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vendredi 10 novembre 2023

Vers LE biltong définitif

Si vous suivez mon blog comme la misère suit le pauvre monde, vous savez que j'en ai causé autrefois *, il y a deux lustres moins une bougie. Le biltong est une recette de viande séchée d'Afrique du Sud, née du Grand Trek ** des Boers***, ces descendants de migrants néerlandais addicts à leur liberté, et combattus par les Anglais qui s'étaient installés au Cap. Ce Grand Trek a duré vingt années, jusqu'en 1854 ... Ils ont donc eu cent fois le temps nécessaire pour peaufiner la recette du biltong à chaque rencontre avec de la viande de brousse sur pied ! Mais j'imagine que ces combattants et combattantes exemplaires n'étaient pas pressés, et qu'ils voulaient une recette vraiment aboutie pour le XXIème siècle. Voici à quoi ça ressemble.


Arme absolue pour l'apéro ...



Si on ne dispose pas de koudou ou d' éland dans son jardin, on se rabat tout aussi bien sur du bœuf ou du cerf. En été par temps sec, on peut réaliser cette recette en quelques jours sans accessoire aucun avec une température ambiante idéale de 21 à 27 degrés, et une petite circulation d'air. Mais ici, ce n'est pas l'été ! Comme le déclame le poète auvergnat, "quand le grand corbeau se gratte le gland, c'est signe de mauvais temps ; et s'il se gratte le cul, c'est que la drache continue".

Le "rond de gîte" du bœuf convient très bien, le filet de cerf ou une noix du cuissot aussi.

Comment recréer in vitro le climat du Transvaal**** dans une montagne plutôt arrosée ? Je dispose heureusement d'une pièce relativement saine à l'étage et elle accueille une caisse de rangement translucide, d'une hauteur de 35 cm.  Longueur 60 cm, largeur 40 cm dans mon cas, soit 80 litres environ, c'est plus qu'assez. Mais la hauteur de 35 cm est un minimum.

Le principal problème est qu'il y faut au moins13 trous, et qu'on n'en trouve pas de "tout prêts" dans le commerce. Etant né ambisenestre ***, cette tare risquait de rendre la chose délicate. Maladroit mais chanceux, j'ai trouvé dans les archives du garage une scie cloche permettant des emports de 25 à 62 mm. Et M'sieur Gougueule m'a fourni les informations kivonbien sur son usage : la simple vue de l'outil causait en moi un questionnement sans fond. A mon immense surprise, 15 trous ont été faits sans dégâts collatéraux. Je suis grand !!!!


Ma boîte à biltong



 Que manquait-il encore ? Deux ventilateurs  de  8 cm de côté, une lampe chauffante de 50 Watts au centre, et pour s'éviter tout souci, un contrôleur de température qui commanderait lampe chauffante et ventilateurs sur des critères choisis pour tenir une température autour de 23 degrés.






le thermostat Inkbird connecté,
un plus pour la sérénité

La recette que j'ai retenue (et aménagée) est retracée ici par ces super "deux mecs et une glacière". .(https://twoguysandacooler.com/biltong/). Attention ! La recette apparait pour 4.540 kg de viande ...  Ces deux gars sont au top, et ils sont une mine de recettes de salaisons venant de la planète entière. Je ne la recopie pas, la copie serait inférieure à l'original ! Leur vidéo est excellente en utilisant un traducteur.

Je sale davantage, vers 25-26 et même 28 grammes et non 22 g, mais pour une consommation autour de 51 % de perte de poids ; c'est affaire de goût et de degré de séchage.

J'ai remplacé aussi la Worcestershire sauce par une sauce poisson maison à base de maquereau, décrite ici 






Essayez, et régalez-vous !



* mon biltong sauvage

** Le Grand Trek

***Guerre des Boers

**** Transvaal
Les Boers et le Transvaal



lundi 16 octobre 2023

Sauces de poisson d'ailleurs

... et d'Auvergne aussi. En décembre 2022, je rêvassais sur les goûts, et notamment sur la cinquième saveur, l'umami *, et les savantes fermentations qui la propagent. J'ai lu un peu sur le sujet en traînant avec mon pote Good Gueule.
 
Comme le nuoc-mam et les sauces de poisson ont toujours été du domaine du mystère pour moi, j'avais décidé - ou presque - d'en produire une fois. Plutôt le garum** de la Rome antique, d'ailleurs, qui est la même chose. Mais pourquoi ne pas faire du garum de chez moi, hein, de mon lac, ce qui exclut l'anchois, pas encore présent malgré mes salages sournois.

Et ensuite quel bonheur - ou pas ? - de bouffer des nouilles parfumées ainsi ... 

Six mois plus tard, j'ai lancé deux tentatives parallèles, et s'avèreront en fait perpendiculaires. L'une avec du maquereau (donc traditionnel), l'autre avec des gardons ou d'autres poissons d'eau douce. Pour cela, de simples bocaux avec un couvercle,  du poisson très frais, du sel.

C'est parti ! à gauche le gardon, lancé deux semaines plus tard.




Encore trois mois à peine, et j'obtenais le garum** en filtrant, et l' allec** (ou hallex), une pâte au parfum puissant..

Comment ça marche ?
Le poisson découpé en tronçons plus ou moins courts, sans supprimer les viscères, est mélangé avec du sel à hauteur de 20 % du produit final (donc 250 g de sel pour un kilogramme de poisson), puis mis dans un bocal que l'on fermera sans chercher une étanchéité absolue, et laissé à température ambiante. La teneur en sel empêche les bactéries de se développer, sans gêner les fermentations lactiques. Les sucs digestifs présents dans les entrailles du poisson vont travailler et contribuer à une autodigestion. 

Ce que j'ai fait
J'ai touillé le mélange de temps à autre en cherchant à écraser les morceaux de poisson pour accélérer les transformations, et je mettais parfois les bocaux au soleil. J'ai aussi rajouté 100  ml (ou grammes) d'eau salée à 25 % pour éviter que tout morceau solide surnage du liquide produit. Ce rajout m'empêcherait d'obtenir une AOP😌 selon les cahiers des charges (in)existants.

Ce que j'ai observé
Le maquereau sent bon tout au long de la production, et le gardon ... beaucoup moins. Le gardon, c'est rapidement une usine à gaz avec énormément de bulles éjectant - je suppose - des composés volatils soufrés puants ! Le maquereau reste stoïque,  évolue moins vite et sent bon le poisson. Je sais ainsi d'emblée que le maquereau sera meilleur à mon palais. J'ignore si ces composés disparaîtront totalement d'eux mêmes, du fait de leur volatilité, ou seulement en partie.

Filtration du garum d'eau douce
Je pensais que ce serait la croix et la bannière. Pas du tout ! D'abord, j'ai versé mon bocal de poisson d'eau douce dans une grande passoire du genre chinois. Du bon sens pour une recette également asiatique ! Sont restés dans la passoire des arêtes intactes et les écailles comme neuves, quelques petits morceaux de muscle non digérés, et le squelette des têtes. La soupe obtenue a été versée petit à petit dans un entonnoir garni d'un filtre à café (un tissu filtrant fait le travail aussi). Dix-huit heures plus tard je tombais des nues devant la perfection visuelle du résultat.

Le garum d'eau douce, beau ... mais pas bon

Dégustation du garum de poisson d'eau douce : échec
Il y avait quatre convives: ma belle, notre fils et son épouse d'origine cambodgienne, et moi-même. Dire que sans Pol Pot, je ne l'aurais pas rencontrée ...
J'avais dégusté avant, et tout seul, craignant que la police ne conclue à un suicide collectif. C'était plutôt correct, mais mon estomac avait un rien gargouillé, sans autre symptôme.  
Ma douce refuse d'y toucher, mon fils a jugé bon et parfaitement digeste, tandis que ma belle-fille l'a jugé bon mais a connu elle aussi quelques gargouillements du bide. Qui seraient à rapprocher des ennuis que peuvent provoquer les composés soufrés en général, selon la littérature scientifique.

Le garum de maquereau est un grand cru !
Quelques jours plus tard, production du garum de maquereau. C'est un peu plus long au plan de la filtration, on obtient proportionnellement davantage d'allec. Les deux produits sentent très bon, et ils SONT vraiment très bons et absolument digestes. Une écrasante victoire du maquereau sur le gardon.

Donc, oubliez le garum à base de poison d'eau douce, ou du moins celui à base de gardons. On peut aussi le produire à base d'anchois ou de sardines, et cela donnerait des goûts différents, que je n'ai pas testés. 



Pas à pas. 

Voici ce que je crois être des conseils avisés, mais éclairés par une seule expérience et beaucoup de lectures.


Ingrédients

1.5kg de maquereaux très frais et très beaux
375 grammes de sel de type Guérande (soit un quart du poids du poisson frais). Le mélange final est donc à 20 % de sel.
10 centilitres d'eau salée par 25 g de sel (c'est facultatif, c'est un ajout de ma pratique, cela permet au liquide de toujours recouvrir les morceaux de poisson)


Au boulot !

Coupez le maquereau non éviscéré en tranches fines de 1 cm d'épaisseur maximum, et fendez en deux la tête. Les viscères sont absolument conservées, elles sont essentielles, ce sont les enzymes du système digestif qui s'allient aux ferments lactiques naturellement présents dans la chair du poisson pour modifier et liquéfier le produit.


Mettez poisson tranché et sel dans un saladier, mélangez.

Puis mettez tout cela dans un bocal de 1.5 à 2 litres, en tassant un peu, puis ajoutez les 20 centilitres d'eau salée. Le bocal ne nécessitera jamais d'être fermé de façon absolument étanche, mais un joint permettra d'éviter absolument toute intrusion d'insectes ou d'impuretés.


Température : cela restera à température ambiante tout le temps de la fabrication ; l'idéal serait 25 degrés, on dira que de 20 à 30, ça va bien marcher, à une vitesse variable. L'été est la saison idéale, mais la proximité d'un radiateur peut y suppléer (je n'ai pas testé).


A partir de 5, 6 ou 8 jours, touiller tous les trois jours pendant quelques minutes avec un instrument adapté - la cuillère en bois peut fonctionner - en cherchant à réduire, écraser les morceaux. J'utilise une sorte de fourchette recourbée en inox genre presse-purée, qui fait bien le job. J'intervenais tous les 2-3 jours, puis beaucoup plus rarement. On n'est pas des bêtes, on n'a pas le feu ...


Se donner trois mois. Il ne reste alors quasiment pas de morceaux de viande.

Vient le travail final.
Un chinois ou une vaste passoire dans laquelle on verse le mélange en plusieurs fois, une cuillère en bois pour faire passer. Et on a vite séparé du garum les arêtes et les écailles, brillantes comme neuves après rinçage.



A gauche le produit après passage au chinois, à droite les déchets





La passoire au fond de laquelle on met une étamine, ou, peut-être mieux, un entonnoir garni d'un filtre à café et de patience permettront en 24 heures environ de récupérer un garum (ou liquamen) couleur vieil or, tandis que l'allec est récupéré dans les filtres. L'allec, remis pour une nuit et une journée dans la grande passoire garnie d'une étamine libérera encore un peu de garum ambré.


Vous avez fini. 
Les produits mis au réfrigérateur ont la capacité de se conserver indéfiniment.

Allec et garum de maquereau, le grand cru !




Il ne me reste qu'à cuisiner comme il y a 2000 ans. Et à utiliser ces condiments home made sur les viandes, dans les salades et dans les marinades.

Liens :




Le truc qui pue vraiment mais que je ne connais pas est suédois ... le surströmming est fabriqué selon un principe qu'on découvre dans cette lecture :
https://souslemicroscope.com/2021/04/quelles-sont-les-bacteries-responsables-de-lodeur-du-surstromming/ 
Les scien­ti­fiques ont recher­chées des bac­té­ries res­pon­sables d’in­fec­tions ali­men­taires comme des Salmonella spp. ou alors Clostridium botu­li­num res­pon­sable du botu­lisme. Néanmoins ces bac­té­ries ne sont pas retrou­vées dans les plats étu­diés de surs­tröm­ming. Les condi­tions de la fer­men­ta­tion ne per­mettent pas la crois­sance de ces bac­té­ries patho­gènes. Par contre la bac­té­rie Arcobacter est trou­vée, en faible quan­ti­té, dans toutes les boites tes­tées. Cette bac­té­rie est connue pour cau­ser des mala­dies diges­tives (crampes ou diar­rhées) chez les humains. La décou­verte de cette bac­té­rie laisse sup­po­ser d’é­ven­tuels risques sani­taires [8].
Le garum ou le nuocmam sont des sucreries acidulées à côté de cela. Les études montrent que le surstromming conserve des bactéries potentiellement pathogènes, présentes à l'origine dans le tube digestif des poissons. Donc il y en a possiblement dans le garum.


jeudi 21 septembre 2023

La dame du lac

 

Mon lac est capricieux, mon lac est mystérieux. Je pêche toujours avec la même envie, parfois j'ai un poisson ou deux, mais souvent je n'y trouve que nourriture spirituelle. Et encore : bredouille et transcendance ne sont pas exactement corrélés. Plutôt qu'évoquer la lune, le temps, le vent, les spoutniks, j'ai préféré m'élever jusqu'au monde des légendes et la Dame du Lac est devenue celle qui dispense ou pas sa générosité, celle qui boude ou celle qui rit. Je renoue ainsi avec mes ancêtres animistes.


il est pas mystérieux, MON lac ?



Ceci étant, même si je voue à ce lac et à sa dame un vrai amour, je suis parfois infidèle. Grand voyageur, j'avais traversé quatre ou cinq départements et franchi un pont avant de buter sur l'océan au bout d'Oléron. J'y avais trempé du fil et à ma grande surprise, j'ai capturé contre toute attente quelque bars mouchetés qui frétillent encore en mon cœur.


bar moucheté


A n'en pas douter, la Dame du Lac avait eu vent (du large)  de mes fabuleux exploits en eau salée et m'en tenait rancune… Il n'y a pas d'autre explication qui tienne aux événements survenus depuis.

J'avais fort à propos rapporté en souvenir d'Oléron une ancre grappin de quatre kilogrammes pour remplacer celle que la Dame du Lac, toujours elle, avait confisquée dans un de ses mauvais jours, la retenant dans des rochers. Bien m'en avait pris, car ce samedi, un vent à décorner les petites sirènes*, soit environ 20 km/h, formait des creux abrupts de 2 centimètres et aurait entraîné mon bateau avec sa pauvre ancre champignon dans une dérive à un demi nœud ou plus, rendant ma pêche difficile.

Avant ce jour, la Dame du lac m'avait fait rentrer bredouille une ou deux fois, jusqu'à ce que sa petite colère soit oubliée. Ce samedi un peu venteux, c'était devenu du passé. Elle me l'avait plus ou moins signifié la veille, à travers un message sibyllin et cabalistique que j'avais remarqué, mais que seul un druide expérimenté aurait déchiffré à coup sûr." 33333 ", avait elle écrit en gras sur le tableau de bord de la Zoe. Elle n'envoyait jamais ni texto ni missive et je ne savais quoi comprendre. C'est toujours comme ça, avec les filles. 


le message de la dame du lac

Est-ce elle aussi, telle une muse, qui me souffle alors d'aller pêcher vers la plage, dans deux ou trois mètres de fond ? Est-ce simplement ma petite science de la pêche qui m'emporte là-bas ? Arrivé sur les lieux après une navigation de 500 milles mètres, quelques ébats de poissons se font entendre à proximité, qui semblent des chasses, mais pas absolument, car on ne voit aucun poissonnet gicler hors de l'onde comme s'il avait le feu à la nageoire caudale… Je décide que ce sont des chasses, n'ayant d'autre option. Une imitation d'alevin de quatre centimètre sur une tête plombée de deux ou trois grammes est envoyée. Cette tête plombée est précédée vingt centimètres plus haut d'une plume imitant un ♫ ♫ petit alevin blanc ♫♫Qu'on boit sous les "notelles" ?


Une secousse, c'est une touche, deux secousses, c'est une paire de perches zébrées qui m'arrive en retour ! J'en suis tout esbaudi et je drope ces deux poissons à bord. Je relance et petits-beurre ! J'avais écrit bis repetita, mais je n'ai jamais fait de latin, et M'sieu OpenOffice me suggère petits-beurre, on se demande pourquoi, mais je prends.


étonnant, non ?


La fête se poursuit à un rythme moindre mais soutenu durant deux petites heures. Je rentre au port avec une belle récolte … Ce fut ma plus agréable partie de pêche jamais réalisée au leurre souple, clairement.


Musée Picasa, WH, les perches (fragment)



* C'est uniquement parce que le vent dépasse souvent 20 km/h en bord de mer que nul n'y a vu de sirène cornue.

samedi 8 juillet 2023

Je m'voyais déjà

Je me voyais déjà grand pêcheur. Mais passer du statut de chasseur de bon "milieu de gamme" à celui de "pas trop pauvre pêcheur" est un chemin semé d'ornières, je vous l'assure. Les cerfs, les chamois et les mouflons en nombre croisaient mes balles infaillibles, ma salle de trophées - un bout de grenier, en fait - s'emplissait, mes amis se régalaient, et les plus belles femmes se pâmaient en me voyant revenir les mains ensanglantées et le canon encore fumant. Enfin, c'est comme ça que j'aime me rappeler ces temps de gloire, c'est peut-être un rien enjolivé. Mes jambes se sont un peu enfuies depuis, mais il me reste un bateau presque confortable, et la mèche de mon ancien amour pour la pêche ne demandait qu'une étincelle. On allait voir …


Un nouveau monde de découverte et de succès s'ouvrait à moi, je me voyais déjà filant sur l'eau comme un bas nylon, affrontant victorieusement des poissons magnifiques. Copains, champagne, alizés, gros poissons … Mais bon, fallait d'abord que je descende les poubelles et que je balaie l'escalier.


Je me voyais déjà ...



"Ma" mer n'est en fait qu'un lac aux eaux un peu chargées, mais je m'en accommode. J'ai de quoi causer à ses habitants : six cannes et autant de moulinets, de quoi affronter de l'ablette au silure géant, de l'oblade au tarpon, de la sardine au thon. Il n'y en a pas encore, des tarpons, mais vous le savez, je sale sournoisement le lac à chaque sortie, et le climat fait le reste de son côté ...

Pour la gloire et les prises somptueuses, ça avance doucement ... "Il n'y a point de méthode facile pour apprendre des choses difficiles", disait Joseph de Maistre, un vieux con réac Pourtant, ma belle a rapidement pris l'habitude - quand elle m'accompagne - de dominer le jeu avec une régularité insolente. Je ne ne suis pas du tout humilié, hein, loin de là ... Car après tout c'est moi qui ai fabriqué sa ligne, moi qui ai ramassé ses vers de terre, moi qui ... Alors à part prendre plus de poissons, elle n'y est pour rien ... Non ?



Moi ? les deux à droite 😢


Il m'arrive de pêcher avec moi-même pour seule compagnie, mais l'absence d'émulation ne fait pas monter mes résultats pour autant. Un jour qui brûle encore dans ma mémoire, je voulais m'adresser un peu aux gros silures que je ne capture jamais mais qui marsouinent avec insistance dans mes rêves. Pour ça j'allai pêcher près de la plage, abandonnée ce jour-là par les baigneurs qu'un vent fripon avait en partie chassés. Un vent qui fait déraper le bateau sur son ancre, c'est pénible. Mais une ou deux heures plus tard, c'est la touche ... Tss ! Seulement un petit brochet de 52 cm qui retourne à l'eau selon la règle, bien qu'il ait tenté de saboter l'hélice de Marina, mon joli bateau, en y entortillant un peu la ligne.

Alors, la nostalgie des perches me prend - le vent n'y est pas pour rien - et je me convaincs que les silures peuvent très bien être là-bas aussi, à cinq cents mètres : la preuve la plus récente étant un petit silure mandarin capturé là-bas par ma douce quelques jours plus tôt. Et j'y retourne. C'est nettement mieux abrité, le bateau se balade à peine, on est bien.


Petit silure mandarin



Ça commence bien, j'installe deux poissonnets, à qui j'ai expliqué comment capturer le silure,  l'un en "drop vif", l'autre "au bouchon", que je dois replacer souvent, mais bon.  Deux belles perches se laissent assez rapidement séduire par les vers de la troisième canne. Pendant que je replace mon vif qui contient assurément mes plus gros espoirs de gros poisson, mais qui veut revenir sous le bateau, un plouf me surprend dans mon dos. Ce n'était pas typiquement le saut d'un poisson, et à moins de deux mètres du bateau. Je finis de replacer le poissonnet  et je reprends ma canne à drop shot… 

Ma canne  ??? Il faut se rendre à l'évidence, il n'y a plus de canne ! Un vol à l'étalage en milieu aquatique n'est pas habituel à 20 mètres de la berge, et il y a eu ce plouf. Est-ce que le bateau aurait dérivé, tendant la ligne qui se serait accrochée, et la canne aurait basculé ? C'est tiré par les cheveux mais c'est le plus probable. Je suis sur trois mètres de fond, et je balade au bout d'une ligne deux hameçons triples pour tenter une récupération, sans autre résultat que la perte des hameçons dans les cailloux. Ma jolie canne spécial drop-shot , snif. Je présente un vœu à la Dame du lac pour que mon nouveau mais encore futur sondeur me permette de la localiser au demi-mètre près. Je débarrasse ma canne ultra-léger de son leurre et y monte une ligne drop shot, que je casse presque aussitôt sur accrochage. Je remonte une ligne drop shot en me méfiant de ce caillou là-dessous. Les lois de l'emmerdologie relative, probablement s'appliquaient déjà. J'aurais dû comprendre, j'ai persévéré.

Tant qu'à faire je décide de prendre un point GPS dans l'espoir d'un repêchage ultérieur. Je pose ma canne contre le franc-bord, talon juste à mes pieds et je lance mon logiciel sur le smartphone quand je vois ma canne s'envoler littéralement ! Et je suis en retard d'un pouillième de seconde, mon bras ne rencontre que du vide. Plouf ! 

Je commence à bien connaître ce bruit caractéristique d'un ensemble canne moulinet sautant d'un plongeoir. Mais bon dieu, mais c'est bien sûr ... Un troupeau de carpes traîne inhabituellement sur ce poste. Je n'ai jamais touché aucune carpe sur la baie en cinq ans, et elles sont là aujourd'hui. Les montées de bulles inhabituelles auraient dû m'alerter, et me faire assurer les cannes. Quand on est con, c'est pour longtemps.

Je rentre avec deux perches en plus et 250 balles en moins, la queue entre les jambes et le rouge aux joues. J'espère qu'elles n'ont pas eu de mal à se débarrasser des hameçons fins de fer en numéro quatre.

Mais je n'ai pas dit mon dernier mot.

vendredi 24 mars 2023

La vengeance du gardon *

C'est autour des marées d'équinoxe de printemps qu'il convient de s'attaquer aux poissons les plus redoutés de ces eaux. Attention toutefois à ne pas s'exposer sur les jetées et sur les plages, où déferlent alors des vagues de sept à neuf mètres ! Voyez la dernière, immortalisée par EDF. Et y déconnent pas, hein, c'est des fonctionnaires. Les pisse-froid se moqueront en arguant qu'elle a mis quatre jours pour déferler, cette vague ; c'est juste des cons, seule la hauteur compte, pas la durée. D'ailleurs, on parle parfois de creux de huit mètres, jamais de creux de huit jours. En ces circonstances météo chahutées, les petits monstres du lac se déchaînent, d'autant plus dangereux qu'on ne s'en méfie pas assez. Comme ils n'ont même pas de dents, on baisse la garde ... Et ça peut très mal finir.


vague de 8 mètres au port de Rénac


Je m'y attendais ... aucun guide, aucun compagnon n'a voulu participer à l'aventure, et je me suis lancé seul vers ces quarantièmes rugissants (45 ème parallèle, d'ailleurs), où un seul souffle aurait pu casser le miroir de l'onde, ou même tourner à l'ouragan !


Impitoyables Quarantièmes

Un combat féroce et implacable de trois heures contre les sans-dents de l'a-mer (c'est le "a" privatif) s'est engagé. Moi seul, et eux innombrables. Mon succès fut total, même si mes muscles et mon dos étaient rompus à force de mouliner et de soulever mes prises ...

Un apparent triomphe

Mais cette victoire n'était qu'illusion. Car on ne gagne jamais vraiment contre eux. Une seconde bataille de deux bonnes heures a du être engagée pour préparer tout ça. Chaque écaille vole, chaque viscère salit, chaque minute blesse ... 

Et ce n'était que le début. Car le plus petit des gardons n'a pas le profil idéal de l'ablette, parfaitement adaptée à une cuisson croustillante donnant des arêtes inoffensives et un goût délicieux. Sans compter que ma poêle, amie de longue date pourtant, m'a trahi en se jetant du haut de la cuisinière avec une incroyable maladresse ... Les schistes bitumeux, je vois mieux les risques, désormais. Je les ai combattues avec 200 grammes environ de farine qui les ont absorbés. Au final, ça n'était pas terrible du tout, pas du tout croquant, plein d'arêtes gênantes ...  Et ma douce au sourire moqueur s'est rabattue sur un autre plat. Mon honneur était entaché, mon échec était patent. Avais je été marabouté par la méchante dame du Lac ?


Mais je n'ai pas rendu les armes encore, car je me refuse à pêcher des poissons que je ne valoriserais pas. Je décide de tenter 
encore un truc en restant dans le domaine étroit mais bouillant de la friture … "S'il n'en reste aucun, ce sera moi !"  est ma devise. La nuit porte conseil, et avant l'aube, vers neuf heures trente ce matin, mon génie me cause enfin à l'oreille, me tirant d'un rêve étrange et pénétrant … Ah que pourquoi l'ablette c'est parfait pour la friture, et pas le gardon ??? Ben pass'que c'est tout fin, pardi ! Deux fois plus fin ? P'têt' ben deux fois ...  Alors je vais remodeler mes gardons.


ma dernière friture de gardons,  je vous assure ...

Le troisième round s'est donc poursuivi au couteau, pour diviser l'épaisseur des poissons, en mode levée de filets.  Renforcé par la lecture de l'Encyclopédie de la friture, et le visionnage de "La friture chez les grands chefs", j'ai allumé un feu d'enfer autour duquel j'aurais voulu danser pour forcer la chance. Mais c'était sur la cuisinière, ce feu, et je ne sais pas danser non plus.

Le résultat ? Les leçons de l'expérience ? Ne vous embêtez JAMAIS à tenter une friture de petits gardons : votre conjoint se moquera de vous, vos amis se détourneront, et ça puera le poisson chez vous. L'ablette, le vairon, le goujon, d'accord. Mais le gardon, NON !

* Il finit toujours par gagner, le dragon  gardon.


dimanche 12 mars 2023

L'œuf et la fouine

Je dis pas ça pour me vanter, loin de là, mais il y a beaucoup de ragondins en Bresse. Pourquoi ces gros rongeurs ont quitté l'Amérique pour cette plaine vaguement brumeuse, vaguement ondulée, est un mystère. La Bresse, ça n'est pas du tout Yellowstone !  A part les loups qu'on a aussi, bien sûr.

Sans leurs grands espaces qui les faisaient rêver, nos moustachus s'emmerdent, et rongent leur frein en creusant des galeries dans la bonne terre à maïs. Des galeries dans les berges des cours d'eau, ce n'est pas bien. Des galeries dans les digues des étangs, c' est très embêtant. 

Le tableau ainsi dressé explique le combat résolument symétrique entre le Bressan et l'excavateur à moustaches, où chacun fait des trous à l'autre. Dans le cas qui nous intéresse, une cage-piège a été posée à quelques mètres d'un micro étang et de la maison du propriétaire, appâtée d'un épi de maïs, un emblème bressan venu d'Amérique aussi. "Lou pane", en patois bressan. Bien appuyer sur le ne. La carotte et la pomme, ça marche aussi bien, c'est moins typique, mais plus chargé de symbolisme pour la seconde.


Des gentizanimos, un piège ... A ce stade, je rassure mes lecteurs : nous ne sommes pas des sauvages en Bresse, du moins quand les circonstances s'y prêtent. Si c'était possible, l'animal capturé serait anesthésié par un vétérinaire, mesuré, pesé, bagué, enregistré, vacciné, et renvoyé par avion en Amérique devant les caméras de BFM. Mais ce n'est pas possible, alors le ragondin est simplement explosé, percé, crevé, flingué, dézingué, zigouillé. La bestiole est même en mesure de fournir une chair excellente évoquant le meilleur lapin qui soit, mais elle rebute le Bressan. Cet être étrange, dont le ventre serait devenu jaune à force de se nourrir exclusivement de bouillie de maïs grillé -les gaudes- pendant plus de dix générations fait la fine gueule devant ces délicieuses protéines ! Mais bon, je suis pas ethnologue. Ni sociologue. "E ben n'Chaca !"* dit-on  en patois bressan, cette langue si concise.

qu'esse quézon, mes dents ?  by Lucas Fernandez


Féru de technique, le propriétaire de la cage-piège a également installé une trail-camera qui détecte le mouvement et enregistre en images ce qui se passe  autour du piège la nuit comme le jour. Et nous découvrons une magnifique fouine qui vient rôder ! Mais le maïs la rebute. Aussitôt est lancée la recherche de solutions. Réunion, discussion, décision. Au plus haut niveau : un garde-chasse, un conseiller agricole, une bouteille d'absinthe (c'est l'heure) ; l'expertise, quoi ! La fouine, rappelons-le, aime s'installer dans les isolations des habitations même s'il n'y a pas de volaille à croûter à moins de cent mètres.

- "Un 9" propose JC au second verre.
- " ???? 
- "  Ouais, un 9, c'est le mieux" 
- " C'est un chiffre magique contre les fouines ?", que j'demande.
- "Un œuf, couillon ! " qu'y m'répond.
- "Ah ouais, un œuf, bien sûr " que j'fais, comme si j'avais saisi le plan.


Il apparaît progressivement qu'un œuf sera posé comme ça dans la cage.  Ca ne se sauve pas, un œuf, tant qu'ils n'a pas éclos, et ça attire la fouine qui rentre dans la cage ... qui se ferme alors par un mécanisme ingénieux ! Drôlement malin, le truc. On allait donc, à coup sûr retrouver la fouine dans la cage.

Mais rien le lendemain. C'est malin, les fouines.

Le surlendemain, c'est la cage qui a disparu !!! "C'est vraiment très malin, une fouine" que j'ai ajouté comme ça, pour meubler ... Nous conjecturons diversement en soupçonnant un complot tantôt international, tantôt juste cantonal (il resterait un écolo au chef-lieu). Local ? On aurait bien cassé la gueule au voisin, mais il est décédé depuis quelques jours et il n'aimait pas les fouines plus que ça, selon nos souvenirs. Il avait même des poules, alors ...


Une fouine, by Steinmarder


La caméra allait parler ! Et on verrait le connard qui était parti avec cette magnifique cage-piège. Nous voilà réunis devant l'écran … et le bon gros toutou du véto apparaît, sniffe la cage, repère la potentialité d'omelette, pousse et repousse la cage, la renverse, ce qui casse l'œuf et lui permet de s'en régaler. En la poussant encore pour lécher des restes, la cage dévale dans la grande mare où elle disparaît. 

Le grillage métallique, c'est vraiment pas fait pour flotter.


* traduction google translate de "E ben n'Chaca " : c'est une chose tout à fait incompréhensible, y compris en prenant en compte un contexte sociologique et les peurs ancestrales gravées au plus profond de l'homme" (SIC)


À propos du maïs, des gaudes, de la Bresse, et des ventres jaunes.

lundi 27 février 2023

L' escabèche, façon Céline

"T'as du caviar ?" que je demande sur le marché à ce con de poissonnier . Il est gras comme un charcutier, il a dû se gourer quelque part. Toujours plié en deux devant ses vieilles pouffiasses à caddy qui lui demandent du "bar de ligne" et des bestioles gluantes, au gramme près juste pour l'emmerder ... C'est qu'un pauvre type, on ne me ferait pas chier comme ça, moi ... Mais il se marre, lui, il accepte tout, et en souriant, ce con.   "T'as pas plutôt une gueule à te payer juste une paire de sardines un peu passées ?" qu'il me répond du tac au tac ...


J'étais plein aux as pourtant ! C'est pas souvent. Mais évidemment ça ne se voyait pas avec mon survêt un peu percé et bien crade, et l'anorak presque neuf, mais un poil grand. Du caviar, il en avait pourtant deux petites boites, c'étaient les fêtes. Je suis pas aveugle non plus. J'aurais pu lui en acheter une. Mais c'est sûrement compliqué à cuisiner, les plats de riches. Juste pour ça, d'ailleurs, je n'allais pas en prendre. Les cent euros qui me brûlaient la poche serviraient bien à autre chose. Et puis, je n'avais pas de vodka, et c'est obligatoire avec. J'avais juste un kilo ou deux de vin blanc sec à la maison, comme j'aime dire.


Pour le prix de cent grammes de son putain de caviar même pas russe, je pouvais avoir vingt kilogrammes de maquereaux ! Et ça, je connais. Mais j'en ai pas pris autant, juste quatre poissons. C'est pas mal, déjà, pour un petit bonhomme, mais la veille, faut dire que j'avais pas mangé. J'avais bu, ça oui ... "Un veau qui tête bien n'a pas besoin de manger", disait Popaul, un copain d'autrefois à qui le bout d'un pied manquait. Une journée sans bouffe, d'accord, mais après, on finit par avoir drôlement faim, j'ai toujours remarqué.


A tout seigneur ...




La recette, 
inspirée au plus près de https://www.youtube.com/watch?v=ee4IQYN ... ETURCKHEIM

3 ou 4 beaux maquereaux (en filets)
20 cl vin blanc sec (j'utilise un Edelzwicker)
15 cl huile olive
10 cl vinaigre de xérès
1 carotte
1 oignon
½ citron jaune
2 gousses d’ail
1 branche de thym
2 feuilles de laurier
1 pincée piment Espelette
Sel / poivre
Fines herbes (je n'avais pas de) ... mais de l'aneth frais, j'aurais pris.




Lever les filets, laisser la peau.
Les placer ventre contre la paroi d'un plat inox (ou pas) allant au four, qui aura reçu un filet d'huile d'olive, du sel et du poivre, poser les maquereaux, resalez un peu sur la peau et poivrez

Marinade 20cl vin blanc, carottes en rondelles, oignons coupé fin, ail, huile d'olive en même volume que le vin blanc, sel, poivre grossier, piment espélette, thym, laurier, 10 cl vinaigre de xérès quelques rondelles de citron. Cuire quinze minutes.

Mettre quelques rondelles de citron sur les maquereaux. Arroser le poisson avec la marinade bouillante, et passer aussitôt 10 à 12 minutes au four à 180 degrés si le plat est en verre ou en porcelaine, la moitié à peine s'il est en inox.

Quelques feuilles de salade/ huile/ citron en accompagnement et une tranche de pain grillé, c'est parfait.

C'est vraiment très sympa et assez vite préparé ... mais pour le lendemain. Ca renvoie à leur études les meilleurs maquereaux au vin blanc en boîte, bio et tout, que j'aime bien pourtant et qui eux sont prêts à la seconde.