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jeudi 25 août 2022

Le silure aime t'il ses semblables ?

Je peux répondre d'emblée  : OUI, ce poisson-chat hideux et baveux comme nul n'aurait osé aime ses semblables. Je vous raconte ... 

En cette fin de partie de pêche, à l'heure tranquille où les lions vont boire et où les jets-skis se sont endormis, je baladais depuis mon bateau deux gentils vers de farine sur leurs hameçons et leurs montures de deux grammes, tenus en laisse par ma canne à pêche, afin qu'ils se rafraîchissent un peu et séduisent par exemple une perchette. Ou plus, si affinités.




Survient l'affinité ! Je le sens au ferrage, ce n'est pas une perchette, peut-être enfin une vraie grosse perche, peut-être plutôt un sandre. Un très beau sandre même… Car ce poisson tient les quatre mètres de fond avec constance, le bougre, quelques coups de tête un peu mous, sans faire toutefois chanter le moulinet, ou à peine un clic de ci de là. En deux minutes, il est à trois mètres du bateau et approche la surface, l'éclat jaunâtre me renseigne alors, c'est un silure. Environ deux kilogrammes je dirai, soit 600 g de filets, que je salerai et que je fumerai pour les servir avec une salade de pommes de terres avec peut-être un vin rouge léger. Ou alors à l'apéro, avec un jaune, ou un vin blanc sec. Je le sécherai un peu plus pour l'apéro, alors, car c'est mieux pour manger avec les doigts. Mais on cause, on cause ...


un projet ...



"Je fais quoi ?" , demande ma déessequi observe le combat depuis la proue du navire d'où elle mettait à mal quelques perches. "Viens à l'épuisette" suggéré-je, pour lui offrir quelques particules d'adrénaline supplémentaire … Nous entr'apercevons alors tout deux comme un gros trait noir qui vient barrer le reflet jaunâtre. Et le pot au lait de Perrette se disperse en mille éclats. Un changement absolu et radical se produit dans ma canne à pêche, dans sa courbure, dans le chant du moulinet, sur un mode encore assez tranquille. Non, le petit silure n'a pas pris de vitamines : un silure énorme est venu s'en saisir et s'en va avec sur une dizaine de mètres, décrivant une ou deux courbes. "- Que fait-on ?" "- Ben on attend qu'il lâche, pardi "…




Le gros poisson revient un peu vers le bateau et là, Il semble comprendre soudain qu'il n'y a pas que le petit silure qui le contrarie. Il accélère alors et le fil fend férocement  la surface, puis sans clignoter, il vire à gauche et fonce en ligne droite vers le large. Je sais le frein du moulinet bien réglé. Il ne ralentit nullement le poisson, et cela va très vite. Je démarre le moteur et je l'enclenche, chaque mètre gagné pourrait être utile. En jetant un coup d’œil au moulinet, je vois s'opérer le changement de couleur de tresse … J'arrive dans les fonds de bobine déjà, environ cent mètres sont donc partis ...

Et je refais la bêtise qui m'avait déjà coûté un silure. En cherchant un plus de freinage, et au lieu de tourner la molette d'un quart ou d'un demi-tour, je mets les doigts sur la bobine, avec tact et douceur, je crois. Mais avec l'adrénaline, va savoir ... "Clac !" dit la ligne. "Mortecouille", dit le pêcheur. Bon, j'avais une chance sur mille, mais quand même, c'est rageant.
    

Quand on dit que le silure glane, on l'imagine courbé vers le fond, récoltant les restes de graines de nénuphar ou de myosotis des marais. Eh bien il ne glane pas du tout, celui-là ! C'est plutôt le genre moiss-batt !.

Deux théories s'affrontent cependant sur le comportement de ce silure, égales à mon cœur …

Celle d'abord du vilain gros silure qui mange son semblable s'il est plus petit, et qui aurait à mon idée la faveur de France Info. On aurait le témoignage d'un pisciculteur, un autre d'un docteur en écologie.

Mais la théorie du grand frère est sympa aussi, le gros moustachu voit son petit poto en difficulté et il le prend à bras le corps de toute sa force pour le soustraire aux griffes du pêcheur blanc occidental. Selon la radio russe RT, ce mec est un nazi, et les silures démontrent un fois de plus la force de l'âme russe, et l'OTAN n'y changera rien.

Quelle que soit la manière, gastronomique ou solidaire, le silure aime donc son prochain. Et en tout cas, il ne faut pas vendre la peau  du silure avant de l'avoir fumé.

glane aussi ...

jeudi 31 mars 2022

Du temps qui passe

 

ou  Comment devenir un vieux con misanthrope ?


Devenir un vieux con, c'est du boulot, et il vaut mieux s'y prendre jeune.

Je n'avais fait que des études supérieures éclair, et c'est un accident de santé en 1979 qui m'y reconduisit pour deux ans. Je tenais juste debout et je souffrais beaucoup, et j'allais forcément perdre mon emploi au bout de six mois au tapis, dans cette coopérative agricole. Personne ailleurs ne m'aurait embauché pour quoi que ce soit dans l'état où je me trouvais. Alors autant essayer de faire quelque chose d'utile.


Je lançai une inscription et je fus retenu pour septembre dans un institut de formation privé. Mais impossible de faire les 100 km en voiture ; je repoussais donc de semaine en semaine en craignant d'être jeté. Par chance il n'y eut pas d'autre candidat, ou bien on n'en chercha pas. C'est probablement fin octobre que je trouvai assez de force et que je repartis pour un BTS techniques agricoles, convaincu ou plutôt vaincu par le conseiller du pôle emploi de l'époque ; je voulais plutôt « commerce », mais je n'avais guère la gnaque pour discuter.

Dès que les dés avaient été lancés, j'avais cherché quelques bouquins d'agronomie si bien que sur certains domaines, j'étais en avance à mon arrivée.

Tout cela marcha, c'est l'adorable Nicole quelques mois plus tard qui remarqua que j'avais ri pour la première fois.  Un peu de mieux donc dans cette douleur et ce combat affreux que je menais. Chaque semaine, je devais arriver le dimanche soir car deux heures de route le lundi matin m'auraient mis HS pour la journée. Il me fallait vingt ou trente minutes pour parvenir à quitter seul mon pull-over, dans ce château lugubre où j'étais seul le dimanche soir. J'en pleurais pour de vrai. Tout le groupe était à mes petits soins et mon humour revint dès que je fus moins mal.


C'est comme ça que j'obtins mon diplôme en 80, et que j'atterris dans le Cantal, juste pour deux ou trois ans dans mon esprit. Mais jusqu'à aujourd'hui en réalité, 40 ans plus tard.


Premier job merveilleux dans le Cantal, je suis à gauche, bras levé


Chacun des 18 ou 20 copains et copines de la promo mena sa vie ensuite, de la banque aux phytosanitaires, de la police à la ferme, de la prison au conseil agricole ...

Au bout de dix ou quinze ans, les liens se distendaient et le meilleur d'entre nous s'échina à créer une rencontre festive des anciens de cette promotion tous les deux ou trois ans, ce qui marcha d'abord moyennement avant de devenir un moment attendu pour une petite moitié du groupe.

Il y a 4 ou 5 ans je n'y fus pas pour épaule en bouillie, et l'an dernier non plus pour état de délabrement avancé, en attente de réparations délicates.

Et « ils » ont décidé que si je ne voulais pas aller vers le sud-est - où presque tous se trouvent - le sud-est viendra à moi en 2022. Hein ?

Tout cela a tourné à nouveau dans ma tête à la lecture d'un message sur un forum me proposant une nouvelle rencontre de chasse... Comme à l'annonce de cette rencontre d'anciens de promo, j'ai éprouvé d'abord une certaine gêne, un peu de sidération ... Quoi ? Moi ? Dans cet état ? Z'êtes sûrs ?

Il se passe dans les têtes des déglingués des choses étranges. Des tas. Par exemple j'ai cessé d'aller à la bibliothèque pour ne pas croiser des collègues d'autrefois que j'aime pourtant beaucoup, et je ne veux pas m'exposer à des personnes qui penseront quoi ? Et comment je leur dirais exactement ce qu'il en est ??  Le pourrai-je, d'ailleurs ? Il faut bien l'admettre, je me cache. L'Université inter âges, les réunions diverses, c'est terminé.

Je deviens à grande vitesse un anachorète qui se livre à l'art épistolaire, encore un peu. Mais comme je trouve que je me livre trop, et en général, je ne publie pas ... C'est ballot ; romancier c'est sûrement mieux.


lundi 8 novembre 2021

Le clan des déglingués

Seconde chasse pour moi, mais j'ai maldormi *, et je ne pars donc que pour les traques de l'après-midi car deux heures de route me séparent du but.


Sur la fin du trajet, je parviens à suivre en pointillés la traque du matin, grâce à la radio, et à mon téléphone à deux cartes SIM. Car s'il y a déjà des oliviers dans le Lot, l'Orange n'y pousse pas encore. J'ai rajouté la SIM que chacun a là-bas … Mon équipe ne parvient pas à lancer des suidés fantasques, et renonce au profit du casse-croûte.

Nous débriefons lors d'un rapide repas où abondent les crudités auvergnates et lotoises : jambon cru, saucisse sèche, fromages au lait cru du Cantal, du Lot et même de l'Aveyron.

Le rond* me prive de mon poste fétiche aux Quatre Combelles qui échoit à notre international, André, qui est belgicain. Une promesse de sourires tant le Wallon serait une sorte de Français, mais avec de l'humour.

Je serai à un autre poste, on s'y gare à deux pas, il y a juste trois quatre mètres de descente scabreuse pour s'installer, que je franchis en quelques minutes. Pas vraiment de replat, et comme on tire aussi avec ses pieds, je dois bien passer un petit quart d'heure à positionner mon siège, me lever et épauler en plaçant au mieux mon pied gauche. Il l'est vraiment, gauche, c'est évident. Jamais ce n'est parfait, mais  je me contenterai. Le poste  fait face à une pente rocailleuse idéale pour des tirs longs.

C'est au premier plan que le sanglier passe 



Les chiens donnent rapidement de la voix, et environ trente minutes plus tard, Erwan annonce qu'un sanglier est « lancé ». Cela veut dire que les chiens ont approché l'endroit où il s'est caché ... et qu'il a dû le quitter. Le son de la menée s'accroît notablement, comme sa vitesse, en général car la voie est alors chaude et bien captée. Mais c'est hors de portée de mes oreilles que cela se passe, entre les distances et le relief. Mais la radio m'en informe.

D'autres chiens donnent de la voix, je ne sais si c'est en rapprochant ou derrière un sanglier.  Ca se passe dans mon dos, ça s'en va et ça revient .... Cela semble durer deux heures peut-être, avec des moments plus intenses où je suis debout, prêt à épauler et à ôter la sécurité de la carabine, d'autres où je retourne à mes rêveries. J'ai droit, sur le flan pentu montré en photo, à la vision simultanée de six à huit chiens fouillant méthodiquement les odeurs du sol, pimpants et gais. Mais aucun sanglier ne giclera d'un buisson ici ...

S'ensuit un long calme, j'échange quelques mot avec un promeneur, avec Erwan sur les ondes. Et le temps s'écoule doucement dans une douce tension qui s'amenuise. Un chien solitaire pousse un probable sanglier, le son croît doucement devient de plus en plus fort. Je me lève muscles tendus, et soudain le frottement du corps du sanglier dans les branchages devient un bruit intense, j'identifie un beau sanglier qui fuse à quelques mètres, à demi masqué par la végétation. Ma réaction est à mi-chemin entre un tir académique et celui de Joss Randall. Au cri de l'animal je sais qu'il est touché, et la chienne anglo française, quinze secondes derrière, tient prudemment au ferme le sanglier grognant. Je comprends qu'il est immobilisé ou à peu près, une balle de reins probable … Damned, il n'est pas mort … il est à 10 mètres mais totalement invisible, et il reste un danger pour les chiens qui l'approcheraient.

Les Anglo-français de petite vénerie de Stéphane


Ma jambe mal réparée ne me permet pas de m'enfoncer sous ces branches dans cette pente arborée et caillouteuse. Comme dans un cauchemar, nul ne répond à la radio « sanglier blessé au ferme, vite un piqueur », je recours au téléphone qui passe grâce à la nouvelle SIM ... et je laisse un message. Avant de toucher à la radio une personne qui répercute à Stéphane, piqueur intrépide et patron de la chienne, qui fatiguée abandonne le ferme un moment... Je n'entends plus rien. Mort ? Et non, sa respiration me parvient, des craquements, un boum mat ensuite. Il a franchi un muret et est tomé lourdement, saurai-je plus tard.


Stéphane arrive et s'empare de la carabine de son chauffeur. Il faut préciser que stéphane s'est blessé sévèrement à une main lors d'un accident domestique et conduit ses chiens sans arme. Mais là, il vaut mieux éviter tout risque aux chiens. Il n'a qu'une main, mais il est leste, il rappelle son chien revenu au sanglier, et achève le sanglier à la Johne Wayne, d'un bras. Mais d'un bras, il ne peut remonter cinquante kilos dans une pente de broussailles et de cailloux

Pourquoi pas son chauffeur, direz-vous ? Parce qu'il n'est pas piqueur, d'une part, et qu'il est paraplégique à la suite d'un accident de voiture, pardi. Et il ne chasse que depuis son siège.

Enfin arrive Rémi, une personne tout à fait extraordinaire, figurez-vous ! Il se tient parfaitement debout, il marche et court s'il le veut, il peut tirer, prendre des chiens en laisse, et il possède deux mains aussi fonctionnelles que ses jambes. Et il remonte le sanglier. Nous  rions des collaborations qui furent nécessaires, du boiteux au manchot, en passant par le paraplégique et le valide pour cette œuvre résolument collective.

Le sanglier est une femelle de 50 kg environ. Un autre sanglier, un peu plus lourd a été tuée par Erwan.

Une femelle de 50 Kg environ, tirée au calibre 308 Winchester


    * du verbe maldormir, intrans. 3ème groupe, utilisé surtout chez les vieux et les insomniaques

    ** l' endroit et le moment où les postes et les consignes sont donnés

lundi 1 novembre 2021

Petite chasse

Ca y est, je suis retourné à la chasse hier pour une courte battue de l'après-midi. Dans le Lot, sur la causse. J'espérais une bonne forme, mais comme j'avais encore très peu dormi, ce n'était pas complètement ça … Huit mois de nuits douloureuses au sommeil compté ! Ce qui est nouveau, c'est que parfois je ne souffre pas, sans pour autant que le sommeil vienne ...  Mais sonnez trompettes de l'espoir, je reviens !!!


Alors la veille j'ai préparé la chose, mais de manière prudente, légère et réversible. On sait que l'absence d'activité pousse à la prise de poids, mais la surprise est grande quand on s'aperçoit que ça concerne aussi les carabines ! Elle a pris au moins deux kilos depuis ma dernière chasse de la saison passée !!! Je peine presque à la garder à l'épaulé … Effroyable sensation, mais juste mesure de ma forme. Pourtant j'ai progressé fortement ces derniers jours. Ma pensée vole vers un copain oublié, qui me racontait qu'après avoir vaincu son cancer, il peinait à soulever sa belle carabine express quand il avait voulu renouer avec la vie. Quinze ans plus tard, je saisis complètement son propos.


Je prépare une veste, quelques balles, et je recharge la radio. Ce sera juste jeans, on verra plus tard, si ça semble durer. Pour la première fois depuis quarante jours environ, je n'ai pas infirmière et pansement ; c'est la fête jusqu'à demain ...


Mais peut-être ne fermerai-je pas l'œil, et alors je resterai à la casa, faute du jus nécessaire. C'est un entre-deux au lever, alors j'y vais … en partant vers 9 heures 30, tant je maîtrise la proportionnalité des choses.


Mon père me disait, à 78 ans, deux mois avant sa mort brutale d'une légionellose, sa quasi incompréhension de cette façon de certains de le traiter comme un vieux, alors qu'il ne se percevait pas ainsi, capable encore de courir et de sauter une clôture, ne connaissant les rhumatismes que par ouï-dire, et faisant son bois pour l'hiver comme un jeune homme. Tandis que la maladie m'aura accompagné chaque année de ma vie hormis les dix premières. On ne choisit pas. Et c'est une petite victoire d'être là. J'ai abandonné la montagne, je peine encore dans les vallées, mais l'espoir flambe par instants.


On pleure un jour de détresse, on flambe d'espoir et d'envie le lendemain. Retrouver avec bonheur les têtes connues autour de la table, penser à André, mon voisin de table d'avant, qui ne le sera plus jamais, qui avait validé son permis mais qui s'en est allé juste avant l'ouverture et juste avant de fêter ses 89 printemps. Nul n'a occupé sa place du bout de table.  Découvrir des invités, apprendre qu'Eugène, 15 ans juste passés, vient de tirer et de tuer son premier sanglier ce matin même, tandis que je roulais en soignant le syndrome du décrocher de mâchoire à coups d'expressos. La nuit, je la retiens … J'espère que le retour ne sera pas trop difficile.


Laurent ne chasse plus avec nous cette année, je m'y attendais un peu. Je le regrette, lui, Christine et leurs magnifiques chiens. Une tristesse, les gens sont compliqués, et les taiseux encore bien plus.


Je serai posté dans la Baie d'Along. En fait la Combe d'Alon, mais j'adore la faire et la refaire... Le pied du sanglier se situe quelque part entre cette combe et la vallée du Célé, dans cette colline. Je m'installe à côté de la Cochonne Rose à défaut de monolithes ou d'îles karstiques luxuriants. Ici aussi on a du calcaire, et on se la pète pas pour ça. Je goûte au bonheur simple d'entendre les clochettes, puis les voix des chiens, et les piqueurs à la radio. Ca ne lance pas, ça ne danse pas malgré la musique parfois entrainante ; j'apprendrai un peu plus tard que les chiens sont partis à contre sur un autre sanglier. Ils ont remonté une trace d'un sanglier lancé par des voisins et passé sur notre territoire.




Les chiens sont remis et cette fois est la bonne ... Mais l'action se passe hors de portée de mes vielles oreilles et je ne bénéficie pas de la symphonie. Orange ne passe pas, la radio peine, et vers 16:45, Erwan s'arrête sur la route, me conte la chasse. Il a récupéré et abreuvé ses chiens contents et épuisés, il fait presque 20 degrés. Nous partons préparer le sanglier du matin. Le cochon est aussi une cochonne, mais noire, d'une cinquantaine de kilos, traversée par une balle de calibre trente qui a explosé l'estomac et saccagé les os du sternum. Estomac plein de gland finement moulu.





Je pars à la nuit tombante pour deux heures de route et dès que j'accède à la nationale à peu près correcte, je mets en marche le "lane assist" qui bizarrement sur une petite route nationale pleine de courbes garde merveilleusement éveillé en donnant l'impression que le volant à une vie propre.


Bien content et bien fatigué, j'arrive. Si cette fois je ne dors pas … Eh bien, je ne dors pas, peut-on y croire ??? Même si je n'ai pas mal, juste une petite sensation qui ne justifie même pas un demi-gramme de doliprane, je prends un coup d'opiacées en me disant que peut-être... Ca ne rate pas, je dors comme un juste.



Les emmerdes, disait Chirac, ça vole toujours en escadrille.

mercredi 14 juillet 2021

Cette fois sera la bonne

Les trois sorties précédentes précédents sur  mon  lac de St-Etienne Cantalès m'avaient laissé rentrer au port les cales vides hormis un gardon, la fierté écornée et la peau rougie. "S'il n'en reste aucun, ce sera moi" (1) est ma devise : et me revoilou déjà, les cannes en tous genres sous le bras et les hameçons rayant le parquet, ou, plus exactement, le ponton.


Un bijou, je vous dis

Il y a peu j'avais craqué pour un super moulinet que j'avais malencontreusement associé à une canne devenue sa limite principale, trop longue et encombrante démontée. Je m'étais offert ce moulinet américain tout de noir et d'or, du type "rêve de petit thon méditerranéen", étanche, dont je n'avais nul besoin au regard de mes capacités physiques actuelles comme de la salinité du lac. Mais bon, c'est comme un bijou, et plus encore avec sa tresse bleu-roi. Et ça ne répond pas à un besoin logique et vital, un bijou, non ? 


Donc, dans un souci d'ajustement sans fin, achetons en plus une canne kivabien au plan de son transport, sans s'éloigner d'objectifs halieutiques ambitieux et mesurés en même temps. Ce sera chez Décathlon, car il y a les cannes Ilicium dont on dit du bien, au moins chez Décath. Je longe le rayon, sans voir d'Ilicium, et vais m'enquérir chez la personne momentanément préposée aux appâts, car je suis du genre à ne pas voir un nez au milieu d'une figure. « Des quoi ? » qu'y m'dit ... Je répète. « On fait pas ça » répond-il avec le ton péremptoire teinté de fatigue de l'épicier à qui on demande des boulons de huit ou de la peinture à carreaux. "Mais c'est TA canne-phare, crétin, TA pub, TON gagne-pain, enfoiré !"  le remercié-je d'un grand sourire masquant civilement ma pensée. Il y a bien sûr des vendeurs très compétents chez Décathlon, en plus d'un SAV royal. Mais pas tout le temps.

Comme j'ai la carte bleue qui frétille dans ma main, je prends une autre canne, d'une puissance de 15 à 60 grammes, 2.40 m en brins égaux qui dit assurer jusqu'à 40 livres, d'action fast à semi-parabolique semble t'il. Oui, c'est devenu compliqué, une canne à pêche.

J'en profite aussi, tant qu'on y est, pour prendre un pack canne-moulinet prêt à pêcher pour 26 euros, canne de merdre de 1.80 m - et non trois comme je l'avais malu (2) - avec un minuscule moulinet de taille 1000 de la même matière, qui restera au bateau sans souci : pas de transport, et pas de crainte de vol, et ça marchera. Mission exclusive : pêcher les vifs dans 2, 4 ou 10 mètres d'eau et être prête à entrer en action en une minute. Quatre pauvres gardons lors de sa dernière venue en ont fait les frais. Et une pince à poisson de marque Rapala, qui m'aiderait à sortir de l'onde les silures, même gros commac, sans saloper l'épuisette, et peut-être plus facilement. Et quelques broutilles aussi, hameçons, flotteurs. Et les vertiaux (3), pour lesquels j'étais venu. 


C'est inévitable, et vous le savez tous. Après une série de bredouilles, vient LE jour . Et c'est aujourd'hui, je le sens. La gueule et la couleur du lac, déjà, l'odeur de l'eau et du soleil ensuite, tout me le crie. Ma stratégie est simple mais lumineuse. Je pêcherai l'anse de Rénac, pour son calme relatif un dimanche de beau temps. Car ailleurs les boats des skieurs, des monstres de plus de 6 mètres parfois, sont capables de couler un pauvre 4.80 m ou d'expédier le capitaine à l'eau rien qu'avec les vagues qu'ils (dé)génèrent sans pitié. Les silures, ou les brochets, ou les sandres ont ainsi une raison de plus de venir casse-croûter ici au calme, non ?

Enfin en place … Je pose virtuellement sur ma tête la casquette de seul maître à bord après personne d'autre. Dans un souci d'efficacité remarquable, j'arme illico la canne à quat'sous d'asticots motivés, et je lance. La surveiller en préparant les autres cannes, qui sont cinq, me permettra la pleine efficience du gars qui a tout son temps. Le coin de mon œil reste résolument au repos, même en amorçant un chouïa (1). Mes cannes sont bientôt prêtes ... Je vais voir mon seau vivier qui trempe à bâbord, où il reste un beau gardon, vivant mais peu dynamique, survivant des quatre, et de huit ou neuf paragraphes.

Pas moyen de prendre un seul gardon alors qu'ils abondent dans ce lac. Ils sont simplement ailleurs ou font la gueule à cause de la canne Apascher . Au bout d'une heure de soleil abrupt, je m'éloigne avec MON unique gardon, mes vertiaux (3), mes leurres. Car il est l'heure.

Je vais enchaîner trois dérives aussi lentes que possible, partant de trois points différents, freiné par une ancre flottante. Glander aussi, c'est très technique ... Concentré sur une seule canne, la toute neuve armée de mon moulinet tout beau, j'aide mon gardon à nager à un ou deux mètres du fond avec un montage « fireball ». Quand le vent me rapproche du bord, j'ajoute une ligne avec deux vers en « drop shot » et je gagne ainsi ma première perchette, qui jouera remplaçante pour l'instant. Du gardon. A un moment, je me suis laissé volontairement dériver vers 25 mètres de fond à la recherche d'échos sur le sondeur, en zone fondus de sports nautiques. D'ailleurs deux boats au loin arrivent, et je remonte mes lignes pour m'escamper. Et l'ancre flottante. Putainggg, le bout est coincée par l'échelle de bain. Mortecouille ! Mais j'ai bien le temps ...En dix-huit tournemains environ, je parviens à la libérer ... Et je me fais secouer grave par l'un des rafiots qui a réussi à se libérer de son poursuivant volant sur l'eau, et revient sur lui pour le noyer, me semble-t-il . Chaque fois, je me dis qu'on ne m'y reprendra pas. Mais je ne vais pas non plus acheter un chalutier, je pêche à la ligne, moi, Monsieur.


Le soir oui, mais pas le grand soir


L'heure avance, mais les poissons n'ont pas de montre. Ca va venir. Un peu de dérive encore dans 2 – 4 m d'eau, entre les bouées, avec cette fois la perchette fougueuse qui a quitté le banc des remplaçants. Et un peu de drop-ver et leurre souple ; et une seconde perchette succombe à un lombric. Je pars m'ancrer dans 6-7 mètres de fond vers 19:30. Une zone souvent riche en échos de sondeur sur un chenal peu marqué menant à la plage. C'est ici que ça va se passer, me dis-je tout en bronzant avec le soleil qui s'abaisse, et en terminant ma bouteille d'eau. Une ligne à vif avec la dernière perchette, une tirette lourde au ver, une dandine légère avec deux vers. Je poursuis encore quelques lancers de leurre sans résultat. J'installe la ligne au fire-ball suspendue à un mètre du fond. Attendre et espérer. Je suis bien, tranquille et attentif, prêt pour la bagarre et bercé par des ondulations douces envoyées de temps à autre par les sportsmen qui rentrent, à quelques 300 mètres de moi.

Et alors ... le soleil bascule derrière la ligne d'arbres ... Il est temps de plier. Demain, sardines.


Si residuum fuerit, me erit qu'on disait dans le temps

2 du verbe mallire.

3 vers de terre en patois bressan.



vendredi 11 juin 2021

Les Bonnie & Clyde du lac

Le mauvais coup était prémédité, et Clyde  avait, avec un complice, peut-être Buck, peut-être Henry, amené le bateau sur le lac sans se faire repérer, le dimanche matin, quand tous les honnêtes  gens sont au temple …




L'attaque a eu lieu en plein après-midi  Après un tour infructueux de l'anse de Rénac au gros leurre "salmo", au petit leurre vibrant à perche de 2 pouces, à la tirette au ver... Très très peu de mouvement repéré au sondeur. Mais Oukisson ? comme on dit dans l'Oklaoma et le Texas …

Le bruit du moteur au ralenti incommode Bonnie quand ce n'est pas pour un butin immédiat, aussi finit on par se mettre à une bouée par 4,50 mètres de fond, loin des abysses et en bordure du champ de bouées vacantes, et près de la plage. Silence et repos. Un poil de mouvement au sondeur au départ, certes, mais vraiment plus rien sur l'écran, ou si peu que la bredouille paraît aussi inéluctable que la chute de l'empire romain.

Ma douce Bonnie drop-shote (dandine) avec deux vers, je lance, ramène et anime avec et une monture de 3 g équipée d'un gros ver canadien, et un alevin en plastoc en teaser. Bonnie enregistrera une petiote touche avec ferrage raté en deux heures. Rien pour moi, à part le gros ver canadien réduit en charpie, sans doute pendant que je cherchais le brochet  au lancer.

"Ouh làààà !!!" que dit soudain ma complice, sa canne pliée à nonante degrés. Le poisson monte doucement mais réussit à se réfugier dans la chaine de la bouée qui économisait nos ancres. Grâce ou malgré mes conseils avisés -ou pas- la situation se dénoue et son record se retrouve dans l'épuisette : une perche de 41 cm. Je suis encore plus heureux que si c'était moi l'auteur de la prise. Elle passe de 450 g à 1.2 kg d'un coup d'un seul.

Bonnie et son butin


Une petite heure après c'est à moi de ferrer une touche à la fois discrète et  franche et de faire chanter un peu le moulinet. 44 cm, 1.45 kg. Mon record aussi.

Clyde bien content


De grosses boules ou de gros traits orange viennent trainer sous le bateau sans se décider, selon mon sondeur. Je pense à des silures, mais je manque de vers pour leur faire une grosse bouchée, et pas de petite perche de 20 cm ou moins à offrir au bout d'un hameçon. Une autre fois …


L'heure du couvre-feu était passée de 18 minutes au retour, mais sans encombre. Et dans la bonne humeur. Le lendemain midi, filets de perche …





samedi 24 avril 2021

Ô mon lac

 

Le temps s'étire autant que les œufs durent, si vous voyez. A la fin de ma condamnation à quarante-cinq jours sans appui sur ma jambe rafistolée -ou presque- je m'voyais déjà gambadant par les chemins zé les monts dès le quarante-sixième. Ou le quarante-dixième, au pire !

Ben non ! Ce n'était que pour sauter du fauteuil roulant au déambulateur glissant, ou aux béquilles sautillantes, tout en continuant à être criblé d'aiguilles. A J + 55 jours et autant de trous dans le bide, j'atteignais à peine, et à béquilles, les 250 mètres en terrain plat sans obstacle.

Mais là, à J + 2 mois pile, le jour d'ouverture de la pêche au brochet, je prends pour la première fois la route avec mon indomptable destrier et mon adorable épouse, ou inversement, jeter un coup d'œil à mon lac préféré. Ca alimenterait juste la machine à rêver, parce que pour pêcher au lancer avec deux cannes anglaises, il faudrait quatre mains ... Pas de pédale d'embrayage, donc je conduis sans difficultés. J'avais pris une canne à pêche, et une carte de pêche, pour le cas d'un contrôle policier inopiné. C'est à quarante bornes.

Un détournement du chat de Geluck



J'imaginais plein de bateaux au ponton, hélas sans le mien, et les remorques à bateaux des taquineux du brochet à foison sur le parking. Que dalle … Alors que je n'ai vu aucune info dans le Courrier International que je lis assidûment ni dans la presse locale que je n'ouvre jamais, je m'aperçois qu'on a presque vidé MON lac !!! Pour faire de la p...n d'électricité ? Juste pour m'emmerder ? Un complot ? J'en étais sûr … Si cet état date de deux mois, c'est un sale coup pour les brochets dont le frai s'est peut-être déroulé sans végétation pour y déposer leurs  œufs. Et pour les sandres ? Peut-être pas tout à fait aussi embêtant, je crois qu'ils fraient sur les fonds sableux … Cependant les hauts fonds habituellement choisis sont à sec.




Je n'ai vu que deux pêcheurs sur le lac, les nomades ayant probablement choisi des lacs avec le « bon » niveau, ou ont renoncé.


Bon côté des choses, la plage est immense. Et cette première sortie m'a fait un bien fou.