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jeudi 17 décembre 2015

Dans la forêt (2)

Dans ma forêt, je suis revenu, mais pour une petite battue cette fois. C'est l'occasion de rencontrer d’autres chasseurs du groupe que je ne connais pas encore. Nous partageons à trois, la veille, un gîte où j'arrive  à 18:00, suivi une heure après par Maurice, et à 21 heures par un travailleur, Mickaël. Venant du sud ou du nord, nous avons tous trois roulé trois heures environ. Le lendemain matin, il a fortement gelé et je prends pour vous une image des Hautes-Cévennes hivernales.


les Hautes-Cévennes en mode "hiver"


Ce territoire de cinq cents hectares de forêts se trouve sur une zone marquée par l'histoire des religions et des hommes. Le futur pape Urbain V y naquit à quelques hectomètres, au château de Grizac,en l'an 1310. Mais les modes passent, et quatre cents ans après, les camisards se battirent pour conserver leur droit au culte protestant qu'ils avaient adopté.  Au cours des troubles, l'abbé du Pont du Monvert fut occis au bord du Tarn naissant. Les massacres furent pleins d'entrain, les hameaux des Cévennes furent détruits et brûlés par l'armée royale pour éteindre la révolte. On y brûla vif du protestant en 1703, le roi soleil tournant au roi barbecue, peut-être sous l'influence de la Maintenon, bigote à joli cul.

M'adonnant moi-même à l'adoration de Diane, et ayant seulement occis sur ce territoire un brocard en début de saison, j'imagine que le sacrifice à ma déesse d'un sanglier la comblerait. Nous sommes onze je crois, à remplir les moult formalités qui font de nous des citoyens au-dessus de tout soupçon.

Le plan d’attaque est soumis à une discussion à laquelle participent ceux qui ont une connaissance minimum de l'ensemble du territoire, ce qui n'est pas mon cas. Et cela se fait en un temps si court pour aboutir à une adhésion générale que cela mérite d’être souligné quand nos votes vont vers des gens pour qui la démocratie est le chemin, mais pas le but.

Dans les véhicules qui longent les pistes, nous croisons une compagnie de sangliers en allant nous poster … Heureux présage ? J’ai un poste qui me réjouit … Mais je dois le quitter pour "50-100 mètres  plus bas", car mon voisin Maurice se trouve posté plus bas qu’il ne pensait, à cause de ceux qui sont plus haut … mais moins haut que souhaité. Je descends  deux cents mètres  de chemin zig-zaguant sans découvrir de draille prometteuse, et je remonte un peu, pour me poser en un endroit qui m’assure un peu de vue dans une saignée d'arbres. Je verrai, une grosse heure après, passer, encore au-delà, une compagnie menée de loin par nos chiens. Avant cela, j’ai imaginé que la pétarade quasi immédiate après notre installation venait de  mes sur-voisins, mais elle est en fait plus loin. C'est l'effet néfaste du casque amplificateur qui protège mes oreilles. Et mon voisin tue en fin de matinée un sanglier, dont les comparses en fuite passent au poste que j’ai dû abandonner. Je  lâche une balle à un contre mille, à plus de cent mètres sur les quelques quasi marcassins restants,  passant comme des fusées, en pointillés, entre les hêtres au dessus de moi. Sans résultat, que Diane me pardonne.

A la pause, trois ou quatre sangliers sont au tapis pour une quinzaine de balles tirées au moins. Et nous attaquons les 300 hectares restants après un rapide pique-nique. Je connais le poste que je dois prendre, mais il s’avère que suite à une incompréhension, un chasseur veut aussi y mettre son invité. Je suis à nouveau déclassé, bien plus bas, mais j’ai au moins une ou deux vieilles drailles pour entretenir la flamme de l’attente. Je ne verrai rien, mais le casque me permet de suivre les menées lointaines et les tirs. Deux biches sont tuées, les sangliers échappent à plusieurs tirs.

Ibis, jeune chienne "Rouge de Bavière" et une biche adulte ; cette race a une forte aptitude à rechercher les animaux blessés

Pour le même prix, Maurice, heureux chasseur du jour avec deux pièces en deux balles, une biche et un sanglier, nous fait une démonstration d’éviscération parfaite en milieu inhospitalier. Comme toujours en ces cas, j'ai honte de mes deux mains gauches, et je me promets néanmoins de suivre sa méthode sur mes animaux, chamois et chevreuil le plus souvent. Au retour, deux marcassins généreusement attribués voyagent avec moi, mais ils restent mutiques durant les trois heures de route. Un peu de rancœur peut-être, ou juste une façon d’être ?

Les chiens et les piqueurs ont été magnifiques toute la journée, et le tableau de cinq ou six pièces récompense une organisation sans faille.

mercredi 16 décembre 2015

Un ragoût de marcassin

Pô difficile, et bien bon ...

J’ai hésité à le faire en gratin. Ou bien Melba, mais il faudrait un talent à la Desproges, et j’en suis si loin … Mais ma douce m’a accordé un 17/20 pour mon ragoût de marcassin, et m’a proposé une nouvelle mission. Au choix : sauver le monde, ou bien faire une terrine de marcassin pour des amis qui viennent dimanche.  Alors je me suis dit, avant de prendre tant de risques, que j'allais partager avec vous cette recette de ragout.



Et après avoir beaucoup hésité, un peu parce qu’il fait frais dehors aussi, j’ai finalement opté pour la terrine. Qui n’est en ce moment qu’un projet. Mais pour le ragoût, voici la recette pas à pas … 


Un marcassin (jeune sanglier)






Prenez, par les moyens qui vous conviennent, chasse, braconnage, commerce, un marcassin de 14 -18 kg. Eh oui, c’est le centenaire. Douze kilos, vingt ? Jetez. Disons qu’il fait 15 kg éviscéré. Suspendez-le au garage, ou au lustre si vous vivez en appartement. Dépouillez-le amoureusement, pas trop vite, tout doucement. Séparez la tête, fendez l’animal en deux parts égales, découpez les cuissots jusqu'aux filets inclus éventuellement -pour faire de belles pièces dans ce petit animal- et les épaules. Séparez le bas des côtes, et le cou que vous découpez, et auxquels vous rajouterez une épaule, selon le nombre de convives, ou même deux, pour notre recette. Je précise une nouvelle fois, à la suite d' incompréhensions, que l’on rajoute une épaule de marcassin, pas de convive ! Donc, des bas morceaux, et peut-être une épaule, ou même deux. On peut jeter le reste de l’animal, mais cela est idiot si l'on a un congélateur ou des amis. 



Jetez un verre d’huile dans une cocotte. Il ne s’agit pas d’une fille légère, mais d’une sorte de casserole épaisse de paroi à en être lourde. Jetez-y également une carotte en rondelles, un ail finement tranché et un oignon traité un peu plus grossièrement. Quelques lardons. Non, pas les bébés sortis du congélateur ! 

Ajoutez le marcassin découpé, faites dorer, salez poivrez, laurier, thym, genièvre si vous aimez. Un verre à gnôle d’armagnac, et flambez. La cuisine s’embrase ? Eteignez (on dit parfois déglacez) à la bière. Un bon demi-litre de Jenlain est parfait. 


A table ...






Quand le four est à 130 degrés, mettez-y la cocotte  glougloutante pour une heure trente, bien couverte. Au bout de ce temps, rajoutez des pommes de terre à chair ferme simplement épluchées, pour trente bonnes minutes encore, en veillant à ce qu’elles baignent en partie, pour le salage, pour le parfum. La variété Désirée est d'une fermeté parfaite.

Voilà. Bon appétit. On peut trouver facilement du sanglier à la période des fêtes. Demandez-le jeune, mais c'est le cas en général.

lundi 7 décembre 2015

Dans la forêt lozérienne (1)



Le Front National monte … alors je descends. Dans les Cévennes … Mais qu’elle est loin, cette forêt lozérienne ; je roule le cœur léger vers une chasse que j’espère belle. Il reste biche, chevreuil, et sanglier autorisés. Je serai seul sur les cinq cents hectares et comme j’aime les équipes restreintes et soudées, je ne me plains pas. Je ne suis pas dupe cependant que pour me nuire, "on" a allongé le trajet, ajouté une multitude - ou même deux ? - de virages traîtres, et avancé l'heure où la nuit tombe. J’arrive lessivé au gîte -sans couvert- et c’est sympa de reprendre contact avec les gens de la montagne du Bougès, devant un verre. La cheminée flambe, la chaleur n’a pas encore atteint le coin cuisine, mais je dors dans la mezzanine où il fait bon.

Bonne gelée et temps clair me semblent de bon augure le lendemain. J’adapte mon projet d’affût initial - ce qui consiste à se placer immobile et silencieux en un lieu de passage présumé des sangliers - et je préfère descendre aussitôt par les chemins forestiers vers les 1200 mètres, que j’atteins vers neuf heures trente. J’avance à pas de loup, quand je suis aboyé par le même brocard qui déjà nous ridiculisa chacun notre tour, Jean-Noël et moi …  Et sûrement d’autres. Je ne le vois même pas filer. Bah ! Pour être aussi malin il doit être très vieux et tout en nerfs.  Je tourne le curseur de mon attention sur cent pour cent, car j’approche de mon spot fétiche. Je jumelle attentivement, minutieusement. « Y’a pas rien », semble t-il, comme dans la double négation quercynoise qui enchérit et ne renverse pas. Mais ça va venir, pensé-je : le petit estomac des chevreuils va les trahir. Je cherche une pierre, un bois mort, pour y poser mon derrière, un peu inattentif et trop visible un instant, quand un mouvement taquine le haut de ma rétine … Deux chevreuils fuient tranquillement et sans affolement, à moins de cent mètres. Je pose la carabine sur mon bipied, et le réticule trouve des culs qui s’éloignent. Un peu plus de profil, bordel ! Mais non. Si je m’étais assis au mépris du confort extrême … Bah ! J’en tuerai un demain, et ce ne sera que mieux, me dis-je en me donnant sur l’épaule, la vraie, une petite claque affectueuse.

Forêt sombre au premier plan et lumière au loin sur le Mont Lozère

Avant midi, j’atteins la voiture, trente minutes après j’atteins le village, une minute encore et j’atteins le seul lieu de perdition ouvert au Pont de Montvert. J’y trouve des chasseurs indigènes et l’ambiance sympathique qui convient à une potée. Les après midi sont courts. Deux affûts, et pas l’ombre d’un animal alors que l’ombre gagne jusqu’à virer à l’obscur. Je suis aux trois Fayards, un endroit un peu magique avec ses cairns de toutes tailles, que des nuées sombres et glaciales traversent doucement, faisant bruisser les cimes des pins un peu torturés.



J’arrive fatigué  devant une cheminée en pleine forme, j’y déguste une Chimay en rêvassant. Je suis bien, superbement bien. Parfaitement heureux malgré l'absence de tir, vivant ce moment qui précède la chasse du lendemain.  Plateau repas royal, composé de pain un peu sec et de fromage salers, et de pain un peu sec et de fromage salers. Une pomme et un Goncourt au dessert.

Brouillard et bruine, une autre forêt !

Demie-surprise, il pleut le lendemain, et j’adapte la vêture. La table est longue et un second bol vient côtoyer le premier qui côtoie lui-même l’assiette du premier soir. Que c’est bon, ça … Le jour refuse de se lever, la montée vers le territoire emmène le Subaru près de ses limites dans les pentes aux ornières boueuses. Tout est magique, presque rien je ne reconnais dans la ouate violemment et inutilement éclairée, et les embardées. Peu après, je marche dans un silence absolu, une bécasse probable s’envole sans que je la voie. En moins de deux heures j’arrive au spot à chevreuils.  Mais rien. Rien sous la bruine, et rien quand les nuages se déchirent un peu. Je remonte doucettement après une bonne heure d’affût, je fais un petit affût d’un petit quart d’heure, et je reprends le chemin de la voiture dont je suis distant de huit cents mètres environ. J’entends au loin une menée qui se rapproche rapidement, et à tout hasard, je prends la carabine en main.  Et cinq sangliers traversent le chemin à environ 80 mètres, fantomatiques dans un silence absolu. Une image que je vais garder. La carabine vole vers l'épaule, mais le réticule n’atteint que le cul du dernier sanglier qui disparaît. Il n’y a pas de sixième. Dommage. 

Imaginez les silhouettes fugaces de cinq sangliers traversant dans un silence ouaté ...

Au septième jour de chasse, j’ai enfin vu les sangliers d’Altefage. Pas à l’approche, mais la rencontre, ça me va aussi !


samedi 28 novembre 2015

Une chasse au bouquetin ibérique

Un village typique de la zone de chasse


C’est pas pour me vanter, mais je suis - un peu - un chasseur de Capra pyrenaica. De hembra montés, précisément, car un grand macho montes, le mâle, aurait englouti quelques mois de ma modeste pension.

Macho montés, et tout à gauche une femelle (hembra)

Je suis donc allé passer un week-end espagnol à Villafranca del Cid dans la province de Castellón, en communauté valencienne. Une zone durement frappée par la crise économique, révèlent les maisons vides et les immeubles en déshérence. A 60 kilomètres de la Méditerranée, et à mille mètres d’altitude. A la recherche d’une hembra ( femelle) d’Ibex. Une distance un peu longue, 850 kilomètres que je ferai avec une étape à Figueras. Le second jour, je faisais tranquillement la route, respirant le sud, les oliviers et les orangers, avant de virer vers l’ouest et de m’élever doucement. Ma maîtrise toute nouvelle du langage des signes me permit de me régaler d’une assiette de délicieuses tapas dans un village des premières collines.

La société qui nous accueillait, Hunting in Maestrat, gère sur 90 000 hectares cette chasse en exclusivité. Un millier d’animaux peuplent cette zone, dont une centaine sont tirés chaque année. Les Macho Montès médaillables valent quelques milliers d’euros tandis qu’une étagne est abordable, disons pour un budget de quatre cents euros. Et c’est l’animal que j’avais choisi. Il n’est prévu aucun tir de juvénile dans leur plan de chasse. Entre ces extrêmes tarifaires, se trouvent les "mâles représentatifs" accessibles pour deux mille euros environ. Le coût d’une chasse se compose d’une licence, valable un an, au prix de cinquante euros, auquel s’ajoutent les journées de guidage, et bien sur le prix de l’animal convoité, s’il est pris.


un plateau calcaire percé de canyons

Le territoire de chasse est un vaste plateau calcaire aride situé à plus de mille mètres d’altitude, couvert d’une inconcevable multitude de murets sophistiqués et percé de surprenants canyons, profonds et magnifiques. Erosion ? Que nenni : selon moi, à l’évidence, ce sont des mines de murets à ciel ouvert désaffectées … C’est là que l’on  trouve les ibex. Les étagnes (femelles, dites "hembras" par nos guides) et les jeunes sont d’un incroyable mimétisme qui les rend très difficiles à repérer dans ce décor de western ocre et tourmenté. Les yeux extraordinaires de Dominique, un de mes comparses, faisaient merveille. L’approche de ces animaux est plus facile que celle du chamois ou du mouflon européen, et j’ai été surpris du peu de prudence dans les approches de notre guide, tant au niveau de la rapidité des déplacements que du bruit engendré par  les cailloux. Les mâles, les macho montès chassés à cette période du rut ne sont pas des plus prudents, et leurs couleurs tranchées, noir et gris, ne leur rendent pas service.

Hembra ou jeune mâle ?

Notre groupe de six chasseurs et de trois guides a fort bien fonctionné. Trois chasseurs maîtrisaient la langue de Cervantes, et même si je n’en étais pas, je n’eus pas de gros souci grâce à leur concours. Le patois bressan ne me fut d’aucun secours. Le premier, jour, notre groupe de trois chasseurs de hembras, plus un guide, ne tira pas malgré quelques rencontres. Deux autres chasseurs, cherchant les Macho montes eurent chacun un guide, cette chasse étant présumée plus difficile, ou plus rentable, probablement. Et le soir, un des deux mâles était pris, sur un tir de 180 mètres, énorme dans un vent de folie aux rafales dépassant les cent kilomètres heure.

J’étais le seul chasseur le lendemain avec mon guide, mais accompagné du tireur de la veille, armé de son caméscope et de ses jumelles. Une première fois, les choses vont trop vite, et les animaux alertés s’enfuient avant que je ne sois prêt. Une seconde fois un groupe composé de plusieurs animaux se présente, et le guide tarde de longues minutes à me donner le feu vert ; et ma hembra disparait. Après ces deux occasions de tir manqués pour cause de fuite des animaux ou d’attente trop longue, j’étais sur le gril. Et  je me presse trop, et l’étagne, que j’aurais jurée immanquable à 150 mètres, en contrebas, lors de la troisième occasion, s’enfuit à mon tir, et ne se décide pas à rouler dans les mètres qui suivent. Je parviens à retirer l’animal  au cours de sa fuite, sans succès. Comment ai-je fait ? Trente minutes plus tard, Julio, un guide, avec mon approbation, tirait l’animal au fond du canyon. Après le désappointement du tir raté, après avoir senti l’univers se resserrer sur ma poitrine quand on m’a dit que l’animal était blessé, mon cœur s’envolait au coup de carabine salvateur. Pas longtemps car son tir sur l’animal blessé, avait été intercepté par un petit chêne vert, et le remords m'écrasait à nouveau.

Gao, chien de sang de race rouge de Bavière

Bien que notre groupe soit accompagné de  deux chiens de sang, un rouge de Bavière (ce n'est pas un cru du sud de l'Allemagne) et un basset fauve de Bretagne, nous ne pûmes faire de recherche, la zone étant habitée par un ou plusieurs très grands mâles qu’il n’était pas question de déranger … Pour la première fois, je laisse un animal blessé derrière moi, et cela a un peu obscurci les moments lumineux que je vivais. Je savais bien qu’un jour cela arriverait, et que cela ferait mal. Savoir un animal  souffrant par ma faute.

Dans le même temps, Dominique tuait une étagne d’un tir parfait à 200 mètres et Jean-Pierre tirait dès l'aube une splendeur de Macho montes qui devrait frôler l’or en matière de cotation. Je ne verrai que la tête impressionnante du fabuleux animal. Sachez que leur eau de toilette est à proscrire absolument pour qui veut séduire une femelle de notre espèce.

Le film de cette aventure de chasse

J'en ai modifié la musique qui n'était pas exempte de droits d'auteur ... C'est moins bien

Le bouquetin ibérique - Capra pyranaica ( cabra montés en espagnol, Spanish ibex, ou Iberian ibex en anglais)
De 7900 animaux estimés en 1990, on est passé à 50 000 animaux en 2002 (dernier chiffre trouvé). Cet ancêtre des chèvres domestiques, génère une marché cynégétique considérable et bienvenu.

Le dimorphisme est important, le mâle macho montes atteint 80 kg et ses cornes 75 cm, tandis que la femelle, cornue, est bien plus petite.

Herbivore, avec un régime très varié, la femelle produit un seul cabri chaque année après une gestation de 165 jours.

Vit de 200 m à 3000 mètres d’altitude, en zone escarpée toujours, sur la partie ouest de l'Espagne et au nord du Portugal.

Ce bouquetin ibérique vient d' être réintroduit en France, après la disparition de Capra pyraneica pyraneica, la sous espèces pyrénéenne, espèce éteinte officiellement en 2000.



On avait tenté de la faire renaître par clonage, et frôlé le succès. Des tissus vivants, prélevés en 1999 sur la dernière femelle vivante, nommée Celia, avant sa mort, avaient permis d'engager le processus de clonage pour tenter de sauver l'espèce. Deux équipes de scientifiques espagnols et une équipe française se sont impliquées dans ce projet de clonage. Des cellules prélevées dans les tissus de Celia ont été fusionnées avec des ovocytes de chèvres dont les noyauxont été préalablement enlevés. L'embryon obtenu a ensuite été transféré dans une chèvre domestique. En 2003, il a été annoncé que la première tentative de cloner le bouquetin des Pyrénées avait échoué. Sur les 285 embryons créés, 54 ont été transférés à 12 chèvres, mais seulement deux ont survécu durant les deux premiers mois de gestation avant de mourir également. Les tentatives ultérieures ont conduit en 2009 à la naissance d’un clone qui est mort quelques minutes après la naissance à cause d’un défaut physique au niveau des poumons. Le projet de clonage a été arrêté depuis.

vendredi 30 octobre 2015

Deux journées de chasseurs de chamois

Il est une chose que j'adore, chasser seul en montagne, avec mes jumelles et ma carabine. Obligé à rien, obligé de personne, je ramène toujours quelques photos, médiocres en général, mais qui me suffisent. Et parfois, une prise. Comme les années passent et que chacune laisse ses blessures, il devient difficile de courir le chamois seul, car si le succès est là, ramener l'animal me devient quasi impossible.

Henri m'a accompagné pendant deux journées riches en émotions. C'est un chasseur aussi. Le premier jour il était mon invité et donc le tireur, et le second, c'était mon tour. Le tireur, c'est vraiment le chasseur, celui qui décide du parcours et de la stratégie, prend les décisions. Son accompagnant est le conseiller, le porteur, les yeux supplémentaires, le garde-manger aussi ... Henri est un homme délicieux, raisonnable, attentionné. Le brouillard a compliqué notre chasse, le vent nous a cantonnés à mi-hauteur dans la pente, vers 1500-1600 m.

D'entrée, un bouc nous a bernés. Et nous avons vu d'autres animaux, mais intirables. Nous avancions à flanc du Puy Mary vers le Peyre Arse, côté Impradine, et le vent menaçait de nous jeter au sol dans ses rafales. Si le brouillard nous aidait en nous masquant des animaux, il gênait aussi nos observations aux jumelles tout en rendant le paysage méconnaissable quand il réapparaissait dans des trouées.

Henri dans un paysage rendu étrange par le brouillard

C'est Henri qui "trouva" sa chevrée. Une petite douzaine de chamois, fantomatiques dans le brouillard, mais fort près de nous. Cent cinquante mètres. Repérer une éterle, un animal de dix-huit mois quasi adulte était difficile et c'est un cabri qui ferait les frais de notre chasse. Henri décida de gagner une vingtaine de mètres grâce à la brume, jusqu'à un arbre qui nous tendait des branches nues et souffreteuses. A un contre cent, le brouillard le révèle à mi-parcours et il devra faire un tir dans une position bien inconfortable. Le cabri est touché mais parvient à fuir, pas loin heureusement. Les yeux de Géraud, son frère non chasseur qui nous accompagnait,  jouèrent un rôle important en ne lâchant pas le cabri blessé. La balle de match, une ou deux minutes plus tard, nous priva et du cœur et du foie ...

Une gorgée de poire dans la flasque que m'offrit ma cousine préférée, une goulée d'émotion et de pur bonheur sont partagées par nous trois. Presque 3 km de portage pour le retour, mais ce ne sont que quinze kilogrammes, et ce n'est pas moi le porteur ...

le parfum de victoire

Rendez-vous est pris pour le lendemain à la même heure. Il pleut quand je me lève, mais nous trouvons une montagne d'après la pluie, sans brouillard et peu ventée. Je joue finement pour tenter de trouver le bouc de la veille, mais celui-ci a encore un coup d'avance. Nous pourrons passer en crête en direction du Peyre Arse, crois-je. Mais un vent à décorner les chamois nous ramène vite à la draille de la veille. Sans la protection du brouillard, les choses paraissent soudain mal engagées. Approcher une chevrée sera problématique sur ce parcours. Diane, qui décidément, m'a à la bonne, me révèle un chamois seul au-dessus de nous à cent quarante mètres. L'identification au moyen d'une photo électronique agrandie fait penser à un éterlou, tandis que sa masse dit bouc. Pourvu que ce ne soit pas une chèvre esseulée, comme me le font craindre un peu les cornes faiblement courbes ...


le bouc tel qu'il m'apparait, photographié à x 40 ... puis l'image agrandie sur l'écran, selon l'incrustation



Mon appui sur le rocher est imparfait, l'animal avance ... Je bloque un peu l'arme avec le pontet touchant le rocher, et j'enrhume Henri tout en débouchant ses oreilles d'un double effet tonitruant du calibre 308 W agrémenté d'un frein de bouche. Le bouc tombe au tir, tente de se relever, disparait. Réapparaît à nos yeux en roulant dans la pente. Mais sa tête ne tombe pas. Je me déplace de cinq mètres et tire une balle d'achèvement, qui ne fait qu'érafler son cou. Horreur ! Seconde balle de cou, et il roule vers nous, mort.

Le Peyre Arse en arrière-plan

Le transport de l'animal est une épreuve qui incombe à Henri. Le soir nous sommes tous réunis : Henri, Géraud, mon épouse et moi. Après quelques bulles, nous dégustons les abats, cœur, foie (et plus si affinités). Plat suivi d'un filet de sanglier lozérien, le tout accompagné d'un excellent cahors. Puisse être la vie aussi longue et belle qu'elle a su être douce ces deux jours.


Pour les aspects techniques ...
Cabri tiré à 140 mètres, carabine Zoli, cal 7 x 64, lunette Leupold, balle KS de RWS, 10.5 g
Bouc tiré à 140 mètres; browning X Bolt calibre 308 W, lunette Nikon, balle rechargée Sierra 150 gr.
 

jeudi 8 octobre 2015

Comportement déviant



Assez extraordinaire. Ni elle ne filme, ni elle ne photographie l’évènement. Ses proches s’en inquiéteront si jamais ils prennent connaissance de ce comportement anachronique et presque déviant. Se moque-t-elle de tout ? Refuse-t-elle de partager ? Batterie à plat ?


Comment témoignera-t-elle ? Juste avec sa mémoire et des mots ? Les mots ... N’est pas Shakespeare ou Houellebecq qui veut. Et qui lit ? Qui lit ? qui Lit ? Ne me chatouillez pas, je vous prie ... Compte-t-elle sur sa mémoire pour raconter ça à sa petite-fille, ou à ses amies ? Sur sa mémoire plus que sur celle de son Smartphone ? Bizarre. Déjà touchée par la maladie d’Alzheimer, peut-être ? Les personnes en bleu seraient des aides-soignantes, alors, et l’on est rassuré, on va la ramener dans sa chambre. Mais un numéro vert devrait exister pour signaler ces personnes dans la détresse.


Vivre sans smartphone ... Soyons confiants et lucides, si l’on peut être à la fois lucide et confiant. Cela a existé : les mots étaient bien des outils au service de la mémoire, et ils sont bien contemporains des peintures rupestres, qui elles-mêmes sont les grands parents de la clé USB. Et la toile qui fait voyager les contenus est alors juste un colporteur version 2.0.

On imagine les images de l’évènement, agrémentées d’un commentaire ou pas,  prêtes à s’envoler, ou volant déjà vers une personne aimée ou un réseau, chez le voisin en casquette à lunettes. Futiles souvent, belles parfois, un lien toujours vers les siens ou sa tribu. Je crois bien que la révolution utile est dans ce dernier point : éviter la solitude quand elle est redoutable ou redoutée. J'ai expérimenté ne pas être seul quand on est seul, tant qu’on a la force de pianoter. Et ainsi face à la peur, à l’angoisse, on a ses proches proches, pas loin-loin …Et c'est beaucoup mieux.

Prendre des images, c’est malheureusement mettre un peu d'écran entre l’évènement et soi. Heureusement, les partager redonne du sens à l'acte. Ne pas devenir l’esclave du témoignage, comme Cro-Magnon me racontait récemment, c'est important... Forcé à des semaines de taf pour immortaliser son dernier mammouth ou son premier ours, et à des selfies hasardeux et longuets, visibles à condition de venir dans la grotte, visibles à condition d'avoir une torche ... Mais ils ne cédèrent pas si vite au confort du smartphone, les Cro-Magnon.

 

mardi 29 septembre 2015

Alors, je n'ai pas tiré




Les deux plus clairs les plus hauts, des éterles ?


En haut les deux animaux au pelage plus clair sont des éterles probables (chamois femelles de 18 mois). Elles sont là à moins de deux cents mètres et paraissaient conformes à mes autorisations de tir. Jumelles, appareil photo avec agrandissement électronique pour jauger les trophées ... Deux cibles possibles,  mais à 220 mètres, maintenant ... Et l'animal tiré va dévisser au tir. Mais s'il ne dévisse pas, y aller sera risqué pour moi... Je décide d'attendre, aussi parce que je suis loin de la voiture, et que ma carcasse ne veut pas peiner comme ce fut le cas l'an dernier, au retour.

Dès que le groupe se trouve masqué en s'éloignant, j'avance, et je découvre le reste de la chevrée Tout ce qu'on veut, sauf un bouc. Lunette, jumelles, photos que j'agrandis sur l'écran de l'appareil. J'ai laissé à la maison la longue-vue dans un souci de légèreté. Des éterlous ou éterles, c'est sûr à 90 %, sont dans le groupe, et conformes à mes classes autorisées. Un tir à 160 ou 170 mètres est facile pour un chasseur entrainé, avec cette météo idéale. Mais je laisse ... Je régale mes yeux.

Deux autres beaux chamois de 18 mois































Les deux chamois ci-dessus sont dans la chevrée d'une douzaine d'animaux éparpillés et sont des éterlous "probables". Il m'est difficile de juger les cornes à 200 mètres, malgré la lumière parfaite, avec des yeux qui ont trois fois vingt ans. Bien sur la silhouette, le comportement juvénile, disent des choses. Mais 100 % de certitude, à part le cabri, ça n'existe guère à deux cents mètres ...


Le temps s'écoule comme il le doit, sans s'affoler. La chevrée doucement s'éloigne vers ses forts en pâturant. Je n'aurais pas eu souvent autant de tirs possibles sans décider de prendre un animal. 

Au fond le Puy Mary écrêté, et  au premier plan deux cabris, l'un presque entièrement visible, avant qu'ils ne s'approchent ...

Diane m'offre un cadeau en compensation, sous la forme de trois petits lascars du printemps, de moins de dix kilogrammes, qui m'ont perçu comme une chose bizarre, mais non dangereuse, et qui s'approcheront à une dizaine de mètres de moi. Je fais de belles photos, à ma petite échelle clic-clac Kodak, s'entend ... Ils sont tous trois aussi beaux que possible. Leur mères, et sans doute une ou deux grandes sœurs sont sous les rochers, à moins de quarante mètres, et je ne peux les voir. Peut-être irai-je ...


T'es qui, toi ?

Je te surveille, hein, fais gaffe !

Une léchouille



Mais non, finalement, la chevrée s'en va tranquillement, mes trois petits diables sont redescendus. Je me rends compte que je suis gelé et tout enraidi dans la bruyère humide.  Et je décide de prendre doucement le chemin du retour, avec en moi la joie de cette chasse bien menée, ces images merveilleuses. La chasse solitaire, c'est si bon.