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mardi 8 décembre 2020

Un pied dans l’hiver (by Josero)

Loulle, c'est son prénom, un diminutif provençal de Louis, je crois. C'est un déjà vieux viticulteur, dans sa ferme, chasseur aussi.  Fine, c'est sa femme : Delphine ? Joséphine ? Loulle est, je crois, vaguement dépressif, parfois, et presque toujours misanthrope. Josero, qui écrit ces textes, lui ressemble peut-être un peu. Il en parle si bien,  si rarement, et ne veut pas publier ses perles. A ma demande, il a bien voulu qu'elles viennent enrichir  mon blog. On trouvera pas mal de mots provençaux, et d'expressions provençales. Leur traduction, pas forcément.


Troisième texte de Josero


Quand Les jours baissent et s’assombrissent au rythme des pas lents d’un automne qui ne veut pas rendre grâce, et qu’on surprend au hasard de quelques matins, une gelée timide qui s’accroche aux champs ensemencés et les baigne de blanc, alors le temps des heures noires arrive. Les ciels de novembre qui ont connu les combats violents des nuages de la Toussaint, se parent maintenant de mauve quand le soleil les quitte, et la tristesse se blottit dans des replis secrets au fond des maisons , où soupire la marmite de soupe. Le feu qui s’agite sous la braise fait éclore des images changeantes, et une étincelle qui s’envole et meurt dans le puits de l’âtre noirci, installe dans le cœur des hommes une sourde mélancolie.

La grosse horloge comtoise distille les heures et les minutes, calée contre un mur qu’elle croit retenir, dans sa vanité d’horloge qui mesure le temps et qui pourtant le laisse s’enfuir. L’écran de la télévision lance des éclairs d’images, ritournelle incessante des informations, qui à longueur de journée, plongent les humains dans la morosité.

Loulle n’y prête pas attention. A quoi bon ? Fine lui fera le résumé ce soir. Lui, il rêve. Aux jours disparus. A ces jours où il pouvait aller et venir à son pas, boire un coup avec cette main d’amis qui lui restent, regarder les matins s’éveiller au  chant du coq, et surprendre la nuit qui vient  poser sa patte de velours sur la terre qui l’engloutit. Une bélugue (étincelle) plus grosse et plus vaillante que les autres, lui rappelle l’éclair du coup de feu faisant bouler la lèbre imprudente au détour d’un regain.

Mais la chasse est finie. Celle pour de vrai.  Parce qu’il pourrait y aller à l’autre, celle qui t’apporte le frisson de l’interdit. Celle des nuits avec ses lunes blanches qui transforment tout. Ces silhouettes d’arbres qui deviennent menaçantes, ce grincement soudain des branches qui se battent entre elles, font battre le cœur plus vite et plus fort de celui qui par mégarde, se serait attardé au creux de ce chemin qui lui semble interminable maintenant,  frissonnant au grognement des sangliers en maraude, au miaulement plaintif de la matchotte, et à la nuit, qui prend tout dans sa main noire et lui fait hâter le pas vers les lumières du village qui lui font signe au loin.

Loulle n’a jamais craint la nuit. Pendant longtemps elle a été sa complice, sa maîtresse. Tuer un sanglier à l’espère ne lui a jamais fait reproche. Car dans ces pays, loin des foules qui se repaissent de bruit dans la laitance brillante des néons et des enseignes, le braconnage est tatoué dans les gênes. Ce n’est pas pour en tirer profit, non, c’est juste cette espèce de plaisir confus que l’on ressent à la vue du chevreuil qui vient au gagnage, ou du lièvre qui s’affole à l’ombre fluide du renard, et derrière ça, la peur de se faire prendre, qui tord les tripes langoureusement.

Mais en ces heures troublées, ils sont nombreux à se blottir derrière un cade ou dans un fossé  à serrer le canon froid du fusil, essayant de trouer les ténèbres d’un œil inquiet. Alors il a abandonné ses nuits coupables car il ne voudrait pour rien au monde, croiser quelqu’un à l’orée du bois. Et puis, le cœur n’y est plus, cette saloperie de virus n’a pas tué que des gens. Il a tué la convivialité en distillant chaque jour la peur d’une maladie inconnue 

Lui il n’a pas peur. Comment tu veux qu’il la chope la Covid ? Déjà qu’en temps normal il voit pas grand monde, alors là ! Le village est lugubre. Seules les lumières des maisons font savoir qu’il y a encore des vivants.



Il sursaute car le feu se met à pétarader comme un fada. Ségu que Fine vient d’y mettre une branche d’aubépine. Ce bois il pète et il pue. En plus, il est plus dur que le fer, alors avant qu’il flambe en entier, il va empester la maison. Il a du s’endormir car il n’a pas vu Fine mettre le soucaoù (souche) d’aubépine. Celle là, elle fait toujours ses coups en douce. Il ne lui dira rien. Pas de reproche. Le temps n’est pas aux disputes. Surtout pour un morceau de bois.  Faut dire aussi qu’il est contrarié. Demain, ses amis et tous les autres à qui il ne parle plus, vont chasser. Faut tuer du sanglier, c’est le gouvernement qui les oblige. A ce qu’il paraît.  Bon, d’accord que lui à la battue il n’y va plus. Mais il ressent comme une envie.  Les choses c’est quand tu peux plus les avoir que tu les veux encore. Ce qui le console un peu, c’est de ne pas participer à tout ce cirque. Et je mets un masque, et je me tiens loin des autres. Je mange tout seul comme si j’avais le choléra. Parce que ce virus, c’est pire que le choléra !  D’accord qu’il a pas connu ça, mais il en a entendu parler.

Alors chasser avec toutes ces choses qui t’obligent, il a pas envie Loulle. Déjà qu’en temps normal il aime pas être obligé, là il supporterait pas cette ambiance. Ca le console un peu d’échapper à cette mascarade, c’est le cas de le dire ! Admettons que demain en entendant les chiens, il lui prenne mal. Comme un malaise, comme un drogué en manque. Hè bien, il partira s’occuper ailleurs. Même si le travail est fait depuis longtemps, il ira tè..il ira.. Ségu qu’il le sait pas. Et puis, de n’importe quel endroit du pays, il va les entendre les chiens. Et les pétarades ! Imagine qu’ils fassent le domanial, encore que c’est pas une bonne idée.  Il n’y a pas un seul morceau de culture. Mais bon, admettons. Encore qu’il aurait son mot à dire là dessus. Pas forcément écouté, mais il l’aurait dit. Il serait alors allé se poster à la barrière, là où il avait tué ce sanglier presque blanc. En fermant les yeux, il le revoit ce vieux mascle, sortir des lambeaux de brume pour aller vers sa destinée.

Daïze (attention) Loulle, tu pantailles (rêves) de trop. A la battue, tu n’y vas plus. Pas la peine de pleurer sur ton sort. T’as choisi. Mais des fois, tu choisis forcé. Il aurait pu continuer, mais alors il aurait fallu qu’il se taise. Et lui, se taire il sait pas. Alors il a préféré renoncer à ces matins où en buvant un mauvais café, on plaisantait en critiquant les maladroits, ces moments de partage d’une amitié pas si profonde que ça en vérité, mais qu’on faisait semblant de croire. Et ces heures passées au poste, guettant le moindre bruit, le cri de victoire d’un chien qui avait trouvé, la branche qui craquait sous la patte de l’animal, l’ombre noire fuyant au travers des buis, ou sortant brusquement de la barrière des chênes verts, tout cela s’est enfui.

Alors quand plus rien de tout ce qui fait le bonheur de chasser n’existe, autant tourner le dos aux souvenirs.

Et faire face à un avenir de plus en plus sombre.

mardi 17 novembre 2020

Déboires d'un braco

J'aurai aimé titrer Boire et déboires d'un braconnier  !  Non, bien sûr, je n'avais rien bu, sauf un petit verre de rosé bien frais à la fin de la chasse. Mais c'est joli, ça sonne bien. Une licence sémantique pour donner envie de lire ce récit. Et délire. D’ailleurs je ne venais ni pour boire, en ces temps d’œuvre d'intérêt général, ni pour braconner, même si avec l'âge, mon sang de Raboliot pourrait s'activer si la transmission génétique intervient en ce domaine.


Deux heures de route (et déroute) avant d'arriver fatigué. Mais Diane m'accompagne, et je tombe sur  Erwan  sur le bord du chemin ; Il veut contrôler un truc sur un pied (trace de sanglier) et en discute avec son grand-père, qui a cueilli un bouquet de baies à destination de ma douce ! Plantes que je vous charge d'identifier, j'ai d'autres chats à fouetter. Je suis René. Mais non, pas born again ! Il me précède, René, tout simplement. Et j'arrive sans misère au lieu de rendez-vous, aussi perdu qu'il soit. La Maison du Roi , rien que ça.

Identifiez !



On reparle à mi-voix de la chienne tuée dimanche dernier par un sanglier. Chacun des présents ce jour-là en est mal remis. Cette artère fémorale saigne encore chez tous les piqueux. Petit casse-croûte tiré du sac et accompagné essentiellement d'eau claire. Trois ou quatre pieds sont annoncés au rond. Prudence et attestations Covid sont répétées par le patron : la maréchaussée quête énormément ses étrennes de Noël chez les fervents de Diane.

Les deux premières traques sont des détraques, avec buisson creux du genre trou noir. Où une compagnie de quinze nous l'a faussée. La troisième traque sera la bonne. Enfin la mauvaise si l'on se place du point de vue des sangliers. Les chiens ont lancé très vite, ont éclaté un peu partout après la première escarmouche qui a laissé un sanglier mort. Ils mènent ou se taisent, mais sont éparpillés. On remet des chiens sur ce pied espéré prolifique. C'est le bintz, si j'en crois la radio. Je suis assis au quasi sommet de la pyramide des Quatre Combelles, moins connue que celles d'Egypte mais tellement plus accessible. Face à moi, la colline où se déroule la traque, plus ou moins cernée par huit ou dix gaillards armés. Derrière moi, un enclos de chasse désert. 

Face à moi la colline


Je bade ... Je rêvasse, quoi ! Mon escalade aussi rude que lente a duré au moins ... vingt mètres. Je me roule une cibiche de récompense en repensant le poste à mulots du matin, en revoyant celui si prometteur de la seconde traque. Nous ne sommes pas bredouilles, c'est déjà ça. La voix d'une menée lointaine, presque dans mon dos, me ramène au présent et me rappelle que je suis à dix pas d'une chasse en enclos. Je surveille un peu ce qui pourrait s'y passer. 

Et c'est à une centaine de mètres que les sangliers m'apparaissent en pointillé parmi la végétation ... Dans la chasse voisine, bien sûr, au plus près de la clôture trumpienne qui nous sépare. Chez nous ? Mais ils sont chez nous ! On ne voit malheureusement pas le grillage parmi les arbres et arbustes … Mais non, c'est pas chez nous... Mais si … Les sangliers s'effacent et réapparaissent au gré de la végétation, venant au galop vers moi. Quarante et soixante kilogrammes pour les gros, plus quatre boules déjà noires mais vraiment pas grosses, suivies à cinquante mètres par un chien appliqué et prudent. Je me lève et j'épaule, certitude et incertitude clignotant encore dans mon cerveau. Et quand ça repasse à certitude, j'appuie. Mais des six bêtes, la dernière tête va s'effacer derrière la végétation quand le coup part enfin. Dedans ?


Arf !!! Je l'ai eu, je crois ! Ousque c'était ??? Peut-être là … Oui probablement là, mais les arbres morts, les souches ne me permettent pas de voir le moindre bout de cadavre. Et ça ne bouge pas. Une balle de tête, évidemment … Mes yeux s'ouvrent grand comme ça quand je réalise que là où je regarde, c'est chez les voisins.

Ma contrition d'avoir trop longtemps hésité, car ils étaient de longues secondes immanquables se fracasse contre la réalité de la grosse connerie. Je me vois déjà piteux, carte bleue à la main, cœur et âme en déroute: « Oui M 'sieur, je les croyais juste cinq mètres devant, donc chez nous, vous savez, c'est ballot, hein ;mais je vais évidemment vous indemniser. Je suis con et confus, vous savez, et trop vieux pour ça, sûrement. Ben non, la clôture on la voit pô depuis là-haut ... Ma vue ? Ah ! Pas bien terrible non plus. » Et tout ça ...

Mon président arrive, je lui conte l'histoire. Il reste présidentiel. Un autre chasseur arrive et re-conte. Déconte, ça marche pas cette fois. Du haut de la colline il certifie avoir vu que les sangliers étaient chez nous. Il a vu ça de quatre cents mètres, il est jeune, il connaît le pays comme se poche, son avis me paraît rassurant mais improbable.

J'escalade deux fois la colline pour essayer de comprendre, et plus je monte, plus je tombe dans le doute. Erwan revient, il a récupéré la chienne devant laquelle étaient ces sangliers. Petit à petit, la certitude se fait que j'étais exempte de toute faute et que j'ai mal tiré. C'est complètement gagné quand enfin mon impact se révèle ! Chez nous ! Et circulaire et profond d'une dizaine de centimètre. 

 Au final, j'ai juste raté un sanglier qui dix  secondes plus tôt, était simplement immanquable ...

lundi 2 novembre 2020

Le sanglier blanc (by Josero)

Loulle, c'est son prénom, un diminutif provençal de Louis, je crois. C'est un déjà vieux viticulteur, dans sa ferme, chasseur aussi.  Fine, c'est sa femme : Delphine ? Joséphine ? Loulle est, je crois, vaguement dépressif, parfois, et presque toujours misanthrope. Josero, qui écrit ces textes, lui ressemble peut-être un peu. Il en parle si bien,  si rarement, et ne veut pas publier ses perles. A ma demande, il a bien voulu qu'elles viennent enrichir  mon blog. On trouvera pas mal de mots provençaux, et d'expressions provençales. Leur traduction, pas forcément.


Second texte de Josero




Un village ...


La nuit tombe. C’est une nuit d’été, et elle vient prudemment, comme si elle ne voulait affoler personne. Une pipistrelle saccade autour du lampadaire qui éclaire chichement la petite placette recouverte de graviers. C’est la canicule.
Un mois de juillet sec comme un coup de trique, a fait naître des vents qui te brûlent la peau à te la faire cloquer. Les blés sont moissonnés. Ils étaient en avance. Les chaumes s’envolent des champs raclés jusqu’à la couenne, se heurtent au gré des vents chauds dans un tourbillon de poussière, et un rayon de lune les fait vivre dans le ciel qui se fane et perd ses airs de pervenche.


Sur la terrasse, assis sur le vieux banc de bois tout de bisquanti, ( de travers) Loulle contemple la plaine. Ce banc, c’est son grand-père qui l’avait fait.
Son père l’avait gardé. Et Loulle pareil.
C’est un banc de famille, quoi !


S’il avait eu un niston, lui aussi se serait assis là le soir, sur ce même banc.
Et lui aussi aurait contemplé la plaine qui fuit et s’en va mourir dans les ombres des bois capturés par les heures qui s’assombrissent, et qui paraissent se suspendre aux créneaux rocheux des Alpes lointaines.


Encore qu’il n’en sait rien de ce qu’aurait fait son fils.
Peut être que cet enfant, il n’aurait pas aimé s’asseoir et contempler. Qui peut le dire ?
C’est pas donné à tout le monde, la contemplation.
Alors, peut être qu’il aurait tout vendu dès que Loulle aurait tourné le dos à la vie.
Peut être aussi qu’il aurait foutu Fine dans une maison pour les vieux, s’il était parti avant elle.
T’en vois tellement maintenant avec les minots.


Putain d’Adèle, Loulle, tu te fais du souci pour quelque chose qui n’existe pas.
De minot tu n’en as pas, et d’un côté c’est mieux.
Même si de l’autre, ça manque.
Un peu, mais ça manque…
Alors reste bien tranquille le cul sur le banc, et contemple !


Une pelote d’étoiles est posée sur sa tête, si profondes dans ce gouffre noir, qu’il te vient le vertige de les regarder.
Fine est venue le rejoindre dans la nuit d’été. Il ont dîné sur la terrasse où on sent toujours un peu d’air.
Tiède, mais c’est de l’air.


Par contre, si tu pénètres dans la maison, il fait frais. Les murs épais de près d’un mètre ont repoussé la canicule, et les pierres qui sont dans ces murs, elles ont gardé leur froideur de pierre.
Pas comme ces maisons nouvelles faites de briques. Dans la journée, les briques, elles te pompent la chaleur.
Et le soir elle te la rendent.


Bon d’accord que Loulle, s’il a pas la chaleur des murs, il a celle de Fine.
On peut pas tout avoir, pas vrai ?


Fine, qui a laissé la bouteille de vin sur la table.
Par habitude.
Et Loulle se sert un canon.
Encore une habitude.
Tout s’est couché sur le beau. C’est pas demain qu’il va pleuvoir, sas !
Le clocher sonne la demie de onze heures.
La cloche, tu l’entends plus trop maintenant. Le maire, il a fait mettre une clochette de merde à la place de celle qui était là depuis la nuit des temps..
Ceux d’en haut, du vieux village, ils se sont plaint. Trop de bruit.
Des pas d’ici. Ils sont arrivés ceux là, du fin fond de leur pays où tu te gèles les roustons, pour manger du soleil.
Ils ont que de retourner dans leur nord où il fait que de pleuvoir, là où les cloches tu les entends pas. Comment tu peux entendre sonner quand le brouillard est tellement épais que le battant de la cloche, il se coince ?



, le brouillard, ça rappelle à Loulle cette battue qu’ils avaient faite aux Barriques.


Le jour s’était levé avec mauvais cœur et on sentait bien qu’il rechignait à s’installer.
Loulle avait entendu la voiture des piqueurs se parquer pas loin. Les sonnailles ne tintaient pas comme d’habitude. C’était comme si elles étaient sous l’eau.
L’air était lourd et pesait un âne mort. Les tintements s’étaient éloignés.
Loulle avait posé un chiffon sur le séti de pierres déjà humides où il comptait s’asseoir.
A une vingtaine de pas, un fangas creusé par les roues des 4x4, retenait l’eau des jours derniers.
C’était un bon poste.


Et puis elle était arrivée.
La nèble (brouillard)
Sournoise, elle tombait sur les arbres en banderoles si blanches qu’on aurait dit que des lambeaux de ce plastique qui recouvre les serres, s’étaient accrochés dans les branches.
Rien ne bougeait. Et ces morceaux immobiles prenaient soudain des formes inquiétantes au fur et à mesure qu’il se déchiraient, tombant sur les feuilles et la terre en larmes épaisses.


Loulle avait frissonné. L’humidité s’infiltrait sous sa chemise, mouillant sa peau de sa bave de limace.
Plus un bruit ne traversait les bois. On aurait dit que quelqu’un avait fermé une porte.
Hormis un pinson audacieux qui faisait la boule près des flaques, rien ne bougeait.
La tristesse s’installait dans ce temps de morts.


Il s’était levé, juste pour faire quelque chose quoi, et avait marché vers la barrière de l’ONF. Les feuilles, gorgées de brume, étouffaient le bruit de ses pas. Il s’était arrêté à la barrière, avait ouvert son pantalon pour pisser. Il était retourné vers son poste dans un brouillard si épais maintenant, qu’il ne voyait plus sa biace et encore moins le sèti de pierres.


Il peut passer un mulet que tu le verras ni l’entendras, s’était-il dit.


Il aurait bien aimé savoir l’heure. Il ne portait pas de montre, se fiant au clocher. Là il était muet, enchâssé dans cette marmelade blanche.
Mais on ne chasse pas le sanglier depuis plus de quarante ans, sans avoir des réflexes. Aussi, machinalement, il tournait la tête d’un bord et de l’autre, tentant de capturer le moindre mouvement.
Merde ! Un truc noir dans du blanc, ça doit se voir, non ?
A force, il lui venait le roumagaoù de tourner comme ça.
Et toujours ce silence, qu’il aurait pu se croire tout seul. Et même perdu. Tu peux te perdre, crois moi, avec cette nèblasse qui te fait comme un mur.
Comme quand tu es minot que tu joues à cache-cache, et que tu te retrouves coincé dans l’étendage entre deux draps..
Là, ça fait la même chose.
Tu es coincé entre des draps qui font des kilomètres.


Un geai avait traversé la piste à toute allure. Sans un cri.
Il avait beau scruter du côté d’où il était sorti, rien ne s’avançait. Fausse alerte ? Pourtant, il est pas parti sans raison, ce geai ?


Et puis soudain, comme elle était venue, la brume s’était dissoute, laissant encore pendues aux arbres des traînées de mousseline blanche.
Alors, la porte s’était ouverte laissant passer les bruits. Les sonnailles résonnaient sous lui, dans le vallon de la Casserole.
Un coup de voix. Un jappement bref, repris par plusieurs chiens. Un pied, pas trop frais sans doute, mais un espoir pour celui qui attend.
Un trou perçait maintenant le ciel, la lumière descendait conquérante, chassant les dernières taches blanches.
Un coup de feu avait claqué au mirador du pin de Bourtin. Cochon de dérobe ?
Ou qui se défile devant les chiens ? Les chiens qui avaient alors empaumé la voix et criaient à gueule déployée, au fond du vallon.
Il a d’avance s’était dit Loulle. Il aura filé vers Le Jas. En effet, les chiens descendaient maintenant. Leurs cris qui s’emmêlaient, prenaient de l’essor, ils rattrapaient le retard.
Pas pour moi s’était dit Loulle, ça descend dans les terres.
La poursuite s’était éloignée, on n’entendait presque plus rien.


Le silence était revenu. Plat comme la main. Au loin, le clocher avait murmuré l’heure. Il reprenait vie dans le soleil qui arrivait maintenant, droit comme un i.
Dix heures avait-il chanté.


« Pute de sante, ça fait pas deux heures que je suis là ? J’aurai cru plus longtemps. Bon, il me reste de la marge pour en tuer un. Si une équipe vient du Signal, je suis bien placé. »


Des gouttes fuyaient devant les rayons qui s’enhardissaient, dégringolant de branches en branches, pour mourir sur les feuilles du sous bois.
Des mésanges voletaient, et à chaque floc-floc de leurs ailes, Loulle tressaillait.
En haut de la pente du Signal, une longue plainte avait traîné, montant dans l’air maintenant pur, pour s’éteindre aussitôt.


- La Boiteuse, s’était dit Loulle. Daïzè (attention)


Une chienne sûre qui ne trompait pas. La plainte avait repris, rauque, puissante. Loulle l’imaginait, humant les gréoùs (buissons, basses branches), débrouillant la voie détrempée, le fouet cognant entre les troncs des baliveaux à se faire saigner.


- Il sera au jas, s’était-il pensé.


La chienne maintenant allait d’assurance, ne perdant pas un coup de voix.
Puis il avait compris qu’on décrochait les autres chiens. Quelques hésitations et tout le paquet avait foncé derrière la chienne de pied, vite dépassée.
Un grand calme avait suivi, troublé par quelques récris dispersés.
Dans leur hâte les chiens avaient survolé la voie. Penauds, ils cherchaient une issue.
La Boiteuse revenait, traînant sa patte tordue, clamant sa sagesse à chaque foulée. Les autres avaient compris et ils suivaient maintenant derrière, laissant la chienne les guider.


Loulle voyait tout ça, comme s’il y était. Il connaissait tous les chiens, leur façon de chasser, les bavards, les timides, les voleurs et les trouillards.
Tout à coup, un grand coup d’encape (ferme) avait éclaté. Un ferme d’une vigueur qui prenait aux tripes.
Puis le démarrage.
Le cochon filait maintenant, harcelé par la meute, trouant le taillis dans sa fuite soudaine, droit devant lui, sans détours ni retours, traversant le vallon pour remonter sur l’autre versant.
Où se trouvait Loulle.
Un autre ferme. Des jappements de douleur. Et puis, plus rien.
Plus rien que la Boiteuse qui n’avait pas abandonné elle, car les autres avaient capitulé.


Loulle avait vu les chênes verts osciller et il entendait le froissement caractéristique provoqué par les soies du sanglier sur les branches basses des chênes verts.
Debout, l’arme presque épaulée, il était prêt.
Soudain entre les troncs sombres des arbres un tâche blanche ondulait, furtive mais tranquille.


Quès aco ?
Oh ! Sainte Vierge, un cochon blanc !


Enfin pas tout à fait. Gris clair, bien clair quand même. Mais pas énorme.


Il avait visé, juste derrière le cou épais où brillait encore les gouttes du brouillard arrachées aux buis serrés.
Le coup de feu avait fait fuir une bande de pigeons, blottie dans la ramure d’un pin.
Le sanglier s’écrasait maintenant sur la terre brune couverte de feuilles, y creusant un sillon taché de sang.


Quelques convulsions l’avaient encore agité, puis il s’était raidi dans l’immobilité de cette fin soudaine.
Des grès énormes retroussaient sa gueule parsemée de soies grises et longues.


« Putain ! J’ai jamais vu un cochon de cette couleur » avait murmuré Loulle dont le cœur battait fort.
Il a cent ans ce bestiau ! »


La Boiteuse arrivait. Loin derrière, mais elle arrivait au cochon mort. Lente mais tenace et courageuse.
Loulle l’avait laissé piller la bête, l’avait flattée et attachée.
Puis, même si cela faisait sourire les autres, il avait coupé un rameau de chêne et l’avait introduit dans la gueule de l’animal.
Et il avait attendu la voiture du traqueur.


- Oh con ! Què crochets ! En plus il est blanc qu’on dirait un camargue (cheval)
T’es vraiment un bon homme Loulle, » avait dit le traqueur en lui serrant la
main.
Le soir, ils avaient dépouillé le sanglier. C’était un vieux solitaire dont l’armure était tellement épaisse qu’il était impossible de la plier. Un morceau de carton.
Personne n’avait voulu des suites….
L’équipe avait arrosé cet événement comme il se doit. Les accolades, le pastis.
C’était encore le bon temps.


A ces souvenirs, la nostalgie, la frustration, la colère, s’emparent de lui. Il ne sait pas pourquoi il s’est levé, a descendu les escaliers de la terrasse et est allé vers la remise, où il s’est aménagé un placard pour ses affaires de chasse.
Il allume la lumière.
Les grès sont accrochés sur la porte, Loulle les caresse rêveusement.
Il ouvre le placard. La belle veste orange fluo que Fine lui a offerte pour son anniversaire est pendue sur son cintre. Neuve. Encore dans son plastique de protection.
Abandonnée.
Il ne la mettra jamais.
Et puis, de toute manière, elle était trop grande, alors…
La chaleur est étouffante dans la remise. Les odeurs d’engrais, de mazout, de graisse, saturent l’air. Sous son marcel de couleur bleue passée, la sueur inonde son torse. Il ressort en vitesse.
Il remonte sur la terrasse. Il a la figure à l’envers.
Fine l’a vu aller à la remise.


« Loulle, il faut que tu te trouves une autre battue. Tu te rends malade mon pauvre. T’as des collègues dans toutes les communes à côté. Ils seront contents de t’accueillir, crois moi.
- Fine, c’est ici chez moi. J’y suis né. J’y ai grandi. Toutes les caillasses de la cuello (colline) me connaissent.
J’ai suivi mon père que j’avais encore la morve qui coulait. J’ai tout chassé. Le lièvre, le lapin, les perdigaoùs, j’ai posé des pièges pour les rigaoùs (rouge gorge) que j’étais en brailles courtes, et j’ai tué plus de sangliers que tous ceux de la battue réunis.
Qu’est-ce que tu veux que j’aille pinter ailleurs ?
Tè, je vais me coucher qu’il fait trop chaud.
A déman.


Il erntend Fine soupirer.


- Je range et je bade (regarde) un peu la télé.
- Prends tout on temps Fine. Prends tout ton temps…


Il se retourne, contemple une dernière fois la plaine endormie.


- Aqéoù es moun païs ! (c’est celui là mon pays)

jeudi 24 septembre 2020

L' espoir (by Josero)


Loulle, c'est son prénom, un diminutif provençal de Louis, je crois. C'est un déjà vieux viticulteur, dans sa ferme, chasseur aussi.  Fine, c'est sa femme : Delphine ? Joséphine ? Loulle est, je crois, vaguement dépressif, parfois, et presque toujours misanthrope. Josero, qui écrit ces textes, lui ressemble peut-être un peu. Il en parle si bien,  si rarement, et ne veut pas publier ses perles. A ma demande, il a bien voulu qu'elles viennent enrichir  mon blog. On trouvera pas mal de mots provençaux, et d'expressions provençales. Leur traduction, pas forcément.

L’espoir.

Ca va bien faire deux heures qu’il est parti. Fine doit se tourner les sangs. Mais bon, il fallait qu’il  parte, sinon il allait devenir fou. De la maison à la route, ça fait pas loin. Juste la Pièce Longue à traverser. Un champ ! Nu comme la main. Quand tu es sur le tracteur, tu dirais pas qu’elle est si longue. Mais à pied, putain ! Et sans se faire voir, c’est pas gagné. Mais bon il est arrivé à la route qu’il a traversée comme une flèche, la peur au ventre. Attention, pas la peur de se faire écraser, parce qu’en temps normal, il doit passer une voiture toutes les quarante minutes, alors tu penses, en plein confinement !

Non il a peur de se faire voir. Comme il parle plus à personne au village il veut pas qu’on parle de lui. Et puis il faut bien le dire, Loulle c’est pas un courageux. Par contre, ne va pas imaginer que c’est un cague aux brailles. Il a pas peur d’affronter un cochon au ferme avec son opinel à virole. D’accord que ceux qu’il a servis à l’opinel, c’était pas des monstres, mais quand même … Il a peur aussi de se faire attraper par les gendarmes. Ceux là, tu les vois pas de dix ans, suffit d’une fois où tu es pas en règle pour qu’ils se pointent. Loulle, il a toujours respecté la loi. Jamais un sens interdit, jamais pris la place d’un handicapé, rien ! Un modèle.

Peut être un peu de braconne de temps en temps. Mais ça fait partie du patrimoine génétique des gens de la terre. Surtout ceux d’ici.  Alors on va classer ça dans l’interdit autorisé. Par qui ? Mais par lui et tant d’autres qu’il ira pas dénoncer. Il manquerait plus que ça !

Mais aujourd’hui il a merdégé dans l’interdit non autorisé.  Bien que cela ne prête pas à conséquences, parce qu’il risque pas de contaminer qui que ce soit, vu qu’il n’a pas rencontré un chat, et qu’il n’est certainement pas malade,  mais c’est pour le geste. Il a l’impression d’avoir mal fait. Donc, il est un peu contrarié là dessus et ça lui gâche une partie du plaisir ... N’empêche que pour le moment,  il boit tout son content de soleil, même si c’est le pareil sur ses terres, mais là c’est presque comme si il avait volé quelque chose de précieux. Pas précieux comme un trésor, mais précieux tout de même.

Donc, après la traversée périlleuse de la route, il est entré dans le bois. Tu peux pas imaginer le bonheur de se frotter enfin aux branches basses, même si des fois une maligne essaie de t’éborgner. Dieu sait s’il a fait attention à ne pas faire de bruit craignant qu’on le surprenne. Si peu de bruit qu’il a failli faire un arrêt cardiaque quand une niade de cochons lui a démarré des pieds en rouspétant. Ou ces favards occupés à boire, qui ont fait claquer leurs ailes comme des mitraillettes. Quand tout est silencieux, le moindre bruit te fait sursauter.

C’est la saison des amours et pour les merles, c’est à celui qui chantera le plus fort. Des mésanges passent d’un arbre à l’autre dans un vol feutré. Là c’est un écureuil qui vient de laisser tomber la pigne qu’il tenait. Des barres de soleil épaisses, si droites et raides qu’on pourrait croire que tu pourras pas les traverser, descendent du ciel vers la terre, emprisonnant dans leur lumière, des milliers d’insectes, dont les ailes sont autant d’étincelles pétillantes. 

Le temps s’est changé en statue. Il ne bouge plus.  Seul le bourdonnement incessant des abeilles qui s’affairent en un ballet désordonné, dérange cette immobilité. L’odeur du printemps en avance cette année, fait tourner la tête des pins, qui  dispersent au souffle palpitant d’une brise de fin d’après midi, la poussière jaune de leur pollen qui tache les fleurs mauves des cistes. Au loin, la cloche retentit, sonnant cinq coups. 

La tristesse s’étend à perte de vue. 

Dans la mélancolie trop bleue, d’un ciel qui se prend les pieds dans les tréfonds de la terre, rien ne fait penser à cette mort qui rode dans le monde, et à cette menace présente dans l’air que l’on respire. Loulle se hâte. Cette fois, il marche sans précautions, ouvrant son chemin entre les branches, qui essaient en vain de le retenir. Alors quoi,  il ne les verra plus les blés qui s’agenouillent sous le poids des épis lourds de grains ? 

Alors il ne tachera plus ses doigts aux grains poisseux et douceâtres des raisins d’octobre, que l’on cueille dans les rires joyeux des vendanges ? Et il ne fera plus tourner une cavalière inconnue dans des valses musette, sous les lampions multicolores de la fête votive, au rythme des sons plaintifs de l’accordéon ?Il ne fera plus ces parties de pétanque sous les soleil impitoyables des mois d’été, où à la fin on trinque au comptoir des buvettes, à boire des pastis sans autre raison que de fêter la vie d’ici, avec les rares amis qui lui restent, dans ce village que contemplent avec dédain, les premiers murs des Alpes ?

Allons ! La vie ne va pas s’arrêter ! Pas maintenant. Il a tant à faire !

Oui, il va les entendre encore les menées joyeuses des chiens, il va encore battre son cœur, à revoir les sangliers, il va encore les poursuivre dans les vignes, les grives qui se saoulent aux raisins oubliés par les vendangeurs. Et chaque pas de plus le rassure. Chaque buisson qu’il traverse déchire des pans entiers de cette angoisse qui habillait encore ses épaules. Il redécouvre son univers, son cœur bat à l’unisson avec ses terres qu’il reconnaît aux odeurs qui s’en échappent, avant même que de les voir.

Il est chez lui. Il marche au bord de la Pièce Longue. Il traverse la route. Sans se presser. Pourquoi il se dépêcherait ? Il a tout son temps. Toute la vie qui lui reste. Il s’en contrefout des gens du village, des gendarmes et de tout le reste. Il va vivre. Lui, Fine et tous les autres. Comme avant…

Il monte l’escalier. Fine l’attend. sur la terrasse.

- Mais t’étais où, sainte vierge., que je me suis tournée les sangs ? Encore une peu, et j’appelais les gendarmes !

vendredi 18 septembre 2020

Le vieil homme et le lac

Libéré d'une lourde condamnation à une semaine de Bresse – c'était ça ou une épouse contrariée - je revenais à mon lac du Cantal, comme les oignons reviennent à la poêle.  Dix kilomètres après le départ, un éclair de lucidité dans la nuit de ma distraction me dit que j'ai oublié la petite veste, même s'il fait bigrement chaud pour l'instant ...


mon lac quand il est romantique


Le lundi, mon détaillant va à la pêche ... Alors j'achète quelques vers chez Décathlon, et des petits vifs.  Et un pull-over aussi, c'est moins cher que de repartir chercher la veste. Mon coffre de voiture me paraît bizarre quand je l'ouvre … Coup au cœur ! Arfff, le bakkan, que je définirai comme un "sac à boîtes", est absent, resté sur la table de la salle à manger. Mon estime de moi chute une seconde fois ;  plus vite,  de bien plus haut. S'il me restait assez d'agilité, je me botterais le cul.  Je ne risque rien. Je n'ai aucun leurre ou presque, et en matière de montages,  il faudra faire avec ce qui traîne dans le bateau. Heureux que le rangement ne soit pas mon fort et qu'il y a toujours dedans plein de trucs qui traînent "en attendant"!


Un vent du Sud -SE souffle assez violemment, genre 30-40 km/h dans les rafales, et toute pêche en dérive, même avec une ancre flottante est impossible hors des zones abritées. Après deux postes infructueux, je vais donc assez vite  m'accrocher à une bouée disponible au presque milieu de la baie. C'est un de mes endroits favoris. A cent mètres du ponton. Je ferraille une heure au drop-shot au ver avant de mettre au sec une perchette que j'appelais de mes vœux . Dur ! Pour les non-pêcheurs, le drop-shot est une technique où le dernier élément de la ligne est le plomb, l'appât ou le leurre se situant par exemple cinquante centimètres au-dessus, et on peut animer et ramener le leurre depuis canne et moulinet. Pas de bouchon.


Je pêche aussi, de la même manière, avec un petit vif de moins de dix centimètres, à la recherche du sandre. Et d'une manière approchée avec un vif plus gros. On résume donc : pêche amarré, donc cent mètres carrés prospectés, au ver, au petit vif,  et au gros vif .  Et j'ai chaud, et je grognerais presque ; mais ça devient vite agréable avec le temps qui s'écoule et qui, c'est connu, guérit tout, même les chaleurs excessives. Je capture enfin une seconde perchette parfaite pour mettre la "grosse ligne"  à vif. Les "grosses lignes", c'était une expression de mon pépé, par opposition à la ligne à gardons. Elles visaient alors le brochet, ou les poissons-chats, et étaient d'une inimaginable rusticité. Il y avait aussi les "lignes de nuit" mais c'est une autre histoire.


Dans mon dos soudain, crissement de moulinet qui s'affole, et, une demi-seconde plus tard j'ai la canne en main, pliée joliment. Brochet ou silure ? C'est aussitôt la question, d'autant que du fluoro-carbone d'une résistance de sept ou huit kilogrammes constitue le bas de ligne de cette canne. Une sorte de nylon, sensible aux dents tranchantes du brochet. Pas d'acier, contrairement à la "grosse ligne" toujours dans la cabine …  Le poisson file droit et à grand bruit de moulinet enragé vers une bouée à environ quarante  mètres, et je me brûle un peu les doigts sur la tresse en voulant rajouter du frein, ce que je fais ensuite en pressant sur la bobine, c'est mieux.  Peut-être cinquante mètres de fil sortis déjà, et je demande un maximum au bas de ligne. La peur de manquer de fil croise la peur de trop freiner et casser ...  Le poisson finit par s'arrêter à court de force, et quelques minutes plus tard c'est à mon tour de gagner du terrain en pompant sur ma canne comme un Shadock d'eau douce. A dix ou vingt mètres du bateau, demi-tour. Et il repart avec une entrain égal, sort vingt ou trente mètres. Puis c'est mon tour d'être le plus costaud et de récupérer du fil … Etc, etc.


Le génie qui m'habite en général me suggère en particulier de détacher  le bateau car le vent m'emmènera vers le large, alors qu'ici il y a pléthore de corps morts … J'aurai cependant les balises du chenal à franchir. Un peu distrait, le génie ne me suggère pas de remonter les deux drop-shot, vif et ver,  qui trempent ... Ou bien je ne l'écoutais pas. Je commence ensuite à stresser, le moment parfait de l'adrénaline est terminé. Il va se foutre dans une chaîne ? Casser dans l'hélice ? Se décrocher ? Ne tiendra pas dans l'épuisette alors que je n'ai pas de gants sous la main  (pour essayer de le monter sur le bateau en le tenant par la gueule) ? Et je ne VEUX PAS perdre ce qui est forcément mon record.


Car je pense désormais que c'est un silure, à dix contre un. Un beau silure. Beau et con à la fois, car il ne vise aucune des chaînes de bouées, où il aurait pu emmêler et casser ma ligne. Il plonge encore avec force chaque fois que j'imagine que je vais l'apercevoir. Je surveille la berge où le vent nous pousse. Mais on arrive doucement. Le moteur tourne au ralenti, prêt à réagir.


Et enfin il se révèle, il n'est pas gigantesque à la mesure de la bataille fournie, et je parviens à le mettre dans l'épuisette au premier coup. C'est bien la première fois qu'elle parait petite ! Tant elle semblait en général être le stigmate d'un ego conséquent, ou bien la preuve d'un optimisme démesuré.  Je dois évidemment  lâcher la canne pour hisser la bestiole ; canne et moulinet se foutent je ne sais comment là où il ne faut pas, et l'épuisette plie salement. Morte-couille ! Se passe un  moment en équilibre où je bande mes forces … Et ouf, il bascule sans que la canne ou le moulinet, coincés je ne sais comment et opposés à mon effort,  ne cassent.



Keskéla, ma gueule ?


Ah ! On est bien ... Oups, mes deux autres cannes !  Leurs lignes ont suivi sur ces trois cents mètres de dérive sans accrocher et arracher le contenu des moulinets. Chanceux.  Restera le chemin entre le ponton et la voiture où j'ai mon bac à gibier pour l'accueillir. Je rentre de nuit et ne pourrai faire de (plus) belles photos en l'honneur de ce poisson, difficile à soulever et  à manipuler aisément.


ma cave, mon poisson et moi


Bien sûr ça n'a rien d'un poisson prestigieux comme l'eût été un brochet de cette taille, ou un saumon ... Et il reste une "petit" silure. Mais c'est de loin la plus grosse et la plus hasardeuse bagarre entre moi et un beau poisson. A ma modeste aune, évidemment. Selon ma philosophie de la pêche, il sera consommé par les miens, décliné entre une terrine de poisson, et des panures de silure au massalé. Ce n'est pas un truc gastronomique, mais un plat du quotidien, grandi par ses  tampons "sauvage", "local", "renouvelable" ,  "home made "et "n'ayant entrainé aucun travail pénible ou dégradant pour personne".






vendredi 13 mars 2020

L'inaccessible caillette ardéchoise

Elle fait partie de mes souvenirs et même de mon imaginaire. Comme le sanglier ardéchois, la confiture de châtaignes ou le saint-joseph de là-bas. Quand le président du conseil départemental a annoncé de son bureau la fermeture des frontières du département aux européens et aux cantalous, ainsi que l'édification d'un mur, j'ai été terrifié.


Image
A 40 km d'Aubenas, un mur antivirus


Téléardécher, la solution !

J'attendais ma carte verte, elle ne viendra pas. Désespéré, j'ai d'abord tenté de me suicider en me tirant une bouteille de saint-joseph dans l'estomac. Ça n'a pas marché, mais mon moral est  remonté en flèche. « S'il n'en reste aucun, ce sera moi », que je me suis dit moi-même à mon for intérieur, en rotant un peu le pinard.

Au fond du congélateur, au fond du village, au fond de Biocoop, au fond de l'Auvergne j'ai dégoté:

- une botte de persil,
- deux-trois échalotes et 30 g d'ail
- de la noix de muscade, ****
- de la solution hydroalcoolique (150 ml)*****,
- un chou de 800 g
- un petit kilogramme de pommes de terre de Carlat ou de Vézac**
- deux verres de chardonnay (au fond du plat pour la cuisson au four)
- du collier et de l'épaule de chevreuil ( 1.3 kg, poids corrigé)*
- de la gorge (dénudée) de porc, 1.5 kg, hachée par mon artisan boucher,
- du foie de biche (0,5 kg)
- un œuf entier ***
- 52 g de sel, 5 g de poivre ****
- de la crépine de cochon.




Putain de hachoir à viande.

Attention, je respecte toutes les femmes, mais cette machine est aussi infernale qu'elle fut coûteuse, qui pèse ses quinze kilogrammes avec son énorme moteur, mais qui est cent fois moins efficace qu'un parkinsonien alcoolique avec un vieux canif et avant son premier verre de la journée. En une heure et trois démontages, je parviens néanmoins à mettre en bouillie le foie et le collier de chevreuil ( 2 kg au maxi ...). Je sais que le plus dur est fait, et je remercie fortement mon artisan boucher de fournir la gorge de porc hachée à la demande.




Patchiquer (1) enfin

Je râpe les pommes de terre. Juste ce qu'il faut, car j'imagine qu'on ne peut pas, s'il y en a trop,  les déraper aussi facilement qu'une limousine sur du verglas.

Je blanchis le chou après l'avoir tranché. Il reste malgré tout quelque part entre ivoire verdâtre et beige moyen, mais je n'insiste pas plus de cinq minutes. Quand ça veut pas … Puis je le passe au hachoir électrique de cuisine, à la suite de la mouture du persil, échalote et ail.

Mon plan de bataille est perpendiculaire et complet, tout comme il est proportionnel et solidement réfléchi. Moitié du hachis sera mélangée à de la patate râpée, l'autre au chou mouliné. Quatre bocaux d'un litre, et trois de 500 g attendent mais tout sera cuit au four à 190 degrés à l'ombre pendant un heure et dix minutes d'abord  ( les caillettes sont de la taille d'une grosse orange). La stérilisation d'une heure et demie interviendra ensuite pour une partie de ma production.


Bilan à mi-parcours

A mi parcours, seulement une impression, car je n'ai goûté que « au chou et non stérilisé » soit une variante sur quatre. Bon, je dirai. J'aurais aimé ajouter de la sauge, peut-être doser un peu plus fort en légumes. Le salage à 13 g va bien, mais la proportion de gorge de porc s'avère un peu trop élevée, notamment dans l'association "chou".

La recuisson légère - ou le réchauffage prolongé - des caillettes en attendant l'invité du soir nous a fait les classer carrément très bonnes.
Cependant, la mise en production industrielle n'est pas envisagée pour l'instant, car nous craignons une taxation excessive à l'exportation.




sortie du four

Comme promis un mot sur la perception des caillettes stérilisées ... Eh bien, c'est correct, mais on peut mieux faire, sans aucun doute, avec une meilleure mouture et un assaisonnement un peu plus travaillé.



* Corrigé du prélèvement de Fripouille, le chat de la maison, toujours inquiet pour notre santé, et qui prend sur lui pour goûter les ingrédients sauvages et carnés de mes recettes. J'ai à cœur d'encourager son dévouement, qui a dû approcher les 250 ou 300 grammes.
** difficile au goût de savoir, les deux villages se touchent.
*** pas un bœuf, et pas si entier que ça, je n'ai pas utilisé la coquille.
**** non je n'ai pas pesé la noix de muscade ; et je vous emmerde .
***** ne pas l'ajouter au hachis, c'est juste pour se désinfecter les mains
(1) le mot auvergnat que je préfère entre tous

lundi 2 mars 2020

Il ne s'est rien passé

Ne chassant pas souvent le 29 février, j'avais décidé d'attendre le lendemain ; mieux vaut ne pas rompre avec les bonnes habitudes. En fonction d'un décret préfectoral, du fait que nous serions moins de 5000, et que le causse n'est pas spécialement un lieu confiné, je suis viendu  le lendemain, qui tombait aussi inexorablement en mars que des scouts sous les robes d'un curé.

Diane, notre déesse, s'était gentiment penchée sur nous pour nous ébouriffer un peu les cheveux à coups de quelques rafales de vent de mars, d'un p'tiot coup de tonnerre ici ou là, et de quelques gouttes brutales mais de courte durée. Favorable à cette chasse de mars, elle avait posé sur mon chemin un lapin qui était bien là, un lièvre qui semblait faire du stop, un chevreuil qui bouffait des bourgeons. Ouhhh lààààà !!! ça sent le sanglier, ça, en ai-je déduit avec cette logique très branlable des chasseurs de cochons.

Trois chasseurs avaient compté, en venant au rendez-vous, une vingtaine de chevreuils. Ils venaient de 50 km tout au plus, je pense ! Tout le monde est dehors ce matin ! Un piqueur voit même quatre sangliers de loin en faisant le pied au lever du jour. Le printemps frappe fort, même les bécasses sont énervées. 

Des fleurs pour Christine


Et pas seulement ! René, l’aîné de la bande du dimanche, au prétexte de l'âge justement, offre à Christine un bouquet d'anniversaire composé de forsythia, de genièvre et de Jenesekoa Bignonioides Angustifolium *. Est-ce vraiment son anniversaire, le champagne est-il là pour donner le change ? Cela ne nous regarde pas, ce n'est pas de la chasse et nous sommes là pour la chasse, et seulement pour ça.

Nous décidons, enfin, pas moi, d'attaquer la bande des quatre. Je me dis qu'à la rivière je serais bien, mais j'ai droit à la Baie d'Along. Bon d'accord, les locaux disent la Combe d'Alon, mais ça fait vraiment modeste ... Sous les directives du président, nous serrons bien la bande, mais pas trop non plus, pour la circulation ... En moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, c'est lancé. Je suis juste sous l’événement, je sens frétiller ma carabine, je sens les muscles de mes balles bleues bandés dans leurs starting-blocks de laiton. Mon palpitant monte dans les tours, comme la courbe des décibels canins qui se déversent. C'est donc ça, le bonheur.

Trop malins, les quatre sangliers, qui sont seulement un, décident de passer saluer le président plutôt que votre serviteur, lequel probablement pour les remercier de cette attention tire juste deux coups dans le paysage.  "Doublé de Serge", commente ironiquement un piqueur. Pas de bol pour le suidé, il passera à un autre posté un peu décalé, mais aux canons parfaitement calés ...

Oukissont les trois frangins ? Nous insistons - surtout les chiens en fait - jusqu'à 11:59, nous passons alors un peu de gel antiseptique sur nos mains pour obtenir l'absolution hydroalcoolique des bises matinales, et nous partons prendre une légère collation clôturée par une larme de champagne.


Aux Quatre Combelles, un poste surélevé

Trois attaques l'après-midi, dont pour finir une chez les trois frangins, décidément partis ... La première est très prometteuse aux Quatre Combelles, je suis sur le rocher, les chiens lâchés en deux points sont enthousiastes. Ça ne va pas traîner, se dit chacun. Puis les chiens seront de plus en plus silencieux, et  nous ne parviendrons pas à lancer. Les chiens se sont calmés, la radio aussi, et je ne vois plus le gilet orange sur la crête … Merdre !!! Ma radio m'a lâché en oubliant de dire bip bip. Descente de mon piédestal, remplacement des piles, et je fonce rattraper les potes.

Ce sont les Trois Boules qui succèdent aux Quatre Combelles, mais  là  aussi, les chiens perdent la voie ; s'ensuit un épisode burlesque entre un piqueur qui appelle pour qu'on vienne le récupérer et son chauffeur, suivi au GPS sur la "centrale à chiens", qui s'emmêle dans les chemins. Immense rigolade, tout le monde donnant des conseils farfelus.

Essai final sur les trois frangins, beaucoup trop malins pour nous. Un magnifique vol de grues survole notre échec.
Petit verre empreint d'amitié après cette jolie journée où j'ai marché au moins cent mètres, gravi pas loin de cinq mètres, palpité un peu, bien rigolé et aussi appris l'énorme facture « santé des chiens » de mon ami piqueur.

Fin de partie, ils ont été excellents


J'accompagnerai au retour un lièvre sur un petit kilomètre, en voiture évidemment, avant qu'il veuille bien prendre la tangente.

* je ne connais que le nom latin

mercredi 19 février 2020

Le vieux chasseur et les 'tits jeunes (fable)


C'était en janvRier. Oui, tout à la fin, et on sentait bien février poindre jusque sous l'orthographe. Ce serait probablement ma dernière battue en montagne de la saison.


On y verrait l'expérience et la sûreté de jugement de l'ancien s'imposer face à la fougue et à l'impatience de la jeunesse. Ou le contraire.

Une partie du terrain de chasse, plus tôt en saison

Émulsifié(1) par la bonté de mes amis montagnards qui m' avaient gardé la moitié d'un grand cervidé malgré ma très rare présence aux battues, je ne pouvais faire autre choses qu'apporter une boutanche ou deux pour les remercier. Car de la venaison je suis un adorateur. J'avais été fortement empêché par une claudication qu'on dira galopante pour le plaisir de la dissonance.  Cerise sur le gâteau, une tête de veau était promise au repas, dont je raffole … Alors si j'ai chassé, ce n'est pas que pour compenser mes rejets de carbone par un approvisionnement local.

Le poste le plus cool à atteindre m'échoit naturellement au titre peu envié du plus déglingué de la bande. Seulement trente mètres à faire, en fort devers quand même contre deux ou trois kilomètres et plus pour mes jeunes confrères qui héritent de postes lointains et prometteurs. Qui seront aussi en plein vent, tant qu'à faire.

Au menu pour douze chasseurs dont deux traqueurs, un flanc de montagne de 6 kilomètres, possiblement garnis d'un cerf sans limite de pointes, d'une ou deux biches non suitées ou de bichettes, de sangliers s'ils veulent bien. Un faon femelle, ça marcherait aussi, mais pas un faon mâle, donc les faons, on évitera. Arrivé à mon poste, je cherche en vain un pauvre mètre carré plat pour installer mon siège Walkstool, télescopique et ultraléger. Ben non, il aura été volé … Pas le siège, le m² plat. Je recompte mes jumelles, ma radio, mon téléphone, ma belle carabine. Ah ! Qu'on est bien …

Le jeune chasseur, un autre jour de l'automne, pour une autre victoire

La bande de jeunes a longé la crête et s'est positionnée de loin en loin : des nains jaunes observables aux jumelles, qui peuvent en observer trois autres en bas. Et chacun de projeter ses angles de sécurité, et de se satisfaire de ses possibilités de tir. Les miennes sont restreintes vers le haut, mais basta, je suis là surtout pour la tête de veau. Et les cartouches, c'est pas donné ! Je ne vois pas passer la biche pourtant annoncée à la radio, puis je la découvre à 200 mètres environ, au delà de l'angle de sécurité, qui écoute. Alex, qui occupe le poste face à moi ne l'a pas vue non plus. Pas envie de tenter le tir à cette distance, même avec un bâton, et je lui trouve en plus un air juvénile dans mes jumelles. Elle descend de la montagne, sans cheval mais en se rapprochant, et je la perds malheureusement de vue dans les genêts et les arbustes. Elle franchit bientôt la route départementale.

Juste avant et au cours de cet épisode, Etienne, le jeune Etienne, 16 ans et plein d'enthousiasme, fait parler la poudre, et son premier grand cervidé tombe : un daguet tué d'une belle balle de 30.06. Un daguet de 80 kg qu'il redescendra seul sur près de 500 mètres ! Belle balle, pas de dégât, bon tir. Tout, quoi.

Notre jeune président, Maxime, 23 ans, tire aussi quelques dizaines de minutes plus tard. Une belle biche, tuée proprement. Tout, quoi !


La ligne des modernes en haut, s'affirme tandis que celle des anciens, en bas, se tait. Puis la ligne du haut avance sur deux kilomètres, tandis que les anciens prennent un 4 x 4 pour aller s'installer deux ou trois km plus loin, sur ce même flanc, et toujours en bas. Mais, même en bas, je dois marcher un petit kilomètre pour atteindre mon poste, le plus facile encore. Tous les cerfs semblaient en séminaire dans ce coin : cerf annoncé à la radio, re-cerf annoncé, daguet, re-daguet annoncés ... Qu'on ne tire plus, le dernier bracelet de mâle de l'équipe vient d'être utilisé. Jean-Pierre, qui traque sans chien, passe dans un découvert à 150 mètres au dessus de moi, tandis que Jean-Marc avec ses trois chiens se situe à 1.5 km environ, venant vers lui dans le bois, et faisant courir tous ces cerfs. Soudain  ...

Biche et Biche ! Me hurle aux oreilles mon for intérieur surexcité quand deux fusées gris-fauve giclent du bois à moins de 100 mètres et longent la côte à fond et passent à 60 mètres de moi environ pour rejoindre la sécurité du couvert. Ma carabine vole vers mon épaule, ma balle vole vers sa cible, et je vois la biche touchée, je recharge à la volée et une seconde balle tente de rattraper la première, jetant la bête au sol là où mes yeux la perdent. Jean-Pierre arrive à la course tandis que je peine à monter, mais l'animal se relève hors de ma vue, il le manque. Je sens poindre la catastrophe de la bête blessée, mais celle-ci, sévèrement touchée, s'arrête et je peux l'achever après l'avoir approchée à portée de tir. En deux balles, la première vise le cou et passe à côté ... Mon ventricule gauche, le plus rapide, est à au moins 150 coups par minute après deux cents mètres d'une "course" surement pathétique. La seconde balle sera adressée au thorax et y fera un trou imposant et définitif. 

J'ai déjà vu que biche ce n'est pas, je suis furieux contre moi. Ma fierté part en vrille, moteurs en feu, et va s'écraser ... J'appelle le président, humble comme jamais. Ce faon mâle bien costaud l'oblige à appeler un gars de l'autre équipe pour récupérer leur bracelet de mâle, contre un de biche. Je suis confus, la punition sera probablement terrible …


Conseil de guerre où figurent les trois tireurs ...

Le repas fut chaleureux et délicieux. En sus de crudités auvergnates habituelles (jambon cru, saucisse sèche, fromages au lait cru), il comportera sa part de rigolades bienveillantes sur ma vieille personne et sur ma faute, et aussi une tête de veau absolument délicieuse.

La vaisselle fut ma peine ! Aggravée d'une moitié de ce faon, qui pour la première fois de mémoire de ma 9.3, avait des dégâts terribles, la moitié du gigot était détruite par l'Accubond de 16 g. Je me rappelle d'un faon tué à Avène (Héraut) il y a longtemps, je m'étonnais du peu de dégâts d'une balle d'épaule dans ce calibre ... Des fois, c'est différent.

La morale de la fable est limpide : mieux vaut être un jeune et beau chasseur, avec de bonnes jambes, de bons yeux, un bon jugement, un bon tir que … … … … …. … (remplir les pointillés à votre guise).


  1. À la fois ému et bouleversifié (2).
  2. Mot nouveau.