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vendredi 13 mars 2020

L'inaccessible caillette ardéchoise

Elle fait partie de mes souvenirs et même de mon imaginaire. Comme le sanglier ardéchois, la confiture de châtaignes ou le saint-joseph de là-bas. Quand le président du conseil départemental a annoncé de son bureau la fermeture des frontières du département aux européens et aux cantalous, ainsi que l'édification d'un mur, j'ai été terrifié.


Image
A 40 km d'Aubenas, un mur antivirus


Téléardécher, la solution !

J'attendais ma carte verte, elle ne viendra pas. Désespéré, j'ai d'abord tenté de me suicider en me tirant une bouteille de saint-joseph dans l'estomac. Ça n'a pas marché, mais mon moral est  remonté en flèche. « S'il n'en reste aucun, ce sera moi », que je me suis dit moi-même à mon for intérieur, en rotant un peu le pinard.

Au fond du congélateur, au fond du village, au fond de Biocoop, au fond de l'Auvergne j'ai dégoté:

- une botte de persil,
- deux-trois échalotes et 30 g d'ail
- de la noix de muscade, ****
- de la solution hydroalcoolique (150 ml)*****,
- un chou de 800 g
- un petit kilogramme de pommes de terre de Carlat ou de Vézac**
- deux verres de chardonnay (au fond du plat pour la cuisson au four)
- du collier et de l'épaule de chevreuil ( 1.3 kg, poids corrigé)*
- de la gorge (dénudée) de porc, 1.5 kg, hachée par mon artisan boucher,
- du foie de biche (0,5 kg)
- un œuf entier ***
- 52 g de sel, 5 g de poivre ****
- de la crépine de cochon.




Putain de hachoir à viande.

Attention, je respecte toutes les femmes, mais cette machine est aussi infernale qu'elle fut coûteuse, qui pèse ses quinze kilogrammes avec son énorme moteur, mais qui est cent fois moins efficace qu'un parkinsonien alcoolique avec un vieux canif et avant son premier verre de la journée. En une heure et trois démontages, je parviens néanmoins à mettre en bouillie le foie et le collier de chevreuil ( 2 kg au maxi ...). Je sais que le plus dur est fait, et je remercie fortement mon artisan boucher de fournir la gorge de porc hachée à la demande.




Patchiquer (1) enfin

Je râpe les pommes de terre. Juste ce qu'il faut, car j'imagine qu'on ne peut pas, s'il y en a trop,  les déraper aussi facilement qu'une limousine sur du verglas.

Je blanchis le chou après l'avoir tranché. Il reste malgré tout quelque part entre ivoire verdâtre et beige moyen, mais je n'insiste pas plus de cinq minutes. Quand ça veut pas … Puis je le passe au hachoir électrique de cuisine, à la suite de la mouture du persil, échalote et ail.

Mon plan de bataille est perpendiculaire et complet, tout comme il est proportionnel et solidement réfléchi. Moitié du hachis sera mélangée à de la patate râpée, l'autre au chou mouliné. Quatre bocaux d'un litre, et trois de 500 g attendent mais tout sera cuit au four à 190 degrés à l'ombre pendant un heure et dix minutes d'abord  ( les caillettes sont de la taille d'une grosse orange). La stérilisation d'une heure et demie interviendra ensuite pour une partie de ma production.


Bilan à mi-parcours

A mi parcours, seulement une impression, car je n'ai goûté que « au chou et non stérilisé » soit une variante sur quatre. Bon, je dirai. J'aurais aimé ajouter de la sauge, peut-être doser un peu plus fort en légumes. Le salage à 13 g va bien, mais la proportion de gorge de porc s'avère un peu trop élevée, notamment dans l'association "chou".

La recuisson légère - ou le réchauffage prolongé - des caillettes en attendant l'invité du soir nous a fait les classer carrément très bonnes.
Cependant, la mise en production industrielle n'est pas envisagée pour l'instant, car nous craignons une taxation excessive à l'exportation.




sortie du four

Comme promis un mot sur la perception des caillettes stérilisées ... Eh bien, c'est correct, mais on peut mieux faire, sans aucun doute, avec une meilleure mouture et un assaisonnement un peu plus travaillé.



* Corrigé du prélèvement de Fripouille, le chat de la maison, toujours inquiet pour notre santé, et qui prend sur lui pour goûter les ingrédients sauvages et carnés de mes recettes. J'ai à cœur d'encourager son dévouement, qui a dû approcher les 250 ou 300 grammes.
** difficile au goût de savoir, les deux villages se touchent.
*** pas un bœuf, et pas si entier que ça, je n'ai pas utilisé la coquille.
**** non je n'ai pas pesé la noix de muscade ; et je vous emmerde .
***** ne pas l'ajouter au hachis, c'est juste pour se désinfecter les mains
(1) le mot auvergnat que je préfère entre tous

lundi 2 mars 2020

Il ne s'est rien passé

Ne chassant pas souvent le 29 février, j'avais décidé d'attendre le lendemain ; mieux vaut ne pas rompre avec les bonnes habitudes. En fonction d'un décret préfectoral, du fait que nous serions moins de 5000, et que le causse n'est pas spécialement un lieu confiné, je suis viendu  le lendemain, qui tombait aussi inexorablement en mars que des scouts sous les robes d'un curé.

Diane, notre déesse, s'était gentiment penchée sur nous pour nous ébouriffer un peu les cheveux à coups de quelques rafales de vent de mars, d'un p'tiot coup de tonnerre ici ou là, et de quelques gouttes brutales mais de courte durée. Favorable à cette chasse de mars, elle avait posé sur mon chemin un lapin qui était bien là, un lièvre qui semblait faire du stop, un chevreuil qui bouffait des bourgeons. Ouhhh lààààà !!! ça sent le sanglier, ça, en ai-je déduit avec cette logique très branlable des chasseurs de cochons.

Trois chasseurs avaient compté, en venant au rendez-vous, une vingtaine de chevreuils. Ils venaient de 50 km tout au plus, je pense ! Tout le monde est dehors ce matin ! Un piqueur voit même quatre sangliers de loin en faisant le pied au lever du jour. Le printemps frappe fort, même les bécasses sont énervées. 

Des fleurs pour Christine


Et pas seulement ! René, l’aîné de la bande du dimanche, au prétexte de l'âge justement, offre à Christine un bouquet d'anniversaire composé de forsythia, de genièvre et de Jenesekoa Bignonioides Angustifolium *. Est-ce vraiment son anniversaire, le champagne est-il là pour donner le change ? Cela ne nous regarde pas, ce n'est pas de la chasse et nous sommes là pour la chasse, et seulement pour ça.

Nous décidons, enfin, pas moi, d'attaquer la bande des quatre. Je me dis qu'à la rivière je serais bien, mais j'ai droit à la Baie d'Along. Bon d'accord, les locaux disent la Combe d'Alon, mais ça fait vraiment modeste ... Sous les directives du président, nous serrons bien la bande, mais pas trop non plus, pour la circulation ... En moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, c'est lancé. Je suis juste sous l’événement, je sens frétiller ma carabine, je sens les muscles de mes balles bleues bandés dans leurs starting-blocks de laiton. Mon palpitant monte dans les tours, comme la courbe des décibels canins qui se déversent. C'est donc ça, le bonheur.

Trop malins, les quatre sangliers, qui sont seulement un, décident de passer saluer le président plutôt que votre serviteur, lequel probablement pour les remercier de cette attention tire juste deux coups dans le paysage.  "Doublé de Serge", commente ironiquement un piqueur. Pas de bol pour le suidé, il passera à un autre posté un peu décalé, mais aux canons parfaitement calés ...

Oukissont les trois frangins ? Nous insistons - surtout les chiens en fait - jusqu'à 11:59, nous passons alors un peu de gel antiseptique sur nos mains pour obtenir l'absolution hydroalcoolique des bises matinales, et nous partons prendre une légère collation clôturée par une larme de champagne.


Aux Quatre Combelles, un poste surélevé

Trois attaques l'après-midi, dont pour finir une chez les trois frangins, décidément partis ... La première est très prometteuse aux Quatre Combelles, je suis sur le rocher, les chiens lâchés en deux points sont enthousiastes. Ça ne va pas traîner, se dit chacun. Puis les chiens seront de plus en plus silencieux, et  nous ne parviendrons pas à lancer. Les chiens se sont calmés, la radio aussi, et je ne vois plus le gilet orange sur la crête … Merdre !!! Ma radio m'a lâché en oubliant de dire bip bip. Descente de mon piédestal, remplacement des piles, et je fonce rattraper les potes.

Ce sont les Trois Boules qui succèdent aux Quatre Combelles, mais  là  aussi, les chiens perdent la voie ; s'ensuit un épisode burlesque entre un piqueur qui appelle pour qu'on vienne le récupérer et son chauffeur, suivi au GPS sur la "centrale à chiens", qui s'emmêle dans les chemins. Immense rigolade, tout le monde donnant des conseils farfelus.

Essai final sur les trois frangins, beaucoup trop malins pour nous. Un magnifique vol de grues survole notre échec.
Petit verre empreint d'amitié après cette jolie journée où j'ai marché au moins cent mètres, gravi pas loin de cinq mètres, palpité un peu, bien rigolé et aussi appris l'énorme facture « santé des chiens » de mon ami piqueur.

Fin de partie, ils ont été excellents


J'accompagnerai au retour un lièvre sur un petit kilomètre, en voiture évidemment, avant qu'il veuille bien prendre la tangente.

* je ne connais que le nom latin