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mardi 9 octobre 2018

l'hiver sera rude


L'hiver sera rude. Il sera même sans pitié. Deux choses me l'ont rappelé ce lundi matin alors que je finissais juste d'étirer mes vieux os rouillés. Et les vieux qui ont ces os-là ne se trompent pas toujours.

Le fioul à 96 centimes d'abord !!! Le baril ? Le gallon ? Non, le litre ! On en est presque à souhaiter que les pauvres soient aussi SDF car à ce prix là, ce sera nouilles ou chauffage, pas les deux. Alors autant profiter du plein air, non ? Notre président a un plan pour ça, je crois ; il ne faut pas s'inquiéter. Sauf bien sûr si on est pauvre.

Puis le grillon.

Adorable grillon 


Je dois avouer à ce stade du récit, pour la compréhension de la suite, que la serpillière, c'est moi ... Je ne veux pas dire là par qu'on doit ramener ma personne toute entière à cet ustensile (on fait comme on veut, hein), mais que c'est moi qui ai la lourde charge, chaque lundi, de traiter tout le rez-de-jardin. Ma femme a généreusement renouvelé mon équipement, et je dispose d'une sorte de paquet de spaghetti bleus au bout d'un manche, avec le seau de la même couleur. Je peux même choisir entre du savon noir et d' autres produits écologiques. Je suis ainsi presque un cadre du nettoyage des sols d'un rez-de-jardin, quand je songe à mon degré d'autonomie et à la confiance accordée par mon épouse.


Alors que j'atteignais la salle de bain, prêt à laver le sol, juste après le choc du prix du fioul, ma serpillière-spaghetti en main, je me suis trouvé en présence d'un adorable grillon. Tout le monde n'a pas cela dans sa salle de bain. Ici, en dépit de la sixième extinction, des centaines de bestioles volantes sautillantes ou tissantes passent du jardin à la maison quand elles démontagnent. Elles sentent l'été fini. On ne compte pas les mouches qui cherchent un petit chez soi chez nous, ni les punaises, ces horreurs capables de rendre spéciste le plus rigide des vegans.

C'est assurément le signe d'un hiver très rude, comme en 56, ou peut-être pire ! Les grillons, ces adorables bestioles qui accompagnaient mon pépé à la pêche aux chevesnes après le temps de la récolte des pommes de terre, ont un chant (stridulation produite par les élytres) qui évoque pour moi les soirs de l'été bressan quand il y en avait un. Souvent certains chantaient tout l'hiver quand ils avaient trouvé un fournil agréable : été permanent, farine et miettes à foison. Leurs Seychelles, leur Polynésie. Il paraît qu'il en est dans le métro, qu'ils s'y nourrissent préférentiellement de mégots. Fumez sans filtre si vous aimez les bêtes.

Mais me voilà assailli encore par une lourde responsabilité, assurer un hiver heureux et stable à un petit grillon d'intérieur.  Chantera t'il ?  Fripouille le chat le laissera t'il vivre ?



Perdu dans mes réflexions, j'allais éteindre et m'endormir quand j'ai vu une hénaurme araignée au plafond, au sens premier. Grosse comme le bout de mon doigt. Oui, celui-ci. 

Nous les ploucs, on est toujours en retard d'une extinction.

Il a même fallu allumer le chauffage.

samedi 25 août 2018

Le jour du loup

Ces mois et juillet et d'août 2018, une vingtaine de brebis ont été prédatées dans les Monts du Cantal, et le loup est soupçonné. Peut-être les prémisses de l'enfer sur terre pour les éleveurs comme le connaissent quelques Lozériens et Aveyronnais, tous pays comme le mien, où les herbivores domestiques sont bien plus nombreux que les bipèdes. Cela me renvoie à un souvenir d'un peu plus de dix ans ...

C'est dans le Cantal que l'état paya la dernière prime d'abattage d'un loup à Monsieur Antoine Frescal qui apparaît sur cette photo tirée d'une archive personnelle de Madame Combelle, parue dans le journal La Montagne en 2013. C'était à St Jacques-des-Blats en 1927.




Soixante-dix ans après, ce 26 décembre 2007, entre chien et loup, j'arrive au village. Il bruine par moments sur un sol froid, le ciel est bas. Il caille, c'est nauséeux. Pas de bol, le seul jour douteux de la semaine, et je l'ai choisi. Nous jumelons vers les pentes pour trouver des mouflons, sans succès, puis nous cherchons des chamois, sans succès. Les nuages nous masquent des pans entiers de montagne. Vers dix heures trente, première éclaircie. Ce sera chamois, finalement. Eterlou ou cabri, ainsi en décide le tirage au sort. Cela fait quatre ou cinq fois que nous revenons bredouilles, du jamais vu… Mais aujourd'hui, mon partenaire est décidé à aller loin. Nous attaquons à mi côte, côté Santoire, avec en prime un bracelet de chevreuil qui m'est destiné, si jamais …

Notre trajectoire peut nous emmener si c'est nécessaire jusque sous le sommet du Peyre Arse. La neige est juste parfaite, un peu dégelée en surface et compacte, ce qui évite en général de descendre jusqu'au genou dans les accumulations. Je creuse des trace profondes de dix cm au maximum et nous pouvons souvent poser le pied sur des touffes d'herbe émergentes. Nous dahutons dans une zone où l'on pourrait trouver chamois ou chevreuil, sans apercevoir d'animal. Nous allons très doucement. En face de nous, Seycheuse se libère par instants de sa coiffe de nuages. Il devient évident que nous allons devoir aller au premier « ruisseau » ou souvent un chevreuil … Mais il n'y est pas et nous poursuivons.

Le col de Cabre à son tour se libère des nuées et le soleil semble se décider à participer. Tant mieux. La température décolle un peu malgré notre lente élévation et la neige tassée est encore parfaite pour la marche. Et bientôt nous découvrons le cirque du col de Cabre. Nous jumelons en vain. Nous jumelons sous Bataillouse pour trouver une chevrée … Pas un point noir dans la neige. Pas un chevreuil dessous nous non plus, nous sommes damnés. J'ai bien fait de me régaler les yeux du groupe de biches sous Seycheuse tout à l'heure, la montagne paraît vide. Pause céréales, je broute une ou deux barres finement cuisinées, accompagnées d'une eau de source d'un grand cru. « On monte un peu ? » suggère Thierry. Ses bottes ne sont plus toujours assez hautes, c'est bien fait pour lui si la neige y rentre un peu, je ne parviens pas à le suivre quand même. Mes mollets me brûlent bientôt au bout de trois pas. Mon bâton de marche refuse parfois de s'extraire de la neige. Nous allons vers un rocher et là Thierry suggère bien sur de continuer à monter… Je le maudis et je le suis. Puis, de misère en souffrance, j'arrive deuxième à la crête. Bonne place, second, la place d'honneur. Tiens les paysagistes on enlevé la neige. Le sol est dur comme la pierre. Plaques de sol gelé, glace, neige, soleil. Même pas froid malgré le petit vent. Nous ne pouvons pas aller plus haut, alors … nous allons plus loin. Le sol enneigé est à la limite de la glace parfois, il faut choisir ou poser le pied. C'est beau et nous touchons le Peyre Arse du doigt. Petite pose. Et nous avançons encore … et Thierry se baisse soudain. Je l'imite. Une petite chevrée de quatre ou cinq animaux est à quatre cents mètres de nous, en direction du sommet. Nous tentons l'approche mais aussitôt les chamois détalent. C'est à n'y rien comprendre. Je sursaute soudain.

Tout près du Peyre Arse



Un loup est apparu dans mes jumelles, expliquant, d'un coup d'un seul le comportement inhabituel de notre gibier depuis le mois d'octobre. Un loup, merde ! Magnifique, évident, il avance tranquillement vers nous qui ne bougeons pas d'un millimètre, il escalade un énorme rocher et se couche dessus, royal. De White à Wolf Hunter, je fais la transition et il est dans ma ligne de mire à 1750 mètres d'altitude, à une distance de 380 mètres. C'est loin, mais c'est mon anniversaire … Il y a bien longtemps qu'un cantalou n'a pas eu en joue un loup. Le dernier qui fut tué officiellement le fut à St-Jacques-Des-Blats, en 1927. Mais il n'y a plus de prime, et je garde ma cartouche, en bon Auvergnat. 

Le retour sera difficile, selon mes moyens physiques bien usés, et inquiet pour l'avenir de mes chamois.  La neige est fortement gelée. Nous n'empruntons pas le chemin habituel car il s'avère trop dangereux. A un moment, lorsque nos descendons une congère à quarante-cinq degrés, je prie Diane de veiller sur moi… Mais la neige devient impraticable, trop dure, et je chute sur cette surface glacée, et je m'agrippe de justesse au dernier piquet de clôture qui passait par là. Thierry me sort de ce mauvais pas puis part chercher mon bâton de marche qui s'est échappé. Il ne pourra pas remonter ! Il poursuit donc son chemin par le bas tandis que je chausse les crampons pour les derniers huit cents mètres. Le soleil se couche quand nous arrivons à la voiture.

mercredi 22 août 2018

Hypoacousie et chiens courants

Je chasserai à nouveau sur le causse cette année.  Pour fêter cette bonne nouvelle, rien de tel que mettre en tête de blog un souvenir déjà ancien de sept ans et des images attachantes ... Atteint d’une surdité déjà marquée, la Faculté m’avait recommandé le port du casque amplificateur pour profiter des bruits de la nature, mais aussi une petite cure de chien courant. 

En effet, la composante psychologique de l’hypoacousie ne doit pas être négligée : le patient ayant dans sa vie entendu trop de choses navrantes proférées par des malcomprenants cherche à survivre, y compris en se mutilant, tel le renard pris au piège … De la musique au mélomane, du chien courant au chasseur, du silence au mutique sont donc indiqués pour cette dimension du problème.

Le causse en hiver, la saignée du Célé ...


Des sons harmonieux et émouvants, tels l’opéra, les grands courants, ou même une rumeur de stade de football dans le cas des débiles profonds, peuvent entraîner des améliorations importantes de l'audition. Ordonnance en poche, j’arrive ce samedi à la clinique de Sauliac sur Célé, qui soigne également l’étisie et la perte d’appétit de façon préventive, ai-je appris, et tout cela par le biais de médecines douces.

Discussion entre experts


J’y suis accueilli agréablement par le maître des lieux et l’équipe médicale. Je salue Flash, Fada, Bambie et euh … Non, on n’y soigne pas encore les problèmes de mémoire. Eh oui, ils pourraient sans doute le faire, mais je me rappellerais alors de choses navrantes qui … etc.

Et hop ! Solide casse-croûte et c’est parti pour une première séance de stimulation sensorielle, toute en douceur. Un peu trop même, les chiens donnent à peine et fort loin de moi. Mais une seconde séance est proposée avec la musique douce des chiens sur la voie, qui ne parviendront jamais à lancer. Je suppose que c’est pour éviter un choc trop fort et un possible blocage du patient. Quelle maîtrise !

Un léger en-cas précédera une nuit réparatrice. Légère omelette aux truffes, léger chevreuil à la Erwan, légers canard, fromage et dessert. J’ai les dents du fond qui baignent et je rêve agréablement de chiens qui mangent, et ceci sans supplément, car c’est compris dans la cure.

Saut du lit à nuit noire et ? et ? et ?? ….. Et casse-croûte pardi ! Avec les piqueurs : Laurent, Christine, André, René, Bernard ? (j'ai un doute ...), Guitou … Devant une cheminée évidemment, dans une chaumière bio-climatique laissant passer un fond d’air très frais dans la pierre sèche ( il fait moins 8 ). Soupe, charcuterie, fromage, tarte, café, poire. Pour les fruits qui ne supportent pas le gel, ils sont servis sous une forme liquide ET concentrée. Une performance. Et nous voilà partis pour deux petites heures de promenade, où les traces visible sont de quelques jours au moins. Puis solide casse-croûte, rond, et on lâche. 

Pendant le pied, une petite pause caline s'impose


Pas concluant, le premier lâcher, et les chiens sont récupérés et mis sur un autre pied, qui s’avère fécond.

Une superbe menée démarre et vient à moi, passe à une centaine de mètres. Dix-sept chiens courants, de pays, griffons nivernais, gascons, me rappellent comme c’est beau, la chasse sur le causse. Ma carabine en frémit encore. La voix phénoménale d’un piqueur se sur imprime sur la menée – suis-je guéri ? - « attention, laie et petits, ne tirez pas … » 

C’était superbe. Nous laissons passer puis nous devons récupérer les chiens. Nous craignons pour les laies (petites) et les marcassins. La ronde des 4 x 4 est lancée et j’assiste à la performance de Laurent et Erwan qui récupèrent chacun plusieurs chiens déchaînés quand nous (je n'y suis pas pour grand-chose) parvenons à couper la menée. Une douzaine de grands courants, magnifiquement groupés avec une musique d’enfer arrivent à nous. Trois réussissent à passer. J’en tiens un moi-même et en suis fort fier.


Retour au local à la nuit tombante, où les piqueurs se retrouvent après ces deux heures de recherche des chiens, tous récupérés. Autour d’un dernier verre avant de repartir chacun vers nos occupations, ou pire, nos préoccupations. On est bien. Une petite voix me dit qu’il est temps de partir, que je distingue parfaitement dans le bruit des conversations. Les progrès sont ... éloquents. 

samedi 11 août 2018

Sur le Causse de Limogne

Je suis allé chasser loin au sud. Un sud du Lot qui semblait être le sud de tout, avec 35 degrés et des nuits à la limite du confort. Au-delà, il y avait probablement quelques dunes brûlantes, puis c'était la mer en ébullition. Mais je ne suis pas allé voir, il faisait si chaud.


La Vallée sèche : Au milieu ne coule aucune rivière 

Malgré quelques soucis finissants de Maladie de Lyme et d'autres à leur commencement, j'avais décidé de quand même  profiter d'une proposition de chasse au brocard au sein d'un petit groupe de copains, en un endroit  réputé pour sa population de chevreuils. Seul, je serais resté au frais à me plaindre de mes misères…Mais au frais. Deux heures de route nous amènent au bord du Quercy blanc, sans doute nommé ainsi parce que chauffé à blanc. Je découvre que notre gîte est équipé d'une piscine. Après un réhydratant mitonné par Monsieur Heineken et servi par René, notre hôte, nous prenons une légère collation à base de crudités auvergnates, lesquelles comportent au minimum jambon cru, saucisse sèche, et fromages au lait cru. Et c'est parti pour la première chasse du soir.

Car c'est pour tirer un brocard au temps des amours que je suis venu. Quelques journées de plaisir cynégétique qui me permettront d'emporter de quoi mitonner quelques moments de plaisirs gastronomiques, si Diane le veut bien. La chasse d'approche - marche lente- , et d'affût -immobile au sol ou perché dans un arbre ou sur un mirador- est productive au lever du jour et le soir jusqu'à la nuit.

C'est une région calcaire d'aspect aride en été, aux rivières invisibles et à l'eau très rare en surface. Les murets de pierre sont innombrables, jusque dans les forêts nées du départ des hommes et  de leurs bras. De nombreuses cazelles, ces cabanes de pierre, y existent encore, parfois en bel état. De 1870 à 1945, la population du Lot avait fondu, une émigration vers l'Amérique du sud avait aussi existé avant la grande guerre. Moutons et céréales devaient se partager ces terres autrefois. Il reste peu d'agriculteurs.

Une jolie cazelle rattrapée par la forêt

Aujourd'hui, la déprise agricole y fait rage, au grand dam des espèces sauvages, j'imagine, car à cette saison on les trouve dans les parcelles exploitées : les chaumes sont visités par sangliers, chevreuils et palombes, la luzerne attire les chevreuils. Les prairies qui n'ont pas vu de faucheuse depuis quelques années semblent désertées à cette période.

Ce premier soir, nous prenons un chemin quelque part, à moins d'un kilomètre du gîte. Plus de trente degrés encore. Je renonce aux gants, pas à la cagoule. L'équipement « résille » de Gilles est affriolant pour la biche et le sanglier, paraît-il. Le brocard avec lequel rendez-vous avait été fixé par mon guide  me pose un lapin qui lui-même me fait faux-bond, pour dire à quel point il n'est pas là … Seule  son amoureuse, accompagnée du produit d'une liaison passée me tient gentiment compagnie toute la fin de soirée. Si Monsieur n'est pas du soir, du matin il sera, me dis-je.  A demain donc ! Gilles observe de son côté chevrette, (trop)  petit brocard , biche et son faon, sanglier et glière. Ça fait beaucoup pour un seul homme, même si sanglier n'est pas cent gliers.

Je dors du sommeil du juste-qui-a-trop-chaud jusqu'à cinq heures et quelques minutes. Et retour au même endroit, avec la même observation … sauf le chevrillard qui fait la grasse-matinée, le veinard.  Je suis logé sur une chaise d'affût à laquelle ne manque qu'un compartiment réfrigérateur et une climatisation. Et un monte-échelle Astana, tant qu'on y est.

Toujours autant d'affluence autour de Gilles qui veut un renard ou un beau brocard … et voit tout le reste. Comme il ne fait que vingt-X degrés - il faut un X majuscule-  nous visitons après la chasse ce vaste monde désert, pour des repérages encore possibles à cette heure. Il est environ 9 heures.
Nous nous arrêtons près d'une combe fraîche d'apparence, semée de luzerne, pour y jeter un œil. Un brocard y fait sa cour et la belle lui cède sans barguigner en présence de deux magnifiques chevrillards qui jouent gaiement. Je ne pense même pas à faire de photo, tant la scène est superbe. Gilles installe pour moi la chaise d'affût en fin de matinée. Nicole et Marc nous rejoignent, et l'équipe est au complet.

Vingt heures et un brin, je suis sur la chaise ; il fait chaud, chaque souffle est une bénédiction. Un piaf de marque indéterminée vient partager mon arbre ; camouflé comme je suis il sera un temps sans me voir.  Vingt et une heures, rien … Il faut peut-être que je bouge, aller voir la parcelle d'à côté ? Que non, un chevrillard apparaît dans mon champ de vision - qui est de luzerne aussi - puis sa maman, puis le joli garçon. Photo-je ? J'ai peur de perdre cette occasion et ma carabine me tend la crosse... Un peu plus de cent mètres, de profil,  je repère sa position au mieux, je vise la base du cou.

Sur la chaise d'affût 

Je ne  vois que du jaune orangé au tir, pas d'animal tombant ou fuyant. Madame, après avoir sans doute pesté contre le tonnerre ou les feux d'artifice, continue à manger à vingt mètres de l'emplacement de son prétendant, et le chevrillard à mener sa vie. Le mâle doit être tombé, car sa fuite aurait alerté sa belle. J'attends dix  minutes, la chevrette est enfin au bord du champ, je descends l'échelle et je vais à la recherche de mon animal. Je me dis que j'aurais dû tirer au thorax car… je l'ai raté ou quoi ? Ouf, il est là, tombé dans ses pas. Je me reconnecte avec le plaisir de la belle prise et du tir parfait.

Pendant ce temps, à un kilomètre de là, la chose se passe moins bien pour Nicole. Le chevreuil titube … et s'enfuit.  Morosité. Le lendemain matin, je dépose Gilles à la recherche d'un renard ou d'un beau brocard, puis je file vers ma nouvelle adresse, espérant observer plein d'animaux, et tirer éventuellement un renard. Rien sur le chaume, je descends de la chaise et je pirsche tranquillement, quand je suis averti  par Gilles qu'il a tué un brocard. Congratulations. Nous revenons au gîte juste pour voir le départ de Nicole et Marc vers leur recherche au sang. Les Lotois sont magnifiquement organisés pour ne perdre aucun gibier.

Le chevreuil sera mis sur pied en une heure et pris par le chien de sang (Rouge de Bavière, ou Blanc d'Alsace, je ne me souviens guère). Balle de sternum en séton. L'objectif des trois chevreuils est atteint, Nicole fête son premier brocard à l'approche et nous quitte ensuite, avec Marc. Pour Gilles et moi, un peu de visite du territoire, et retour dans mon arbre en soirée. 

Gilles m'a initié le jour-même à la chasse du renard aux appâts, traînant la peau du brocard et dispersant quelques entrailles sur un chaume connu pour l'existence de terriers proches … Un renardeau ne manque pas de venir, et je ne le manque pas non plus. Le lièvre abonde dans cette zone et les responsables de la chasse  nous demandent de tirer les renards autant que possible.


Images du Quercy


Et puis c'est le dernier matin de chasse, après une nuit très chaude. Au sens premier du terme, évidemment. J'arrive presque au pied de l'échelle, quand une forme noire apparaît : un sanglier. C'est merveilleux, je l'observe à loisir en train de glaner, je le photographie comme je peux, sans lumière. Une forme noire traverse l'objectif. Marcassin ? Non renard. Il est très mobile et j'ai du mal à le tenir dans le réticule de la lunette, carabine sur le double bipied "4 stable stick". Grande flamme. Ni chute ni fuite observée … Sans doute mort ? Je ne le trouve pas. Donc manqué ? Je suis consterné, car je n'aime pas le doute qui suit un mauvais tir. 


Je pars chercher Gilles pour démonter la chaise d'affût, et nous trouvons ensuite au grand jour sans problème les deux renards. C'est une femelle adulte, elle est tombée dans sa trace. Je marche de travers, mais je tire  droit encore ... 

Le tableau de chasse du groupe

mardi 22 mai 2018

White Fisher

Modeste chasseur je suis ... et bien plus pauvre pêcheur encore.  Je fus surtout observateur. J'ignorais tout des pêches d'amateur qu'on peut faire en Corse avec un bateau ... si on a le talent et la connaissance d'un vrai piscadoru (pêcheur, en langue corse).



Captain JN à la manœuvre, Ajaccio.
Le joli  ketch, auquel j'avais goûté, a été remplacé par un petit 18 pieds (5.8 m) bien motorisé au cockpit généreux. Un autre monde aussi. Ça teufteuffe dur, ça avance un peu mou, mais bien plus vite que le voilier.


Bon, un pointu eut été davantage couleur locale, mais à patron-pêcheur donné, on ne regarde pas les dents !



Joli pointu photographié à Sagone



Pêche à la plume d'abord, une initiation. Madame me laissera peu la ligne, tant son goût pour la cueillette est naturellement recyclable dans la prédation. Des oblades destinées à la poêle ... pour celles qui ne seront pas nécessaires pour appâter.


Première prise, une oblade



Car il s'agit d'abord de récupérer des filets d'oblades pour des palangres, et des oblades vivantes pour taquiner le denti, un poisson qu'il est est gros et qu'il est bon. Certains peuvent trouver la pêche au vif un rien cruelle, mais il s'agit en fait d'une promotion fabuleuse pour une oblade ! Jamais avant elle n'aurait osé rêver de s'attaquer à un denti ou à un barracuda. Non, ne vous attendrissez pas ! Car si vous tombez définitivement du bateau, des oblades viendront peut-être vous bouffer quand le temps ... vous aura attendri.

Le lendemain matin, à une heure encore sauvage, des sars sont pris, mais aucun pagre, et un beau barracuda, manqué par la gaffe, brise la ligne et s'échappe. Consternation. Le soir, en bon naturaliste, je crois remarquer un étrange effet du milieu marin sur l'homme ... Mais non, finalement, ces écailles s'étaient juste collées sur mon mollet. Ouf !


Et c'est reparti le jour d'après, pour une pêche aux oblades, puis des palangres tendues sur fond sableux nous donneront des vives et un lézard, un poisson à l'étrange gueule, à l'étrange couleur de lézard. Juste comestible, contrairement aux vives qui sont un délice.

Le lézard et deux vives




le menu du jour sera servi à 500 m de fond ...
La gradation de nos pêches à la palangre se poursuit pour nous hisser au plus près des sommets ! En fait, des grands fonds ... Je n'imaginais pas qu'on pouvait descendre des lignes entre cinq et six cents mètres de profondeur. Eh bien si, et avec des hameçons gros comme ça et des appâts du même bois.  La pose est très longue, sophistiquée presque. L'avantage est qu'on peut pêcher de jour, car à cinq cents mètres les poissons restent actifs. Mais il faut quand même se lever tôt, selon mes critères.



quelques raies seront capturées



Relever ... Un petit treuil électrique aide à relever le plomb de la première bouée, plus de cinq cents mètres, c'est dur, le petit treuil souffre, et il ne faut pas casser,  la résistance n'est que de cent trente livres, environ soixante kilogrammes. Ouf, on tient le corps de la palangre, bien plus costaud, aux hameçons très éloignés les uns des autres. "Poisson", dit soudain JN ! et un premier requin de petite taille, suivi d'un autre. Et enfin une raie !  C'est un instant magique quand on commence à distinguer une forme sans savoir encore ce que c'est !



La plus belle prise ...


Puis une autre raie, un autre requin encore, deux congres, dont un de 10 kilogrammes, une dernière raie. Encore la seconde bouée et ses six cent mètres à relever. Le tableau est de trois raies, un gros congre, le reste est rendu à la mer.

Une bouillabaisse plus tard, je découvre la palangrotte pour une pêche de poissons de roche, pendant que deux palangres nous livrent quelques pièces aussi, dont une murène et deux pagres. La traîne à l'appât ne donnera rien.



Murène, pagres, girelles et jesaisplus !


De si beaux moments corses qui me donnent envie de reprendre modestement la ligne.

lundi 23 octobre 2017

Gentille alouette et autres délices d'automne

De chasseur j'avais perdu l'âme ce printemps. Je croyais la chose impossible, mais nous sommes si peu de chose. C'est en traînant la patte, dans tous les sens du terme, que j'ai rempli mon congélateur de deux chevreuils en août. Car l'hiver sera rude. Ou pas.

Puis le désir de chasse est un peu revenu, et j'ai surtout observé, et un peu tiré,  mais à côté d'un sanglier, à côté d'un mouflon. Les chamois, j'avais juste regardé. Vieillir est une  sale affaire, mais cela me semble la moins mauvaise pour l'heure. Et puis vint cette invitation au pigeon, et, de pigeon en alouette, le chemin n'est pas long.

Manque de chance, un Corse évadé de son île et caché en Lozère un temps a réussi à rejoindre le Cantal. Où je l'ai accompagné pour tirer un éterlou. Puis j'ai voulu poursuivre son éducation en lui apprenant à tirer l'alouette. Mais, cet éterlou à peine refroidi, j'ai dû conclure que mes méthodes de rangement ne me permettraient pas de retrouver l'appeau à alouette que je croyais pourtant raccroché à jamais au bois d'un grand cerf, dans mon repaire sous le toit. La migration peut-être ? Les appeaux aussi ? La chasse se fera sans cet indispensable outil, ce qui nuira à la productivité sur ces labours nus sous ce vent sévère. Je ne tue que deux alouettes mais je reviens avec neuf, et deux grives musiciennes. Choisir ses amis est une règle de ma vie.


Où vécut l'osso-bucco


Dimanche, alouettes ... Quatre par convive plus une grive mise à cuire trois minutes plus tôt, dans du lard demi-sel en petits cubes et un rien d'huile. Du beurre pour griller les tranches de pain à la poêle. Armagnac pour déglacer la cocotte. Le nectar réduit arrosera les alouettes sur leurs croûtons gras et parfumés. Un rien de sel peut-être -attention à l'effet lardons- et poivre. Et treize minutes de concentration. La meilleure bouteille de vin rouge de la cave est un cahors, cuvée Proebus du Clos Triquenida de 2002. La der.  Ce n'est pas vraiment dans les tarifs d'un retraité de l'agriculture.

Un joli drilling, six alouettes et un geai des chênes


Le plat, qui succédait à un fameux filet de chevreuil lozérien le samedi, sera un pur délice. Il précédera un magistral osso-buco de chamois le lundi. Il y a des moments comme cela dans la vie d'un chasseur.

Alouettes rissolant dans la cocotte


dimanche 1 octobre 2017

Scandales agricoles

Si je me fais lanceur d'alerte, alors que je ne le suis guère moi-même, alerte, c'est que l'heure est grave : on épandrait  de la MERDE sur nos pâturages et dans nos champs comme promesses avant les élections. Voui, de la merde, de la M.E.R.D.E, sur les légumes et l'herbe que mangent nos vaches et nos enfants, sur les céréales dont nous ferons du pain ...

On avait beaucoup parlé avant cela des paysans irresponsables qui utilisent du Round-Up pour assassiner plein d'herbes sauvages. Mais croyez-moi, c'est péché véniel que de vider quelques petits bidons tout propres dans nos champs. A côté de ce que je sais ...

On nous avait aussi informés que ces barbares d'éleveurs avaient des complices jusque dans les abattoirs, transformant les cochons en saucisses et les bœufs en steaks au milieu des cris et de la douleur.

Les amis du loup nous ont divulgué pires horreurs encore. Les éleveurs de montagne et les bergers, généralement complices, se commettent dans de tristes beuveries et dans la fainéantise la plus crasse, pendant que leurs moutons abandonnés, de désespoir, se jettent dans la gueule du loup. Les défenseurs du sauvage ont ainsi levé le voile un peu crasseux qui masquait ces parasites de la société, dans ce cul-de-sac sociétal financés par Bruxelles, toujours entre deux vins et deux gros 4 x 4, espérant même des attaques de canidés de toutes sortes pour en toucher le fruit. Des furoncles du monde, idiots, bas de plafond et mal éclairés. Le monde est bien mal fait : les amis du loup savent, mais ce sont les ignorants qui ont des troupeaux. 

Coincé que vous êtes entre des empoisonneurs à gros tracteurs, des tortionnaires d'abattoirs, des pseudo-éleveurs scupides*, vous pensiez qu'on ne pouvait plus bas tomber … Ben si ! 


Car voici du très lourd. Je publie cet article sous pseudonyme, par peur du complexe agricolo-industriano-paysano-rural, particulièrement puissant en Auvergne, notamment autour du Puy Mary. Leurs méthodes rendent vert le paysage tout entier, comme une carte postale géante. Mais ce vert inimitable cache en réalité des méthodes à faire frémir les hygiénistes radicaux, les mangeurs de pissenlits fondamentalistes, et tous ceux qui hésitent encore à réduire leur alimentation à des graviers de torrents d'altitude contrôlés par Ecocert et dûment tracés à chaque étape.

On m'avait bien raconté un jour que certains mettaient du fumier sur leurs fraises. Je ne l'avais pas cru, naïf que je suis. Je ne sais pas comment vous faites, mais, moi, j'ajoute juste un soupçon de sucre de canne non raffiné, et même pas systématiquement. Il ne me viendrait pas à l'idée de demander à une vache de déféquer sur mon dessert.  Même en doublant la dose de sucre. Et pourtant j'en connais quelques-unes de très sympas, de vaches.


L'odeur bizarre qui supplante parfois celle du chèvrefeuille de ma haie, ou celle du foin coupé m'interrogeait bien un peu. Homme simple, plutôt que de réfléchir à un complot agricole, je me demandais juste depuis quand je n'avais pas changé de chemise. 


Grimé artistiquement en honnête retraité rural, j'ai décidé d'enquêter discrètement. Et là, stupéfaction ! Ce ne serait pas toujours du terreau horticole qu'on rajoute dans les champs et les prés, comme cela aurait été logique. Mais du fumier immonde !!! Des excréments, quoi ... De la MERDE ! Pareil, ces grosses cuves avec lesquelles les paysans, croyais-je, arrosent les prés à l'eau claire pour que ça pousse mieux ... Eh bien ce n'est pas de l'eau ! Evidemment à ce stade, je ne cite pas mes sources, pour les protéger. 



Ce n'est pas du terreau horticole ! Photo prise en dépit des risques ...


Grâce à des ruses, des contournements, des retournements, j'ai obtenu des complicités dans les sphères les mieux informées de la profession agricole et j'ai pu mesurer la gravité de la situation : c'est une pratique gé-né-ra-li-sée ! Le ministère, probablement embarrassé, n'a pas répondu à ma lettre, ni à mes multiples relances. Malaise ou complicité ?

Il n'est pourtant pas admissible de répandre des excréments en pleine nature. Impensable même. Elle doit être verte, propre, nette, excréments-free. Bon, je dis pas, je ne ramène quand même pas les miens à la maison si d'aventure je dois chier dans les bois. Mais je m'étonne moi-même du regard circulaire et chafouin que je jette autour de moi avant de m'installer. Juste pour dire mon respect de la nature !

Le tout à l’égout doit-il conquérir les étables à grande vitesse ?  Ou bien de gigantesques silos verticaux ou enterrés sont-ils plus appropriés ? Aux spécialistes de le dire. L'important est de rendre à nos prés et à nos champs la pureté du jardin d'Eden.

Victime, ou complice ? Vraie vache d'Aubrac consommant de la fausse gentiane en Pays Vert (vérâtre)

Surtout, surtout, soutenez-moi financièrement dans ce combat. Car il sera long et coûteux. Cette bataille éclipsera toutes les autres, et elle nécessitera beaucoup d'argent. Ah ! Il est bien regrettable d'avoir besoin des paysans trois fois par jour ...



* mot nouveau : alliage de stupidité et de cupidité