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vendredi 15 mars 2024

Une heure de pêche à la truite

 

Je dois fuir un forum où l'on ne peut montrer un poisson s'il est mort, et où il est interdit de parler de la cuisine du poisson. Des végans ? Des animalistes avec une fixette marquée sur le monde subaquatique ? Non, ils seraient juste les pêcheurs nouveaux. Imaginez des êtres éthérés, probablement jeunes, beaux, peut-être asexués, dépourvus d'humour mais pas d'agressivité, se nourrissant probablement du seul chant du ruisseau ou du bruit des vagues. Imaginez-les idéalement debout à la proue d'un bateau brillant comme un bijou fantaisie et couvert de publicités, pêchant des poissons magnifiques sur un fond musical à définir encore … Pour les remettre à l'eau. Et recommencer. Et recommencer.


Alors moi, le petit vieux qui pêche avec une canne à soixante balles et un moulinet soldé et qui ose manger le rare poisson qu'il pêche, je suis l'ENNEMI jamais pardonné.

Du coup je m'étais inscrit sur un forum se nommant La truite et les carnassiers, où les gens ne sont pas sectaires ! Mais voilà, il y avait "truite" dans le nom et je ne m'étais pas méfié des effets secondaires ! On ne lit pas les notices, et après, on a des soucis.

Et en ce jour de mars carrément solaire, je décide, plutôt que de pêcher le lac, d'aller voir la Cère en un lieu totalement civilisé, au sol idéalement pavé et urbain. Ces conditions très confortables sur 200 ou 300 mètres  en font les jours de soleil post ouverture de première catégorie un rassemblement de pré-ados et de post-adultes qui se retrouvent là pour des raisons différentes, mais tous avec des cannes à pêche.


A Laroquebrou, idéal pour post-adulte

Bien sûr on n'y prend rien, et particulièrement ces jours de niveau fort élevé, de courant très fort, car MON lac, quelques kilomètres au-dessus largue en permanence sa surabondance de flotte. Mais ça n'a pas d'importance.

Je me souviens vaguement, pour avoir bossé dans ce chef-lieu de canton autrefois, qu'il y a pas mal d'herbiers. Je m'équipe donc d'une monture anti-accroche avec un beau ver de terre sur une canne, et d'un leurre souple parfumé comme une pute de Bombay sur l'autre. Plombés tous deux de 3 à 5 grammes. Je supprime l'agrafe qui a tendance à me ramener des herbes, au profit d'un nœud malin, et ça marche.


Derrière la pile, LE poisson ... Ou pas


Je suis totalement surprenifié de ne pas accrocher illico, grâce au montage texan sur le leurre souple, grâce à une élytre savamment installée sur la tête plombée au ver. Je suis grand ! et le ver fera une cinquantaine de voyages avant de se rompre sur un accrochage qui était peut-être une touche. Nous ne saurons jamais.

Je redécouvre le plaisir de soutenir dans le courant rapide en guettant la touche. Ayant repèré le seul endroit où je serais si j'étais truite sauvage, dans le remous de la pile du pont, j'y lance et relance sans succès … mais avec bonheur.

Elle était belle, cette bredouille. Sur le retour depuis un paysage où les verts claquent, je scrute la montagne, y imaginant mon fils en train de glisser sur le blanc.

Sur le chemin du retour