Nombre total de pages vues

jeudi 31 mars 2022

Du temps qui passe

 

ou  Comment devenir un vieux con misanthrope ?


Devenir un vieux con, c'est du boulot, et il vaut mieux s'y prendre jeune.

Je n'avais fait que des études supérieures éclair, et c'est un accident de santé en 1979 qui m'y reconduisit pour deux ans. Je tenais juste debout et je souffrais beaucoup, et j'allais forcément perdre mon emploi au bout de six mois au tapis, dans cette coopérative agricole. Personne ailleurs ne m'aurait embauché pour quoi que ce soit dans l'état où je me trouvais. Alors autant essayer de faire quelque chose d'utile.


Je lançai une inscription et je fus retenu pour septembre dans un institut de formation privé. Mais impossible de faire les 100 km en voiture ; je repoussais donc de semaine en semaine en craignant d'être jeté. Par chance il n'y eut pas d'autre candidat, ou bien on n'en chercha pas. C'est probablement fin octobre que je trouvai assez de force et que je repartis pour un BTS techniques agricoles, convaincu ou plutôt vaincu par le conseiller du pôle emploi de l'époque ; je voulais plutôt « commerce », mais je n'avais guère la gnaque pour discuter.

Dès que les dés avaient été lancés, j'avais cherché quelques bouquins d'agronomie si bien que sur certains domaines, j'étais en avance à mon arrivée.

Tout cela marcha, c'est l'adorable Nicole quelques mois plus tard qui remarqua que j'avais ri pour la première fois.  Un peu de mieux donc dans cette douleur et ce combat affreux que je menais. Chaque semaine, je devais arriver le dimanche soir car deux heures de route le lundi matin m'auraient mis HS pour la journée. Il me fallait vingt ou trente minutes pour parvenir à quitter seul mon pull-over, dans ce château lugubre où j'étais seul le dimanche soir. J'en pleurais pour de vrai. Tout le groupe était à mes petits soins et mon humour revint dès que je fus moins mal.


C'est comme ça que j'obtins mon diplôme en 80, et que j'atterris dans le Cantal, juste pour deux ou trois ans dans mon esprit. Mais jusqu'à aujourd'hui en réalité, 40 ans plus tard.


Premier job merveilleux dans le Cantal, je suis à gauche, bras levé


Chacun des 18 ou 20 copains et copines de la promo mena sa vie ensuite, de la banque aux phytosanitaires, de la police à la ferme, de la prison au conseil agricole ...

Au bout de dix ou quinze ans, les liens se distendaient et le meilleur d'entre nous s'échina à créer une rencontre festive des anciens de cette promotion tous les deux ou trois ans, ce qui marcha d'abord moyennement avant de devenir un moment attendu pour une petite moitié du groupe.

Il y a 4 ou 5 ans je n'y fus pas pour épaule en bouillie, et l'an dernier non plus pour état de délabrement avancé, en attente de réparations délicates.

Et « ils » ont décidé que si je ne voulais pas aller vers le sud-est - où presque tous se trouvent - le sud-est viendra à moi en 2022. Hein ?

Tout cela a tourné à nouveau dans ma tête à la lecture d'un message sur un forum me proposant une nouvelle rencontre de chasse... Comme à l'annonce de cette rencontre d'anciens de promo, j'ai éprouvé d'abord une certaine gêne, un peu de sidération ... Quoi ? Moi ? Dans cet état ? Z'êtes sûrs ?

Il se passe dans les têtes des déglingués des choses étranges. Des tas. Par exemple j'ai cessé d'aller à la bibliothèque pour ne pas croiser des collègues d'autrefois que j'aime pourtant beaucoup, et je ne veux pas m'exposer à des personnes qui penseront quoi ? Et comment je leur dirais exactement ce qu'il en est ??  Le pourrai-je, d'ailleurs ? Il faut bien l'admettre, je me cache. L'Université inter âges, les réunions diverses, c'est terminé.

Je deviens à grande vitesse un anachorète qui se livre à l'art épistolaire, encore un peu. Mais comme je trouve que je me livre trop, et en général, je ne publie pas ... C'est ballot ; romancier c'est sûrement mieux.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de réagir, mais avec douceur et courtoisie.