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mardi 27 septembre 2016

Une chasse si facile

La quête importe plus que la prise, ignore parfois le chasseur. Néanmoins, la chasse comme l'amour ne peut se contenter toujours de promesses.

Maman bébé, à la manière d' une toile...

Après une bredouille royale en solitaire- mais bredouille quand même- la semaine précédente, j'étais accompagné ce mardi de septembre d'un jeune chasseur dont les bras et les jambes m'étaient indispensables pour rapporter ma prise encore toute putative. Nous avons trouvé une météo juste moyenne, mais je savais le brouillard un allié de choix s'il voulait bien jouer dans mon camp. Connaître ses intentions, ou celles de Diane, est une autre gageure mais en gros, il allait plus probablement se lever que s'épaissir. Et m'aider peut-être à trouver les chamois à leur insu. Voir sans être vu, c'est plus de la moitié d'une chasse réussie.

Diane m'avait vraiment à la bonne ce jour-là : nous avons avancé, parfois masqués par la brume, sur près de deux kilomètres à flanc d'une montagne parfois cachée, parfois découverte. Et bingo ! Nous sommes arrivés au-dessus d'une chevrée qui tenait le creux d'une combe. A cent mètres. S'allonger, trouver la bonne position, le bon animal, installer le bipied de la carabine. Tir facile, l'animal touché parcourt quelques mètres et tombe mort.

l'animal de droite sera le premier à présenter son profil ...



Après une éviscération toujours aussi maladroite, nous enfournons le bouc dans le grand sac et Maxime m'éblouit : les trente-deux kilogrammes sur son dos, vingt-huit de l'animal et quatre du sac et ses accessoires, ne l'empêchent pas de me distancer lorsqu'il n'y prend garde. Le retour se fait en une petite heure.

Maxime et le bouc 


Comme c'est facile, la chasse au chamois, direz-vous. Ah les animaux impossibles à approcher, les retours dans la nuit semblent soudain des légendes … Fort de mon inestimable succès, j'accompagne deux jours plus tard un troisième chasseur venu chercher un cabri, un éterlou ou un bouc. Cette fois le soleil est radieux, et des chamois sont observés d'entrée. Mais eux aussi nous observent … ce qui n'est pas idéal. Nous suivons le même cheminement que l'avant-veille. Sauf que la luminosité ne nous aide pas, et que surtout, les chamois ne sont pas au bas des ondulations du terrain, mais quasi aux sommets. Mais jamais du bon côté du relief.


Merveilleux chamois



Nous les apercevons à trois cents mètres environ … et eux nous rendent la pareille. Impossible de réduire la distance dans ses conditions. Ils sont prudents, et quand après quelques hectomètres courbés et cachés nous pointons notre frimousse au-dessus d'un rocher, ils ne sont plus là, mais deux ou trois cents mètres plus loin. C'est mal barré ; alors nous montons en crête et avançons à nouveau après une pose de récupération. Nouvelle petite chevrée à cent cinquante mètres. Cette fois sera t'elle la bonne ? Nous détaillons les animaux. Pas de bouc, mais éterlous et cabris sont présents parmi les femelles adultes. J'encourage Didier à tirer : cent-cinquante mètres n'est pas la mer à boire. Il préfère attendre, il approche encore : cent mètres. Mais les éterlous ne sont plus en vision, ayant basculé un peu dans la pente. J'aime ces moments tout en tension où tout va se conclure pour le meilleur, ou le pire. Pire qui est de blesser ... Un cabri offre enfin son profil et Didier le manque (le film du tir le montre clairement). Probablement une lunette déréglée : les chocs sont fréquents en montagne ; ils passent parfois inaperçus, mais ne sont pas toujours sans conséquence sur le réglage.


Sorbiers en beauté

Ce fut une belle chasse, avec de belles approches. Trois mouflons ont été observés au début de la chasse, et nous avons entendus des brames. Bilan globalement très positif, donc.

Pour varier les plaisirs, je m'accorde alors deux jours de chasse en battue au sanglier dans le midi, le samedi et le dimanche. Mais ma déesse, en matière de sanglier, rarement m'est favorable, malgré ma vaine menace de tourner mes prières vers Saint-Hubert ... Cette fois ne sera pas meilleure, et le weekend verra pour les quinze participants une double bredouille. Deux sangliers sont manqués le samedi, et il n'y aura pas de tir le dimanche. Les sangliers ont couru, les chiens ont joué leur partition, les postés ont attendu. J'avais un brocard à tirer et j'ai fait deux petites balades d'avant ou d'après battue, sans succès. Seules des femelles se sont montrées le samedi soir et le dimanche matin.


Veine et déveine. Et les légumes, c'est excellent, à ce que l'on dit …

jeudi 15 septembre 2016

Une bredouille royale

Fin de la sécheresse annoncée pour le lendemain, et j'ai un créneau pour chasser dans cette montagne étonnamment jaunie, où les vaches semblent pâturer dans les dunes. Parti avec un petit Kipplauf Brno (carabine à un coup et un canon, très légère, pour la montagne), avec lequel je n'ai rien chassé encore … Je l'ai doté d'une lunette permettant un tir crépusculaire, et cela fait un joli ensemble.

J'allais chasser le mouflon, et chercher en particulier un agneau. Le bélier, si magnifique, ce ne serait pas pour cette fois ... Mais l'agneau, s'il est peu prestigieux, est un mets renversant. Cela paraît un peu dur à bien des citadins d'entendre qu'on va chasser un animal qui a six mois d'âge. Mais un poulet de trois mois, un cochon de cinq n'auront pas bénéficié d'une vie aussi longue. Et il ne s'agit pour moi que de prendre l'intérêt que la nature sauvage m'accorde, pas de toucher au capital.

Vers 8:15, ce treize septembre, considérant que le jour allait bientôt se lever, j'ai pris la route et vers 10:00 je m'équipais, prenant in extremis l'appareil photo dans un sac à dos apte à rapporter éventuellement un agneau. 


Du haut de ma forteresse de basalte.

Ce n'est pas le sang qui coule encore, mais déjà la sueur, en quelques minutes. Je monte si doucement qu'un observateur peu attentif me jugerait arrêté. A midi, j'atteins les résineux de Peyre Garric, que je traverse, contourne, encercle ... Rien. Puis c'est mon spot préféré à deux pas, tout près de Seycheuse, où j'avais tué à l'ouverture dernière un jeune bélier. Les éboulis  se dévoilent mètre par mètre, je retiens mon souffle ... Vides. Je trouve un groupe de rochers confortables, d'où en me levant je verrai à 300 degrés, un sapin que je chéris pour y avoir photographié un merle à plastron il y a des ans me bouche un peu de vue.


Vers l'est, la sécheresse...


Le Peyre Arse


D'une heure trente à presque dix-huit, je déguste trois abricots secs, reçois un coup de fil, somnole, rêvasse, et surtout je surveille les horizons du haut de ma forteresse de basalte. Il fait 25 degrés environ avec un vent de 20 km heure. Génial. J'avais décidé de ne pas m'user à filer  jusqu'au ruisseau qui marque ma limite ouest (le Malriou, le mauvais ruisseau ...).

Ainsi que dans le Désert des Tartares, je quitte la forteresse juste trop tôt et j'affole deux petits cerfs qui fuient dans un galop bruyant. Je mets l'APN autour du cou -un peu tard- et je poursuis la descente dans un arc de cercle sorti de mon expérience et de mon inspiration du moment.

A mi-parcours, je fais dix minutes d'affût sur un promontoire au-dessus des Prés Noirs. La clôture qui les délimite est à 150 mètres au moins … Oups, 290, me dit le télémètre. Je suis vraiment très mauvais dans l'appréciation des distances. Je poursuis ma descente en faisant gaffe aux roulades improvisées, et j'arrive à la clôture derrière laquelle la pente plus forte reste longtemps masquée. Bingo ! Trois grands cervidés ! Sourire ? clic clac. Deux petits cerfs arrivent encore dans les minutes suivantes. Il doit y avoir un anniversaire … 



Rebingo, des mouflons apparaissent sur le bord de la vallée, dans le vert …  J'attaque une manœuvre machiavélique, m'éloignant et revenant dans un arc. Mais j'ai grand mal à être masqué tout le temps. L'approche est longue, le sol peu sympathique.  La petite Brno frétille. 182 mètres, me souffle le télémètre.


Les animaux sont assez mobiles, je dois faire attention au feuillage et aux branches entre eux dans la vallée et moi dans le versant. Ma position est merdique. Crampes. J'améliore, trouvant un rocher. Chaque fois qu'un agneau est identifié avec certitude et au centre du réticule, un autre animal s'interpose, ou bien ma cible disparaît derrière le feuillage. Là !!!  Mais le réticule sautille au rythme de mon cœur, ou de mes tremblements. Je crains de blesser. Fatigue et hypoglycémie seraient-elles les deux mamelles d'une gestion des espèces raisonnable au-delà de la nécessité ? Deux fois je suis à une fraction de seconde du tir ... Puis la troupe est hors de ma vue. J'essaie sans succès de l'approcher à nouveau, puis je renonce. Et là, en revenant sur mes pas, je vois défiler "mes" mouflons dans le clair-obscur, ils vont remonter en altitude. Si j'étais resté là-haut ... Une brebis s'arrête, son agneau tout près d'elle, mais je n'arrive pas à savoir avec certitude si le jeune animal est en avant ou en arrière de sa mère, tant il fait sombre maintenant. Agneau en arrière je peux tirer sans craindre que des éclats de balle blessent la mère. Le doigt sur la détente, j'attends. La brebis me fixe, et tape du pied pour provoquer une réaction de "la chose" qui l'inquiète …

Devant, derrière ? Trop tard, ils filent. Le bruit de mes pas fera bouger ensuite cerfs et biches sur le pénible retour à la voiture que j'atteins à la lampe frontale, non sans me tromper de chemin, et sans savoir jamais où je suis exactement.

Dernier jour avant le retour de la pluie.