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lundi 8 novembre 2021

Le clan des déglingués

Seconde chasse pour moi, mais j'ai maldormi *, et je ne pars donc que pour les traques de l'après-midi car deux heures de route me séparent du but.


Sur la fin du trajet, je parviens à suivre en pointillés la traque du matin, grâce à la radio, et à mon téléphone à deux cartes SIM. Car s'il y a déjà des oliviers dans le Lot, l'Orange n'y pousse pas encore. J'ai rajouté la SIM que chacun a là-bas … Mon équipe ne parvient pas à lancer des suidés fantasques, et renonce au profit du casse-croûte.

Nous débriefons lors d'un rapide repas où abondent les crudités auvergnates et lotoises : jambon cru, saucisse sèche, fromages au lait cru du Cantal, du Lot et même de l'Aveyron.

Le rond* me prive de mon poste fétiche aux Quatre Combelles qui échoit à notre international, André, qui est belgicain. Une promesse de sourires tant le Wallon serait une sorte de Français, mais avec de l'humour.

Je serai à un autre poste, on s'y gare à deux pas, il y a juste trois quatre mètres de descente scabreuse pour s'installer, que je franchis en quelques minutes. Pas vraiment de replat, et comme on tire aussi avec ses pieds, je dois bien passer un petit quart d'heure à positionner mon siège, me lever et épauler en plaçant au mieux mon pied gauche. Il l'est vraiment, gauche, c'est évident. Jamais ce n'est parfait, mais  je me contenterai. Le poste  fait face à une pente rocailleuse idéale pour des tirs longs.

C'est au premier plan que le sanglier passe 



Les chiens donnent rapidement de la voix, et environ trente minutes plus tard, Erwan annonce qu'un sanglier est « lancé ». Cela veut dire que les chiens ont approché l'endroit où il s'est caché ... et qu'il a dû le quitter. Le son de la menée s'accroît notablement, comme sa vitesse, en général car la voie est alors chaude et bien captée. Mais c'est hors de portée de mes oreilles que cela se passe, entre les distances et le relief. Mais la radio m'en informe.

D'autres chiens donnent de la voix, je ne sais si c'est en rapprochant ou derrière un sanglier.  Ca se passe dans mon dos, ça s'en va et ça revient .... Cela semble durer deux heures peut-être, avec des moments plus intenses où je suis debout, prêt à épauler et à ôter la sécurité de la carabine, d'autres où je retourne à mes rêveries. J'ai droit, sur le flan pentu montré en photo, à la vision simultanée de six à huit chiens fouillant méthodiquement les odeurs du sol, pimpants et gais. Mais aucun sanglier ne giclera d'un buisson ici ...

S'ensuit un long calme, j'échange quelques mot avec un promeneur, avec Erwan sur les ondes. Et le temps s'écoule doucement dans une douce tension qui s'amenuise. Un chien solitaire pousse un probable sanglier, le son croît doucement devient de plus en plus fort. Je me lève muscles tendus, et soudain le frottement du corps du sanglier dans les branchages devient un bruit intense, j'identifie un beau sanglier qui fuse à quelques mètres, à demi masqué par la végétation. Ma réaction est à mi-chemin entre un tir académique et celui de Joss Randall. Au cri de l'animal je sais qu'il est touché, et la chienne anglo française, quinze secondes derrière, tient prudemment au ferme le sanglier grognant. Je comprends qu'il est immobilisé ou à peu près, une balle de reins probable … Damned, il n'est pas mort … il est à 10 mètres mais totalement invisible, et il reste un danger pour les chiens qui l'approcheraient.

Les Anglo-français de petite vénerie de Stéphane


Ma jambe mal réparée ne me permet pas de m'enfoncer sous ces branches dans cette pente arborée et caillouteuse. Comme dans un cauchemar, nul ne répond à la radio « sanglier blessé au ferme, vite un piqueur », je recours au téléphone qui passe grâce à la nouvelle SIM ... et je laisse un message. Avant de toucher à la radio une personne qui répercute à Stéphane, piqueur intrépide et patron de la chienne, qui fatiguée abandonne le ferme un moment... Je n'entends plus rien. Mort ? Et non, sa respiration me parvient, des craquements, un boum mat ensuite. Il a franchi un muret et est tomé lourdement, saurai-je plus tard.


Stéphane arrive et s'empare de la carabine de son chauffeur. Il faut préciser que stéphane s'est blessé sévèrement à une main lors d'un accident domestique et conduit ses chiens sans arme. Mais là, il vaut mieux éviter tout risque aux chiens. Il n'a qu'une main, mais il est leste, il rappelle son chien revenu au sanglier, et achève le sanglier à la Johne Wayne, d'un bras. Mais d'un bras, il ne peut remonter cinquante kilos dans une pente de broussailles et de cailloux

Pourquoi pas son chauffeur, direz-vous ? Parce qu'il n'est pas piqueur, d'une part, et qu'il est paraplégique à la suite d'un accident de voiture, pardi. Et il ne chasse que depuis son siège.

Enfin arrive Rémi, une personne tout à fait extraordinaire, figurez-vous ! Il se tient parfaitement debout, il marche et court s'il le veut, il peut tirer, prendre des chiens en laisse, et il possède deux mains aussi fonctionnelles que ses jambes. Et il remonte le sanglier. Nous  rions des collaborations qui furent nécessaires, du boiteux au manchot, en passant par le paraplégique et le valide pour cette œuvre résolument collective.

Le sanglier est une femelle de 50 kg environ. Un autre sanglier, un peu plus lourd a été tuée par Erwan.

Une femelle de 50 Kg environ, tirée au calibre 308 Winchester


    * du verbe maldormir, intrans. 3ème groupe, utilisé surtout chez les vieux et les insomniaques

    ** l' endroit et le moment où les postes et les consignes sont donnés

lundi 1 novembre 2021

Petite chasse

Ca y est, je suis retourné à la chasse hier pour une courte battue de l'après-midi. Dans le Lot, sur la causse. J'espérais une bonne forme, mais comme j'avais encore très peu dormi, ce n'était pas complètement ça … Huit mois de nuits douloureuses au sommeil compté ! Ce qui est nouveau, c'est que parfois je ne souffre pas, sans pour autant que le sommeil vienne ...  Mais sonnez trompettes de l'espoir, je reviens !!!


Alors la veille j'ai préparé la chose, mais de manière prudente, légère et réversible. On sait que l'absence d'activité pousse à la prise de poids, mais la surprise est grande quand on s'aperçoit que ça concerne aussi les carabines ! Elle a pris au moins deux kilos depuis ma dernière chasse de la saison passée !!! Je peine presque à la garder à l'épaulé … Effroyable sensation, mais juste mesure de ma forme. Pourtant j'ai progressé fortement ces derniers jours. Ma pensée vole vers un copain oublié, qui me racontait qu'après avoir vaincu son cancer, il peinait à soulever sa belle carabine express quand il avait voulu renouer avec la vie. Quinze ans plus tard, je saisis complètement son propos.


Je prépare une veste, quelques balles, et je recharge la radio. Ce sera juste jeans, on verra plus tard, si ça semble durer. Pour la première fois depuis quarante jours environ, je n'ai pas infirmière et pansement ; c'est la fête jusqu'à demain ...


Mais peut-être ne fermerai-je pas l'œil, et alors je resterai à la casa, faute du jus nécessaire. C'est un entre-deux au lever, alors j'y vais … en partant vers 9 heures 30, tant je maîtrise la proportionnalité des choses.


Mon père me disait, à 78 ans, deux mois avant sa mort brutale d'une légionellose, sa quasi incompréhension de cette façon de certains de le traiter comme un vieux, alors qu'il ne se percevait pas ainsi, capable encore de courir et de sauter une clôture, ne connaissant les rhumatismes que par ouï-dire, et faisant son bois pour l'hiver comme un jeune homme. Tandis que la maladie m'aura accompagné chaque année de ma vie hormis les dix premières. On ne choisit pas. Et c'est une petite victoire d'être là. J'ai abandonné la montagne, je peine encore dans les vallées, mais l'espoir flambe par instants.


On pleure un jour de détresse, on flambe d'espoir et d'envie le lendemain. Retrouver avec bonheur les têtes connues autour de la table, penser à André, mon voisin de table d'avant, qui ne le sera plus jamais, qui avait validé son permis mais qui s'en est allé juste avant l'ouverture et juste avant de fêter ses 89 printemps. Nul n'a occupé sa place du bout de table.  Découvrir des invités, apprendre qu'Eugène, 15 ans juste passés, vient de tirer et de tuer son premier sanglier ce matin même, tandis que je roulais en soignant le syndrome du décrocher de mâchoire à coups d'expressos. La nuit, je la retiens … J'espère que le retour ne sera pas trop difficile.


Laurent ne chasse plus avec nous cette année, je m'y attendais un peu. Je le regrette, lui, Christine et leurs magnifiques chiens. Une tristesse, les gens sont compliqués, et les taiseux encore bien plus.


Je serai posté dans la Baie d'Along. En fait la Combe d'Alon, mais j'adore la faire et la refaire... Le pied du sanglier se situe quelque part entre cette combe et la vallée du Célé, dans cette colline. Je m'installe à côté de la Cochonne Rose à défaut de monolithes ou d'îles karstiques luxuriants. Ici aussi on a du calcaire, et on se la pète pas pour ça. Je goûte au bonheur simple d'entendre les clochettes, puis les voix des chiens, et les piqueurs à la radio. Ca ne lance pas, ça ne danse pas malgré la musique parfois entrainante ; j'apprendrai un peu plus tard que les chiens sont partis à contre sur un autre sanglier. Ils ont remonté une trace d'un sanglier lancé par des voisins et passé sur notre territoire.




Les chiens sont remis et cette fois est la bonne ... Mais l'action se passe hors de portée de mes vielles oreilles et je ne bénéficie pas de la symphonie. Orange ne passe pas, la radio peine, et vers 16:45, Erwan s'arrête sur la route, me conte la chasse. Il a récupéré et abreuvé ses chiens contents et épuisés, il fait presque 20 degrés. Nous partons préparer le sanglier du matin. Le cochon est aussi une cochonne, mais noire, d'une cinquantaine de kilos, traversée par une balle de calibre trente qui a explosé l'estomac et saccagé les os du sternum. Estomac plein de gland finement moulu.





Je pars à la nuit tombante pour deux heures de route et dès que j'accède à la nationale à peu près correcte, je mets en marche le "lane assist" qui bizarrement sur une petite route nationale pleine de courbes garde merveilleusement éveillé en donnant l'impression que le volant à une vie propre.


Bien content et bien fatigué, j'arrive. Si cette fois je ne dors pas … Eh bien, je ne dors pas, peut-on y croire ??? Même si je n'ai pas mal, juste une petite sensation qui ne justifie même pas un demi-gramme de doliprane, je prends un coup d'opiacées en me disant que peut-être... Ca ne rate pas, je dors comme un juste.



Les emmerdes, disait Chirac, ça vole toujours en escadrille.

mercredi 14 juillet 2021

Cette fois sera la bonne

Les trois sorties précédentes précédents sur  mon  lac de St-Etienne Cantalès m'avaient laissé rentrer au port les cales vides hormis un gardon, la fierté écornée et la peau rougie. "S'il n'en reste aucun, ce sera moi" (1) est ma devise : et me revoilou déjà, les cannes en tous genres sous le bras et les hameçons rayant le parquet, ou, plus exactement, le ponton.


Un bijou, je vous dis

Il y a peu j'avais craqué pour un super moulinet que j'avais malencontreusement associé à une canne devenue sa limite principale, trop longue et encombrante démontée. Je m'étais offert ce moulinet américain tout de noir et d'or, du type "rêve de petit thon méditerranéen", étanche, dont je n'avais nul besoin au regard de mes capacités physiques actuelles comme de la salinité du lac. Mais bon, c'est comme un bijou, et plus encore avec sa tresse bleu-roi. Et ça ne répond pas à un besoin logique et vital, un bijou, non ? 


Donc, dans un souci d'ajustement sans fin, achetons en plus une canne kivabien au plan de son transport, sans s'éloigner d'objectifs halieutiques ambitieux et mesurés en même temps. Ce sera chez Décathlon, car il y a les cannes Ilicium dont on dit du bien, au moins chez Décath. Je longe le rayon, sans voir d'Ilicium, et vais m'enquérir chez la personne momentanément préposée aux appâts, car je suis du genre à ne pas voir un nez au milieu d'une figure. « Des quoi ? » qu'y m'dit ... Je répète. « On fait pas ça » répond-il avec le ton péremptoire teinté de fatigue de l'épicier à qui on demande des boulons de huit ou de la peinture à carreaux. "Mais c'est TA canne-phare, crétin, TA pub, TON gagne-pain, enfoiré !"  le remercié-je d'un grand sourire masquant civilement ma pensée. Il y a bien sûr des vendeurs très compétents chez Décathlon, en plus d'un SAV royal. Mais pas tout le temps.

Comme j'ai la carte bleue qui frétille dans ma main, je prends une autre canne, d'une puissance de 15 à 60 grammes, 2.40 m en brins égaux qui dit assurer jusqu'à 40 livres, d'action fast à semi-parabolique semble t'il. Oui, c'est devenu compliqué, une canne à pêche.

J'en profite aussi, tant qu'on y est, pour prendre un pack canne-moulinet prêt à pêcher pour 26 euros, canne de merdre de 1.80 m - et non trois comme je l'avais malu (2) - avec un minuscule moulinet de taille 1000 de la même matière, qui restera au bateau sans souci : pas de transport, et pas de crainte de vol, et ça marchera. Mission exclusive : pêcher les vifs dans 2, 4 ou 10 mètres d'eau et être prête à entrer en action en une minute. Quatre pauvres gardons lors de sa dernière venue en ont fait les frais. Et une pince à poisson de marque Rapala, qui m'aiderait à sortir de l'onde les silures, même gros commac, sans saloper l'épuisette, et peut-être plus facilement. Et quelques broutilles aussi, hameçons, flotteurs. Et les vertiaux (3), pour lesquels j'étais venu. 


C'est inévitable, et vous le savez tous. Après une série de bredouilles, vient LE jour . Et c'est aujourd'hui, je le sens. La gueule et la couleur du lac, déjà, l'odeur de l'eau et du soleil ensuite, tout me le crie. Ma stratégie est simple mais lumineuse. Je pêcherai l'anse de Rénac, pour son calme relatif un dimanche de beau temps. Car ailleurs les boats des skieurs, des monstres de plus de 6 mètres parfois, sont capables de couler un pauvre 4.80 m ou d'expédier le capitaine à l'eau rien qu'avec les vagues qu'ils (dé)génèrent sans pitié. Les silures, ou les brochets, ou les sandres ont ainsi une raison de plus de venir casse-croûter ici au calme, non ?

Enfin en place … Je pose virtuellement sur ma tête la casquette de seul maître à bord après personne d'autre. Dans un souci d'efficacité remarquable, j'arme illico la canne à quat'sous d'asticots motivés, et je lance. La surveiller en préparant les autres cannes, qui sont cinq, me permettra la pleine efficience du gars qui a tout son temps. Le coin de mon œil reste résolument au repos, même en amorçant un chouïa (1). Mes cannes sont bientôt prêtes ... Je vais voir mon seau vivier qui trempe à bâbord, où il reste un beau gardon, vivant mais peu dynamique, survivant des quatre, et de huit ou neuf paragraphes.

Pas moyen de prendre un seul gardon alors qu'ils abondent dans ce lac. Ils sont simplement ailleurs ou font la gueule à cause de la canne Apascher . Au bout d'une heure de soleil abrupt, je m'éloigne avec MON unique gardon, mes vertiaux (3), mes leurres. Car il est l'heure.

Je vais enchaîner trois dérives aussi lentes que possible, partant de trois points différents, freiné par une ancre flottante. Glander aussi, c'est très technique ... Concentré sur une seule canne, la toute neuve armée de mon moulinet tout beau, j'aide mon gardon à nager à un ou deux mètres du fond avec un montage « fireball ». Quand le vent me rapproche du bord, j'ajoute une ligne avec deux vers en « drop shot » et je gagne ainsi ma première perchette, qui jouera remplaçante pour l'instant. Du gardon. A un moment, je me suis laissé volontairement dériver vers 25 mètres de fond à la recherche d'échos sur le sondeur, en zone fondus de sports nautiques. D'ailleurs deux boats au loin arrivent, et je remonte mes lignes pour m'escamper. Et l'ancre flottante. Putainggg, le bout est coincée par l'échelle de bain. Mortecouille ! Mais j'ai bien le temps ...En dix-huit tournemains environ, je parviens à la libérer ... Et je me fais secouer grave par l'un des rafiots qui a réussi à se libérer de son poursuivant volant sur l'eau, et revient sur lui pour le noyer, me semble-t-il . Chaque fois, je me dis qu'on ne m'y reprendra pas. Mais je ne vais pas non plus acheter un chalutier, je pêche à la ligne, moi, Monsieur.


Le soir oui, mais pas le grand soir


L'heure avance, mais les poissons n'ont pas de montre. Ca va venir. Un peu de dérive encore dans 2 – 4 m d'eau, entre les bouées, avec cette fois la perchette fougueuse qui a quitté le banc des remplaçants. Et un peu de drop-ver et leurre souple ; et une seconde perchette succombe à un lombric. Je pars m'ancrer dans 6-7 mètres de fond vers 19:30. Une zone souvent riche en échos de sondeur sur un chenal peu marqué menant à la plage. C'est ici que ça va se passer, me dis-je tout en bronzant avec le soleil qui s'abaisse, et en terminant ma bouteille d'eau. Une ligne à vif avec la dernière perchette, une tirette lourde au ver, une dandine légère avec deux vers. Je poursuis encore quelques lancers de leurre sans résultat. J'installe la ligne au fire-ball suspendue à un mètre du fond. Attendre et espérer. Je suis bien, tranquille et attentif, prêt pour la bagarre et bercé par des ondulations douces envoyées de temps à autre par les sportsmen qui rentrent, à quelques 300 mètres de moi.

Et alors ... le soleil bascule derrière la ligne d'arbres ... Il est temps de plier. Demain, sardines.


Si residuum fuerit, me erit qu'on disait dans le temps

2 du verbe mallire.

3 vers de terre en patois bressan.



vendredi 11 juin 2021

Les Bonnie & Clyde du lac

Le mauvais coup était prémédité, et Clyde  avait, avec un complice, peut-être Buck, peut-être Henry, amené le bateau sur le lac sans se faire repérer, le dimanche matin, quand tous les honnêtes  gens sont au temple …




L'attaque a eu lieu en plein après-midi  Après un tour infructueux de l'anse de Rénac au gros leurre "salmo", au petit leurre vibrant à perche de 2 pouces, à la tirette au ver... Très très peu de mouvement repéré au sondeur. Mais Oukisson ? comme on dit dans l'Oklaoma et le Texas …

Le bruit du moteur au ralenti incommode Bonnie quand ce n'est pas pour un butin immédiat, aussi finit on par se mettre à une bouée par 4,50 mètres de fond, loin des abysses et en bordure du champ de bouées vacantes, et près de la plage. Silence et repos. Un poil de mouvement au sondeur au départ, certes, mais vraiment plus rien sur l'écran, ou si peu que la bredouille paraît aussi inéluctable que la chute de l'empire romain.

Ma douce Bonnie drop-shote (dandine) avec deux vers, je lance, ramène et anime avec et une monture de 3 g équipée d'un gros ver canadien, et un alevin en plastoc en teaser. Bonnie enregistrera une petiote touche avec ferrage raté en deux heures. Rien pour moi, à part le gros ver canadien réduit en charpie, sans doute pendant que je cherchais le brochet  au lancer.

"Ouh làààà !!!" que dit soudain ma complice, sa canne pliée à nonante degrés. Le poisson monte doucement mais réussit à se réfugier dans la chaine de la bouée qui économisait nos ancres. Grâce ou malgré mes conseils avisés -ou pas- la situation se dénoue et son record se retrouve dans l'épuisette : une perche de 41 cm. Je suis encore plus heureux que si c'était moi l'auteur de la prise. Elle passe de 450 g à 1.2 kg d'un coup d'un seul.

Bonnie et son butin


Une petite heure après c'est à moi de ferrer une touche à la fois discrète et  franche et de faire chanter un peu le moulinet. 44 cm, 1.45 kg. Mon record aussi.

Clyde bien content


De grosses boules ou de gros traits orange viennent trainer sous le bateau sans se décider, selon mon sondeur. Je pense à des silures, mais je manque de vers pour leur faire une grosse bouchée, et pas de petite perche de 20 cm ou moins à offrir au bout d'un hameçon. Une autre fois …


L'heure du couvre-feu était passée de 18 minutes au retour, mais sans encombre. Et dans la bonne humeur. Le lendemain midi, filets de perche …





samedi 24 avril 2021

Ô mon lac

 

Le temps s'étire autant que les œufs durent, si vous voyez. A la fin de ma condamnation à quarante-cinq jours sans appui sur ma jambe rafistolée -ou presque- je m'voyais déjà gambadant par les chemins zé les monts dès le quarante-sixième. Ou le quarante-dixième, au pire !

Ben non ! Ce n'était que pour sauter du fauteuil roulant au déambulateur glissant, ou aux béquilles sautillantes, tout en continuant à être criblé d'aiguilles. A J + 55 jours et autant de trous dans le bide, j'atteignais à peine, et à béquilles, les 250 mètres en terrain plat sans obstacle.

Mais là, à J + 2 mois pile, le jour d'ouverture de la pêche au brochet, je prends pour la première fois la route avec mon indomptable destrier et mon adorable épouse, ou inversement, jeter un coup d'œil à mon lac préféré. Ca alimenterait juste la machine à rêver, parce que pour pêcher au lancer avec deux cannes anglaises, il faudrait quatre mains ... Pas de pédale d'embrayage, donc je conduis sans difficultés. J'avais pris une canne à pêche, et une carte de pêche, pour le cas d'un contrôle policier inopiné. C'est à quarante bornes.

Un détournement du chat de Geluck



J'imaginais plein de bateaux au ponton, hélas sans le mien, et les remorques à bateaux des taquineux du brochet à foison sur le parking. Que dalle … Alors que je n'ai vu aucune info dans le Courrier International que je lis assidûment ni dans la presse locale que je n'ouvre jamais, je m'aperçois qu'on a presque vidé MON lac !!! Pour faire de la p...n d'électricité ? Juste pour m'emmerder ? Un complot ? J'en étais sûr … Si cet état date de deux mois, c'est un sale coup pour les brochets dont le frai s'est peut-être déroulé sans végétation pour y déposer leurs  œufs. Et pour les sandres ? Peut-être pas tout à fait aussi embêtant, je crois qu'ils fraient sur les fonds sableux … Cependant les hauts fonds habituellement choisis sont à sec.




Je n'ai vu que deux pêcheurs sur le lac, les nomades ayant probablement choisi des lacs avec le « bon » niveau, ou ont renoncé.


Bon côté des choses, la plage est immense. Et cette première sortie m'a fait un bien fou.


vendredi 9 avril 2021

Lève-toi et marche (doucement)

C'est en substance la parole de mon chirurgien, à J + 42 et 22 heures. Même s'il n'a pas paraphrasé le célèbre faiseur de miracles, il annonçait la bonne nouvelle.


Il donne dans des mots plus techniques, mon chirurgien, mais accessibles. En gros tout est bien à sa place du genou au bassin, c'est solide autant que ça peut l'être, et je peux m'appuyer sans restriction sur le membre rafistolé. Il a ajouté que ca n'irait pas tout tout seul quand même, et m'a quitté en me souhaitant bon courage pour la suite …Et rendez-vous dans deux mois.

Conjuguer sans faute une vingtaine de vis, plaques, tiges, liens, allo greffons avec des os en piteux état parmi des muscles étiques tient du réel miracle et de la bête charpente à la fois. On ne choisit pas le bois, c'est tout … Je redoutais tellement ce moment que j'aurais pu m'envoler de joie. Je me suis contenté de sourire largement, faut rester sérieux. Et vu la hauteur de plafond, un looping était de toute façon impossible.

Patient, on suppute, on redoute, on croit, on s'angoisse ou on s'enthousiasme vite, on dentdescie énormément. Cette fois, j'y suis, je vais pouvoir rêver pêche, et même chasse d'été en attendant de concrétiser dans les meilleurs délais. 

Après la presque-vie, la re-vie est là. Alléluia !


mercredi 24 mars 2021

La visite

Bulletin de santé numéro tant. J +  28, mais J plus un mois aussi par le miracle de février.  J'avais pensé à "la Visitation" pour le titre, pour le côté sacré et dans un délire de licence poétique, mais l'évocation de la vie mondaine de Marie ne sied guère à mon état de convalescent fragile.


Vous allez rire. Ou pas. Cela faisait hier exactement un mois que je n'avais vu personne d'autre que des soignants généralement masqués et parfois gantés, probablement pour ne pas être confondus  un jour par leurs empreintes ou par une caméra de surveillance.


Auxquels il faut quand même rajouter ma douce - qui me soigne, on n'en sort pas - et mon fils et son épouse.


C'était un peu comme ça. Un peu, hein !


Mais hier était un grand jour, je recevais des amis. J'avais astiqué le fauteuil roulant et bichonné les chromes du déambulateur pour accueillir mes visiteurs dans le plus grand apparat. J'étais en tenue civile, un peu dégradée certes par un jogging et un sweet shirt. Le grand banquet s'était mué en simple tarte aux pommes. Ah !  Ca fait du bien. Pas la tarte aux pommes, la visite ! Suivez, bordel ! Enfin si, la tarte aux pommes était délicieuse aussi. Brèfle *, un petit goût de revie** avec le soleil éclatant derrière la vitre et des amis près de moi.

"La visite" c'est ça aussi qui m'inspira le titre, mais moi,  je la voulais vraiment cette visite !  musique  

* Bérurier.

** mot nouveau.






dimanche 21 mars 2021

Retiens la nuit

 

J + 26


Ah, enfin une nuit presque correcte. Un anti douleur léger, un somnifère léger, et une jolie goutte d'une huile essentielle de Jenesékoi, ce merveilleux arbuste poussant je ne sais où, versée par ma douce sur un mouchoir. Hasard peut-être, mais j'ai enfin dormé par longues bribes d'une, deux ou peut-être même trois heures. Je ne souviens pas de la conjugaison exacte du verbe concernant la dormition et ces choses-là, tant j'avais perdu l'habitude … 

Je voulais même créer un groupe de pression et lancer une pétition pour rendre la nuit facultative. Si jamais quelqu'un chante " Retiens la nuit ", alors je jette mes aides auditives aux chiottes, je le poursuis en déambulateur, je l'étripe avec une vieille canne anglaise rouillée.



Ainsi va la presque vie, avec ses minuscules progrès et mes gros soupirs. Mais les prévisions sont bonnes avec un kiné miraculeusement annoncé, et une météo qui autorisera de petites sorties sur la terrasse. Ca va être dingue, carrément fou. 

Bises !

mercredi 17 mars 2021

Gigolo

 Bulletin de santé numéro tant.
J + 21.  Je teste l'état de gigolo depuis cinq jours. Un taf nouveau que j'explore. Je suis à l'essai, en fait ...


Jamais je n'ai souhaité m'abaisser à ce point, mais si on veut continuer à vivre il faut parfois payer de sa personne.

Attention je suis un gigolo d'un genre nouveau. Pas un beau gosse aussi bien fait de sa personne que fainéant. Oui, je sais, je suis fainéant aussi, mais là n'est pas la question.

Je me fais entretenir par une femme, donc. C'est l'essence du métier de gigolo. Mais pas de belles sapes pour moi, pas de Weston, pas de champagne, pas de palaces ni de voyages. Pas de havanes non plus, juste une cigarette électronique. Je reste donc bien au-dessus des apparences et bien en-dessous des apparats. 

Non, si je parle d'être entretenu, c'est bêtement l'entretien courant … Pas de toilettes coûteuses, mais la toilette, pas de grands restos, mais des petits plats, et at home.




Fournir la contrepartie est certainement dans le contrat. Et c'est forcément de l'amour … Mais le seul amour que j'ai en stock actuellement est strictement platonique.

Ce contrat peut -il raisonnablement tenir ainsi ? Un frisson m'a parcouru l'échine hier soir, quand ma belle m'a servi des champignons.


Ils étaient bien comestibles. La presque vie continue ...

dimanche 21 février 2021

La dernière chasse de la saison, en crocs vertes

Ma redoutabilité (mot nouveau) a failli hier s'exprimer, mais un destin contraire en a décidé autrement ... J'avais pourtant la chance avec moi. J'avais décidé de me donner à fond toute cette semaine dans quelques repas substantiels avec des amis tout pareils.  Dans le même élan, j'avais fait six kilogrammes de pâté à partir d'une recette un peu bricolée pour ses éléments non sauvages. Son parfum était prometteur. Et samedi c'était chasse !


Brèfle, c'était la dernière séance de la saison, et j'avais choisi ma jolie carabines en calibre 9.3, aux courbes délicieuses, si douce sous mes doigts. J'avais même fait briller mes cartouches la veille, comme des souliers pour un premier bal.


Mais les pieds de sangliers n'étaient pas fameux, et l'attaque de la première "rentrée"  se solda par une défaite, certes honorable, suivie d'un repli en ordre pour une nouvelle attaque. Je me retrouvai à nouveau déployé aux Quatre Combelles, endroit tellement cité que bientôt il s'affichera sur Gougueule dès qu'on tapera quatre.


Légèrement vêtu, c'est à dire sans surveste, je ne prends pas non plus le casque - non, pas celui à pointe - faute de poches ou de boches. Mais le casque amplificateur, la cure de jouvence des vieilles oreilles. La carabine est lourde dans la pente raide. Le vent n'est pas non plus l'ami du casque mais si j'en parle tant, vous vous doutez que ce n'est par hasard. Vingt mètres d'efforts, presque une Diagonale du Fou en plus concentré, et je pose le pied sur la marque rose qui dit que c'est the place to be.

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Il fait 16-18 degrés un peu ventés. De mon poste, je domine le monde. Sans me vanter, car c'est au premier degré. Sur les 16 ou 18. Mais les voix des chiens m'arrivent à peine de derrière la courbure de la colline et du vent. Ah, fourbe, le vent, pas courbe ? La fourbure du vent ? Ca ne collerait pas non plus, fourberie des mots ... Je laisse quand même, après tout, c'est moi qui tiens le clavier. Poum ! j'entends, au milieu de quelques récris lointains. Comme souvent dans ces paysages vallonnés, je n'entends qu'un des interlocuteurs à la radio, ce qui ne me permet pas de saisir l'issue de l'action.


Et 15 h 30 arrivent déjà, et à 18, le Kodiak se transforme en amende, a dit la fée à casquette. Avant, les carrosses se transformaient en citrouilles -bien plus grosses qu'une amande- et bien plus tard que de nos jours. Minuit. Tout fout le camp. Et moi aussi, alors je commence à descendre du promontoire, tout doucement. A 15h45, je suis à la voiture, j'ôte le chargeur, enfile une jolie croc vert laitue à la place de ma chaussure de marche. Vous connaissez mon jusqu'auboutisme, j'allais faire de même pour la seconde chaussure sans aucune pitié, quand la radio annonce que "ça" vient vers moi.


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Mortecouille ! Le chargeur, vite ! Ainsi à demi accoutré je remonte les 20 mètres. Difficile d'entendre les voix des chiens. Je suis là, tendu comme le ressort à Boudin, du nom du célèbre inventeur, quand la radio m'informe que la menée a changé de direction. Je me replie avec un grand sourire, jamais telle chose ne serait arrivée sans la consigne expresse du couvre-feu.

J'ai enfin une croc verte à chaque pied, et je vais appuyer sur le bouton de fermeture du coffre, quand " t'es toujours là Régis ? ça revient vers toi !!!". Bon, je ressors (toujours à Boudin) la carabine, et j'y glisse une cartouche. Cette fois encore, le sanglier changera de trajectoire. C'est un malin …

Et je prends enfin la route. Il ne faudra pas lambiner pour arriver à 18 h 00. Pour couronner le tout, je croise le président qui vient me remplacer car … « ça »  revient encore une fois. Je ne connais pas la fin de l'histoire, mais ce que je sais, c'est qu'à ce poste la semaine dernière le président avait en quelque sorte manqué un sanglier ... Pas vraiment, car il n'avait pas chargé son fusil. Clic ! Clic !

Le pâté s'avèrera le soir assez sèchement raté en matière de consistance. Et pour le casque amplificateur - protecteur, eh bien, il n'y a rien à en dire de plus ... J'aurais juste aimé entendre la symphonie des grands courants.

mardi 2 février 2021

Sur le volcan

8 décembre 2016 ... Finalement par des hasards ajoutés, je me retrouve possesseur d'un bracelet de chamois. Car "on" sait que je ne tirerais qu'une très vieille chèvre non suitée, si je tire ! Il y en aurait une d'un âge canonique mais bien moins vieille que moi en même temps, mais la trouver est une gageure dans la montagne … Le réveil du volcan est une surprise de taille. 

Le réveil du volcan, fumerolles et lave en fusion ...


Autre surprise, s'il faisait moins quatre dans la vallée à 1000 mètres d'altitude, c'est plus sept degrés à 1500 mètres, d'où j'observe d'entrée à la longue-vue deux chamois, l'un à cinq cents mètres que je dirais bouc, et l'autre à trois kilomètres ... dont je ne dirai rien. Je m'équipe et je démarre doucement. Le sol, malgré la douceur venteuse relative, est dur comme de la pierre, et les ruisseaux sont figés. La traversée de la source de l'Impradine, en partie gelée, me donne des sueurs forcément froides, traversé également que je suis par l'idée glaçante d'une mauvaise chute en ce lieu privé de tout réseau téléphonique. Je me rassure à demi en me disant que ce sera partout comme ça aujourd'hui. Sans réseau.


Je n'ai pas la pensée carnassière, je veux juste goûter au plaisir de ce soleil, de ce vent de quinze kilomètres-heure, de cette marche très lente, de ces chamois ... De ma quête. Et la très vieille chèvre dont j'ai entendu parler serait à trois ou quatre kilomètres de mon véhicule. Un challenge que je ne tenterai pas une seconde fois ! Rapporter seulement le trophée, les cuissots et les filets est forcément possible. Mais bon, à quoi bon y réfléchir déjà ? Marchons, rêvassons, clic-claquons des images.


Un air de matin blême. Au fond, la Brêche de Rolland.


Un groupe de cinq chamois me ravit … Ils sont si cool que je ne crois pas le loup présent ces jours-ci sur ce massif (nous sommes en 2016, et depuis la densité de chamois a bien chuté). Puis une traversée prudente de zones de glace si dangereuses sous un peu de poudreuse, car elles ne sont pas plates, produites par l'eau qui sourd de la montagne et gèle en vaguelettes assassines ... Je fais beaucoup de pauses d'observation. Trois chamois à la Brêche de Rolland, sans doute un trio familial (1). Et j'avance encore, car je sais que je vais trouver d'autres chamois. Je choisis la mi pente pour approcher le Peyre Arse. Si je trouvais l' animal de chasse, je pourrais, s'il n'est pas sur un versant qui me permette l'approche, faire marche arrière pour un long détour, pour le contourner par le haut ou par le bas ...



Une chèvre (jeune) avec deux cabris


J'échange mon blouson Browning vintage contre une petite polaire camo présente dans mon dressing portable, où elle côtoie une bouteille d'eau, une courte longue vue, une corde, deux pains au chocolat, de la rubalise, un télémètre, une lampe frontale, un bonnet et un raton laveur. Cette liste amusera quelqu'un. Par une chance inouïe pour l'idiot géographique que je suis, je trouve d'entrée la draille magique de la mi-pente haute. Et un groupe de neuf chamois sur le bas. Il ne peut que me repérer. Pouvoir me surveiller du coin de l'œil à cinq ou six cents mètres suffit à les rassurer. Je passe à leur large.


Sur le massif d'à-côté, cela flambe dur. L'éveil du vieux volcan sur lequel nous vivons si tranquillement va forcer biches et cerfs à habiter plus loin cet hiver. Et à se faire tuer peut-être dans un secteur moins connu d'eux. 


Je me dis que je n'irai guère plus loin en arrivant à la limite nord du pied du Peyre Arse. Trois chamois à trois cents mètres, qui galopent un peu en s'approchant. Rut ? Non, ils broutent en s'approchant, et c'est une femelle avec deux beaux cabris. Une rareté. Peut-être, même si cela n'est jamais relaté, la chèvre a-t 'elle adopté un cabri orphelin, ou bien sa maman court le guilledou et a confié le petit à la voisine.


D'autant qu'une chèvre assez jeune aurait été tuée et son cadavre abandonné dans la montagne, il y a deux ou trois semaines. L'œuvre d'un con. "Mes" chamois se couchent un court moment à cent mètres, puis recommencent à brouter en montant. Je broute moi-même un pain au chocolat en les observant, tandis que mon APN fatigué refuse d'enregistrer les images de bon cœur. Puis je m'éclipse discrètement.

Le chemin du retour


Et je reviens vers la voiture, que j'atteins un peu avant la nuit. Le paysage est superbe, l'atmosphère nimbée de bleu par les particules fines de l'écobuage.

(1) la structure familiale est la mère, son jeune de l'année, et son jeune de dix-huit mois

jeudi 28 janvier 2021

Do it moi-même

Au moins l'un d'entre nous, et sûrement le meilleur, se souvient de la tragédie des ambisenestres, illustrée par un auteur aujourd'hui oublié, dans un texte jamais ouvert par quiconque: "https://blancchasseur.blogspot.com/2016/02/handicap-vivre-avec-deux-mains-gauches.html".


Le dernier et terrible attentat du "Do it moi-même" contre ma personne et mes biens, que je me dois de relater au monde, encouragera celui-ci, je l'espère, à envoyer un peu de flouze à ma fondation "Born wizz 2maingoch" qui lutte sans espoir mais sans renoncer, et avec d'énormes frais généraux.

Voilatypa* que mon téléphone plutôt chic (un smartphone, dit-on en général) donne le signe d'un manque d'énergie. Que nous connaissons souvent en fin d'hiver, et que l'on combat d'une cure détox. Mais là, c'est un téléphone, et aussitôt mes recherches contournent, encerclent et investissent la toile. Quand je me fends enfin de mon numéro de carte bleue, l'affaire est comme réglée.


Ma boite aux lettres recèle le surlendemain *** une enveloppe-colis qui contient la solution**. Certes il restera à installer cette batterie dans le téléphone. Des ballons ! Euh non, déballons. Cette batterie est accompagnée de micro-outils forts sympathiques, mais dont la dangerosité ne m'échappe jamais. La notice est juste un lien qui dit qu'il faut trouver la notice du téléphone, qui ne dit rien d'autre que de faire appel au SAV. Une autre recherche, sous un autre angle, dit qu'il faut, dans les téléphones de dernière génération, trouver l'astuce pour les ouvrir. Malgré cela, un temps de 20 minutes seulement est requis, que j'ai dépassé par mes seules recherches.


Peur de rien, je n'ai. Et j'ouvre les emballages. Jolis les outils ! Ah ! La batterie dans un plastique, elle-même dans un plastique mou et noir, bien collant et bien protecteur. La classe ! Lui-même, comble du raffinement, inclut la petiote tirette qui va permettre de l'ôter sans peine. Comme les chewing-gum. Faut tirer comme un dingue ! Et bien sûr, ça casse. Le canif, alors ... Oukilé ?


Et bien sûr "ça" casse  


Je sens poindre progressivement un sentiment d'étrangitude bien connu .. Cette languette, bizarrement dorée de l'autre côté, servait-elle vraiment à ca ? N'était-ce pas, plutôt que pour ôter cette enveloppe, la connexion de la batterie ? Damned, je viens de rendre définitivement ma nouvelle batterie inutilisable.


Ca aurait pu être pire, évidemment. J'aurais pu passer une heure à ouvrir le smartphone d'abord, plus avoir à soigner des entailles aux doigts ... Voire j'aurais pu détruire le smartphone en essayant de l'ouvrir. Là j'ai tout flingué en moins de trente minutes. C'est presque de la productivité, je n'aurai qu'à le jeter.



* forme adverbiale du verbe intransitif "voilatyper", du 1er groupe, qui ne signifie rien. Alors qu'il devrait, il est payé pour ça.

** mélange homogène

*** pour les malcomprenants, ce n'est pas le surlendemain qui est dans la boite, mais l'enveloppe-colis, OK ?



dimanche 17 janvier 2021

Où un sanglier "débondit" !



Ayant mal dormi, je me levai ce dernier jour maigre avec des idées bleues dans la tête et une météo neigeuse et froide tout autour. Le petit message d'Erwan "pas mal d'invités ce WE, beaucoup de chiens … il me tarde" a pour effet quasi immédiat de réaligner les astres.

Je pars dévaliser mes voisins producteurs de fromage, je recompte mes 8 cartouches de 308 W et j'imagine des stratégies autres que la tenue de pêche "- 20 " pour échapper au froid annoncé.

7:01 le samedi. Il bien fait un froid de chat, je décide de porter des chaussures de glacier plus isolantes et grandes et grosses chaussettes. Au bout de 2 km, ça ne va pas. Non je n'ai pas marché 2 kilomètres, j'ai roulé deux kilomètres ! Je quitte les Asolo au profit de mes chaussures de marche habituelles tout en gardant les super chaussettes. Soixante kilomètres après, je déclare ces chaussettes définitivement trop épaisses et je repasse dans la configuration temps doux. Mais d'où exactement ? Car je suis passé de – 8° au départ à – 4° ou - 5°. Je pourrais remettre les Asolo sur chaussettes normales 30 km plus loin, mais ça ira comme ça, hein …


10:27 Arrivée à la cabane, je ne suis pas premier.
Deux chasseurs masqués m'y saluent. Arrivent encore deux ou trois autres. Je grignote un rien de saucisse sèche et de salers, puis nous nous retrouvons en plein air pour le rond de 11 heures. Nous devons être une belle quinzaine de chasseurs et à peu près autant de chiens, ce qui marque une nette rupture de la corrélation qui se vérifiait depuis les grands froids entre température et participation. Le biais aujourd'hui,  c'est les invités.

12:25 De mon mirador, où je fus récemment l'utilisateur malheureux d'une cartouche de contrebande (je manquai le sanglier😕), je domine le monde de plus d'un mètre cinquante, et je gave mon chargeur bien que je le soupçonne de faiblesse pour la montée des prunes. De toutes façons, il y a vingt mètres de traversée de la combe, et c'est la première balle qui compte. Deux équipes de chiens sont lâchées concomitamment sur deux pieds relevés par Erwan, pas très loin de mon poste. Un pied, c'est une trace, une odeur, bref une voie prometteuse relevée par les piqueurs aux aurores avec un chien de pied.

Si mes souvenirs sont bons, le premier lancer intervient presque aussitôt et un bon 70 kg emmène les chiens avec maestria ; Sylvain ne tirera pas en raison de la proximité des piqueurs et la menée va à la rivière Célé. Pendant que cette musique s'éloigne une seconde fanfare enfle et approche, je me retourne pour faire face, prêt à épauler, et ça approche, et ça approche …. Et « ça » sort pile où portent mes yeux. Le sanglier, 40-50 kg, bien noir, pas forcément un habitué des lieux, traverse à donf à 40 ou 45 m, accompagné de mon réticule. Je lâche une balle jugée parfaite dans un geste jugé parfait, au moment où le sanglier bondit vers la végétation. Il débondit mystérieusement, semblant faire le saut à l'envers … « Touché ! » me dis-je, en repensant à une chevrette qui avait débondi ainsi, privée il faut le dire d'une bonne part de ses entrailles par le projectile. Le sanglier se rapproche de moi, de l'autre côté de la combe, pour embouquer une autre draille.

La seconde cartouche a bien voulu monter, c'est confirmé par le bruit du second tir, mais pas par son effet. Je viens, à environ 25 mètres de tirer à nouveau sur le sanglier "forcément blessé mais qui ne le montre pas". Il prend une autre draille pour remonter dans la côte de Cuzals. Comment j'ai pu rater cette seconde balle ?  le point rouge du réticule était bien, j'ai appuyé à la perfection ... La musique formidable des adorables griffons traverse avec eux la lande et embouque la draille finalement choisie par le sanglier. Mais la meute s'arrête pour un ferme * soudain, qui ne bouge pas. Un ferme sans bagarre. J'avais donné "40-50 kg" au piqueur inquiet à la radio. Mais il est mort! Pas le piqueur, vous suivez jamais ...

J'en déduis qu'il a probablement deux balles, ce sanglier mort 30 ou 40 mètres après le second tir. Je suis sûr de la première balle, la seconde était à peu près immanquable. Je vérifie que mon montage de lunette est bien enclenché, qu'il n'a pas sauté, car il n'y a pas eu l'ombre d'une réaction au tir à 25 mètres...






13:05 Il n'y a qu'une balle dans ce sanglier, elle a percé les deux poumons. Et rien n'explique le rebond arrière du sanglier ... Jusqu'à ce qu'Erwan m'assure qu'il y a un muret sous la végétation. Ce sanglier, probablement peu familier des lieux, a emprunté une mauvaise refuite.

Mon succès doit beaucoup au pied d'Erwan, aux griffons enthousiastes d'un invité, et encore plus à un muret !

L'après-midi sera génial, de menée en menée après un buisson creux. Je suis longtemps aux Quatre Combelles, sur ma pyramide, face à la crête où se rapprochent ou bien s'éloignent des menées très chaudes. Un 4 x 4 d'une commune voisine vient faire demi-tour, d'autres véhicules amis des piqueurs passent 😡, et aucun sanglier ne descendra, alors que j'y ai cru souvent. Quatre ou cinq chasseurs auront des occasions de tir.

Quinze balles tirées en tout pour la journée, pour un unique sanglier mort. Super débriefing empreint d'une exceptionnelle bonne humeur d'avant COVID, et la route.


Mais ce n'est pas terminé, la suite est sans débond, rebond ou faux bond cette fois, mais avec petite mort, dé-mort, et re-mort. Mais avant cet autre week-end,

entre le début de la semaine précédente et le fond du garage, j'avais épilé la teste du joli petit mâle au chalumeau , moultes fois brûlé et brossé. Avec un désherbeur thermique à gaz, et une lampe à souder pour finir. Mais il n'avait pas parlé, le bougre. Le pâté de tête par contre, s'est exprimé au mieux. J'en craignais un goût d'hormones - c'était un garçon, c'était janvier- et il a été un chef-d'œuvre d'équilibre. J'avais ainsi franchi l'étape du feu sans me brûler, l'étape du partage en quatre de la hure à la hache sans me blesser, l'étape de la cuisson sans m'ébouillanter ... Quatre bocaux stérilisés, deux petits saladiers de délices étaient autant de drapeaux flottant sur une victoire totale et sans pertes.

Fallait-il dans ces conditions risquer mes extrémités jusque là préservées, et m'attaquer à un montage sur écusson des grès et des défenses ? Qui commence par un démontage, une opération périlleuse qui fait hésiter les plus grands chirurgiens … Les encouragement facebouquins m'y poussèrent, une défense craqua 😕 , l'autre pas 😊 , et les grès vinrent de bon … Oui, c'était facile. M'enfin, c'était presque bien, hein. Mon sens artistique me disait que ce rondin qui trainait par là était parfait … et comme ma tronçonneuse trainait aussi ... Arf ! Blanc sur blanc, même si le pouer  (mot breton pour cochon) avait une hygiène dentaire discutable, ça n'allait pas …

Je trouvai dans mes affaires de chasse une fiole d'un produit à colorer les bois, acheté autrefois pour une crosse de Mauser dont je fis finalement du feu. Teinte plus rougeaude que brune. Mais bon. Enfin, lampe à souder et colle à chauffer pour consolider les dents, et pour les fixer à leur support. J'étais plutôt content mais les avis sur l'œuvre se sont trouvés sacrément partagés, entre moi qui trouvais ça pas mal du tout et le reste du monde qui jugeait la chose ratée par la couleur, ratée par le collage, raté par le choix du non-ponçage du bois. Dégueulasse, en fait, pour faire court. Tout' façon, ce sera dans une pièce que je suis seul à fréquenter. Mon pouce entaillé est la seule chose sur laquelle on s'accorde.

l'œuvre artistique contestée mais qui conservera la mémoire de ce sanglier


Et ce samedi, après deux semaines à laisser refroidir le canon, je retourne dans le Lot joli, adoré et arrosé comme jamais.

Et je franchis d'abord l'inondation de la rivière Cère dans de grandes gerbes d'eau, comme une bande de jeunes bouffeurs de chewing-gum à moi tout seul. J'avais prévu pour la suite un équipement de quasi scaphandrier tant le ciel tombait. Nous nous retrouverons à sept nains jaunes ou huit seulement, tous piqueurs ou faisant le pied en gros, sauf moi. Je suis donc le seul à être encore totalement sec à onze heures quand nous faisons le rond.

Par chance, plusieurs pieds ont été trouvés dans une zone restreinte. Vers Soulhol, si vous voyez. Pas loin des Quatre Combelles, ma pyramide, d'où je manquai un sanglier dont le rire moqueur retentit parfois dans ma mémoire.

Deux menées empaument des voies différentes me semble t'il *. C'est féroce sur ma droite, à 300 ou 500 mètres, difficile à dire avec le casque amplificateur, peut-être plus près, et c'est discret, mais stable au loin. Et P...de m..., un 4 x 4 de piqueur passe sous moi :evil: . Comme c'est un invité, ma colère se mue en simple énervement, ses chiens mènent assez loin d'ici si c'est eux que j'entends …Trois coup de 300 W violents éclatent, les deux derniers se touchant, là où les chiens étaient les plus crieurs. La radio annonce qu'un beau sanglier mâle est tombé. Bien armé, il se relevait, le re boum-boum était pour préserver les chiens. Il reste au moins une menée, assez loin encore, et Erwan à la radio, lance bientôt un " Attention au 4 Combelles !". Gloups, c'est moi ! Je me pose sur la marque rose au sol faite par Laurent, qui établit the place to be, et je suis là frétillant, inquiet, attentif … Où va t'il sortir ? Il doit bien s'écouler 15 minutes avant que ne jaillisse à quarante mètres une bête de, mais sans compagnie ***.

Où ça se passe


Mon tir en fort surplomb intervient à trente-quarante mètres et semble mortel... jusqu'à ce que le petit bestiau qui me paraissait sur sa fin, se relève et prenne la poudre d'escampette : je fais causer la poudre d'escopette, et la seconde balle 15 mètres plus tard le foudroie. La première est entrée en haut de l'épaule et ressort nettement plus bas un peu en arrière, et c'est surprenant qu'il ait pu repartir, la seconde est à l'arrière du crâne. Les balles monométalliques manquent parfois d'immédiateté, mais pas dans le crâne.



Les chiens sont arrivés à la mort


On remettra les chiens sur les pieds, sans lancer d'autres sangliers, et la dernière traque, je devrais l'abandonner à seize heures, car à dix-huit, le Kodiak se transforme en citrouille.

* Il y a ferme quand le sanglier blessé ou pas fait face aux chiens. Un moment redouté pour les chiens.
* ne pas trop se fier à mes impressions.
*** la bête de compagnie a de 6 mois à un an, vit en général dans une compagnie.