfection visuelle du résultat.

Le garum d'eau douce, beau ... mais pas bon

Dégustation du garum de poisson d'eau douce : échec
Il y avait quatre convives: ma belle, notre fils et son épouse d'origine cambodgienne, et moi-même. Dire que sans Pol Pot, je ne l'aurais pas rencontrée ...
J'avais dégusté avant, et tout seul, craignant que la police ne conclue à un suicide collectif. C'était plutôt correct, mais mon estomac avait un rien gargouillé, sans autre symptôme.  
Ma douce refuse d'y toucher, mon fils a jugé bon et parfaitement digeste, tandis que ma belle-fille l'a jugé bon mais a connu elle aussi quelques gargouillements du bide. Qui seraient à rapprocher des ennuis que peuvent provoquer les composés soufrés en général, selon la littérature scientifique.

Le garum de maquereau est un grand cru !
Quelques jours plus tard, production du garum de maquereau. C'est un peu plus long au plan de la filtration, on obtient proportionnellement davantage d'allec. Les deux produits sentent très bon, et ils SONT vraiment très bons et absolument digestes. Une écrasante victoire du maquereau sur le gardon.

Donc, oubliez le garum à base de poison d'eau douce, ou du moins celui à base de gardons. On peut aussi le produire à base d'anchois ou de sardines, et cela donnerait des goûts différents, que je n'ai pas testés. 



Pas à pas. 

Voici ce que je crois être des conseils avisés, mais éclairés par une seule expérience et beaucoup de lectures.


Ingrédients

1.5kg de maquereaux très frais et très beaux
375 grammes de sel de type Guérande (soit un quart du poids du poisson frais). Le mélange final est donc à 20 % de sel.
20 centilitres d'eau salée par 50 g de sel (c'est facultatif, c'est un ajout de ma pratique, cela permet au liquide de toujours recouvrir les morceaux de poisson)


Au boulot !

Coupez le maquereau non éviscéré en tranches fines de 1 cm d'épaisseur maximum, et fendez en deux la tête. Les viscères sont absolument conservées, elles sont essentielles, ce sont les enzymes du système digestif qui s'allient aux ferments lactiques naturellement présents dans la chair du poisson pour modifier et liquéfier le produit.


Mettez poisson tranché et sel dans un saladier, mélangez.

Puis mettez tout cela dans un bocal de 1.5 à 2 litres, en tassant un peu, puis ajoutez les 20 centilitres d'eau salée. Le bocal ne nécessitera jamais d'être fermé de façon absolument étanche, mais un joint permettra d'éviter absolument toute intrusion d'insectes ou d'impuretés.


Température : cela restera à température ambiante tout le temps de la fabrication ; l'idéal serait 25 degrés, on dira que de 20 à 30, ça va bien marcher, à une vitesse variable. L'été est la saison idéale, mais la proximité d'un radiateur peut y suppléer (je n'ai pas testé).


A partir de 5, 6 ou 8 jours, touiller tous les trois jours pendant quelques minutes avec un instrument adapté - la cuillère en bois peut fonctionner - en cherchant à réduire, écraser les morceaux. J'utilise une sorte de fourchette recourbée en inox genre presse-purée, qui fait bien le job. J'intervenais tous les 2-3 jours, puis beaucoup plus rarement. On n'est pas des bêtes, on n'a pas le feu ...


Se donner trois mois. Il ne reste alors quasiment pas de morceaux de viande.

Vient le travail final.
Un chinois ou une vaste passoire dans laquelle on verse le mélange en plusieurs fois, une cuillère en bois pour faire passer. Et on a vite séparé du garum les arêtes et les écailles, brillantes comme neuves après rinçage.



A gauche le produit après passage au chinois, à droite les déchets





La passoire au fond de laquelle on met une étamine, ou, peut-être mieux, un entonnoir garni d'un filtre à café et de patience permettront en 24 heures environ de récupérer un garum (ou liquamen) couleur vieil or, tandis que l'allec est récupéré dans les filtres. L'allec, remis pour une nuit et une journée dans la grande passoire garnie d'une étamine libérera encore un peu de garum ambré.


Vous avez fini. 
Les produits mis au réfrigérateur ont la capacité de se conserver indéfiniment.

Allec et garum de maquereau, le grand cru !




Il ne me reste qu'à cuisiner comme il y a 2000 ans. Et à utiliser ces condiments home made sur les viandes, dans les salades et dans les marinades.

Liens :




Le truc qui pue vraiment mais que je ne connais pas est suédois ... le surströmming est fabriqué selon un principe qu'on découvre dans cette lecture :
https://souslemicroscope.com/2021/04/quelles-sont-les-bacteries-responsables-de-lodeur-du-surstromming/ 
Les scien­ti­fiques ont recher­chées des bac­té­ries res­pon­sables d’in­fec­tions ali­men­taires comme des Salmonella spp. ou alors Clostridium botu­li­num res­pon­sable du botu­lisme. Néanmoins ces bac­té­ries ne sont pas retrou­vées dans les plats étu­diés de surs­tröm­ming. Les condi­tions de la fer­men­ta­tion ne per­mettent pas la crois­sance de ces bac­té­ries patho­gènes. Par contre la bac­té­rie Arcobacter est trou­vée, en faible quan­ti­té, dans toutes les boites tes­tées. Cette bac­té­rie est connue pour cau­ser des mala­dies diges­tives (crampes ou diar­rhées) chez les humains. La décou­verte de cette bac­té­rie laisse sup­po­ser d’é­ven­tuels risques sani­taires [8].
Le garum ou le nuocmam sont des sucreries acidulées à côté de cela. Les études montrent que le surstromming conserve des bactéries potentiellement pathogènes, présentes à l'origine dans le tube digestif des poissons. Donc il y en a possiblement dans le garum.


jeudi 21 septembre 2023

La dame du lac

 

Mon lac est capricieux, mon lac est mystérieux. Je pêche toujours avec la même envie, parfois j'ai un poisson ou deux, mais souvent je n'y trouve que nourriture spirituelle. Et encore : bredouille et transcendance ne sont pas exactement corrélés. Plutôt qu'évoquer la lune, le temps, le vent, les spoutniks, j'ai préféré m'élever jusqu'au monde des légendes et la Dame du Lac est devenue celle qui dispense ou pas sa générosité, celle qui boude ou celle qui rit. Je renoue ainsi avec mes ancêtres animistes.


il est pas mystérieux, MON lac ?



Ceci étant, même si je voue à ce lac et à sa dame un vrai amour, je suis parfois infidèle. Grand voyageur, j'avais traversé quatre ou cinq départements et franchi un pont avant de buter sur l'océan au bout d'Oléron. J'y avais trempé du fil et à ma grande surprise, j'ai capturé contre toute attente quelque bars mouchetés qui frétillent encore en mon cœur.


bar moucheté


A n'en pas douter, la Dame du Lac avait eu vent (du large)  de mes fabuleux exploits en eau salée et m'en tenait rancune… Il n'y a pas d'autre explication qui tienne aux événements survenus depuis.

J'avais fort à propos rapporté en souvenir d'Oléron une ancre grappin de quatre kilogrammes pour remplacer celle que la Dame du Lac, toujours elle, avait confisquée dans un de ses mauvais jours, la retenant dans des rochers. Bien m'en avait pris, car ce samedi, un vent à décorner les petites sirènes*, soit environ 20 km/h, formait des creux abrupts de 2 centimètres et aurait entraîné mon bateau avec sa pauvre ancre champignon dans une dérive à un demi nœud ou plus, rendant ma pêche difficile.

Avant ce jour, la Dame du lac m'avait fait rentrer bredouille une ou deux fois, jusqu'à ce que sa petite colère soit oubliée. Ce samedi un peu venteux, c'était devenu du passé. Elle me l'avait plus ou moins signifié la veille, à travers un message sibyllin et cabalistique que j'avais remarqué, mais que seul un druide expérimenté aurait déchiffré à coup sûr." 33333 ", avait elle écrit en gras sur le tableau de bord de la Zoe. Elle n'envoie jamais ni texto ni parchemin et je ne savais quoi comprendre. C'est toujours comme ça, avec les filles. 


le message de la dame du lac

Est-ce elle aussi, telle une muse, qui me souffle alors d'aller pêcher vers la plage, dans deux ou trois mètres de fond ?  Est-ce simplement ma petite science de la pêche qui m'emporte là-bas ? Arrivé sur les lieux après une  navigation de 500 milles mètres, quelques ébats de poissons se font entendre à proximité, qui semblent des chasses, mais pas absolument,  car on ne voit  aucun  poissonnet gicler hors de l'onde comme s'il avait le feu à la nageoire caudale …  Je décide que ce sont des chasses, n'ayant d'autre option. Une imitation d'alevin de quatre centimètre sur une tête plombée de deux ou trois grammes est envoyée. Cette tête plombée est précédée vingt centimètres plus haut d'une plume imitant un ♫ ♫ petit alevin blanc ♫♫Qu'on boit sous les notelles ?


Une secousse, c'est une touche, deux secousses, c'est une paire de zébrées qui m'arrive en retour ! J'en suis tout esbaudi et je drope ces deux poissons à bord. Je relance et petits-beurre ! J'avais écrit bis repetita, mais je n'ai jamais fait de latin, et M'sieu OpenOffice me suggère petits-beurre, on se demande pourquoi, mais je prends.


étonnant, non ?


La fête se poursuit à un rythme moindre mais soutenu durant deux petites heures. Je rentre au port avec une belle récolte … Ce fut ma plus agréable partie de pêche jamais réalisée au leurre souple, clairement.


Musée Picasa, WH, les perches (fragment)



* C'est uniquement parce que le vent dépasse souvent 20 km/h en bord de mer que nul n'y a vu de sirène cornue.

samedi 8 juillet 2023

Je m'voyais déjà

Je me voyais déjà grand pêcheur. Mais passer du statut de chasseur de bon "milieu de gamme" à celui de "pas trop pauvre pêcheur" est un chemin semé d'ornières, je vous l'assure. Les cerfs, les chamois et les mouflons en nombre croisaient mes balles infaillibles, ma salle de trophées - un bout de grenier, en fait - s'emplissait, mes amis se régalaient, et les plus belles femmes se pâmaient en me voyant revenir les mains ensanglantées et le canon encore fumant. Enfin, c'est comme ça que j'aime me rappeler ces temps de gloire, c'est peut-être un rien enjolivé. Mes jambes se sont un peu enfuies depuis, mais il me reste un bateau presque confortable, et la mèche de mon ancien amour pour la pêche ne demandait qu'une étincelle. On allait voir …


Un nouveau monde de découverte et de succès s'ouvrait à moi, je me voyais déjà filant sur l'eau comme un bas nylon, affrontant victorieusement des poissons magnifiques. Copains, champagne, alizés, gros poissons … Mais bon, fallait d'abord que je descende les poubelles et que je balaie l'escalier.


Je me voyais déjà ...



"Ma" mer n'est en fait qu'un lac aux eaux un peu chargées, mais je m'en accommode. J'ai de quoi causer à ses habitants : six cannes et autant de moulinets, de quoi affronter de l'ablette au silure géant, de l'oblade au tarpon, de la sardine au thon. Il n'y en a pas encore, des tarpons, mais vous le savez, je sale sournoisement le lac à chaque sortie, et le climat fait le reste de son côté ...

Pour la gloire et les prises somptueuses, ça avance doucement ... "Il n'y a point de méthode facile pour apprendre des choses difficiles", disait Joseph de Maistre, un vieux con réac Pourtant, ma belle a rapidement pris l'habitude - quand elle m'accompagne - de dominer le jeu avec une régularité insolente. Je ne ne suis pas du tout humilié, hein, loin de là ... Car après tout c'est moi qui ai fabriqué sa ligne, moi qui ai ramassé ses vers de terre, moi qui ... Alors à part prendre plus de poissons, elle n'y est pour rien ... Non ?



Moi ? les deux à droite 😢


Il m'arrive de pêcher avec moi-même pour seule compagnie, mais l'absence d'émulation ne fait pas monter mes résultats pour autant. Un jour qui brûle encore dans ma mémoire, je voulais m'adresser un peu aux gros silures que je ne capture jamais mais qui marsouinent avec insistance dans mes rêves. Pour ça j'allai pêcher près de la plage, abandonnée ce jour-là par les baigneurs qu'un vent fripon avait en partie chassés. Un vent qui fait déraper le bateau sur son ancre, c'est pénible. Mais une ou deux heures plus tard, c'est la touche ... Tss ! Seulement un petit brochet de 52 cm qui retourne à l'eau selon la règle, bien qu'il ait tenté de saboter l'hélice de Marina, mon joli bateau, en y entortillant un peu la ligne.

Alors, la nostalgie des perches me prend - le vent n'y est pas pour rien - et je me convaincs que les silures peuvent très bien être là-bas aussi, à cinq cents mètres : la preuve la plus récente étant un petit silure mandarin capturé là-bas par ma douce quelques jours plus tôt. Et j'y retourne. C'est nettement mieux abrité, le bateau se balade à peine, on est bien.


Petit silure mandarin



Ça commence bien, j'installe deux poissonnets, à qui j'ai expliqué comment capturer le silure,  l'un en "drop vif", l'autre "au bouchon", que je dois replacer souvent, mais bon.  Deux belles perches se laissent assez rapidement séduire par les vers de la troisième canne. Pendant que je replace mon vif qui contient assurément mes plus gros espoirs de gros poisson, mais qui veut revenir sous le bateau, un plouf me surprend dans mon dos. Ce n'était pas typiquement le saut d'un poisson, et à moins de deux mètres du bateau. Je finis de replacer le poissonnet  et je reprends ma canne à drop shot… 

Ma canne  ??? Il faut se rendre à l'évidence, il n'y a plus de canne ! Un vol à l'étalage en milieu aquatique n'est pas habituel à 20 mètres de la berge, et il y a eu ce plouf. Est-ce que le bateau aurait dérivé, tendant la ligne qui se serait accrochée, et la canne aurait basculé ? C'est tiré par les cheveux mais c'est le plus probable. Je suis sur trois mètres de fond, et je balade au bout d'une ligne deux hameçons triples pour tenter une récupération, sans autre résultat que la perte des hameçons dans les cailloux. Ma jolie canne spécial drop-shot , snif. Je présente un vœu à la Dame du lac pour que mon nouveau mais encore futur sondeur me permette de la localiser au demi-mètre près. Je débarrasse ma canne ultra-léger de son leurre et y monte une ligne drop shot, que je casse presque aussitôt sur accrochage. Je remonte une ligne drop shot en me méfiant de ce caillou là-dessous. Les lois de l'emmerdologie relative, probablement s'appliquaient déjà. J'aurais dû comprendre, j'ai persévéré.

Tant qu'à faire je décide de prendre un point GPS dans l'espoir d'un repêchage ultérieur. Je pose ma canne contre le franc-bord, talon juste à mes pieds et je lance mon logiciel sur le smartphone quand je vois ma canne s'envoler littéralement ! Et je suis en retard d'un pouillième de seconde, mon bras ne rencontre que du vide. Plouf ! 

Je commence à bien connaître ce bruit caractéristique d'un ensemble canne moulinet sautant d'un plongeoir. Mais bon dieu, mais c'est bien sûr ... Un troupeau de carpes traîne inhabituellement sur ce poste. Je n'ai jamais touché aucune carpe sur la baie en cinq ans, et elles sont là aujourd'hui. Les montées de bulles inhabituelles auraient dû m'alerter, et me faire assurer les cannes. Quand on est con, c'est pour longtemps.

Je rentre avec deux perches en plus et 250 balles en moins, la queue entre les jambes et le rouge aux joues. J'espère qu'elles n'ont pas eu de mal à se débarrasser des hameçons fins de fer en numéro quatre.

Mais je n'ai pas dit mon dernier mot.