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samedi 14 janvier 2023

Des travaux de Romain

Je vous livre le récit expurgé qu'un excellent chasseur, venu de Bretonie Septentrionale a bien voulu que je publie. Ce formidable ami rabelaisien, gothique et vaguement sataniste sait à merveille rompre la monotonie des jours auvergnats. 

C'est parti... Je n'écrirait plus un mot, ou alors en bleu.

"Safari" est un mot emprunté au swahili, langue dans laquelle ce vocable signifie "voyage". Pas forcément de chasse, et pas forcément en Afrique, mais qui néanmoins revêt forcément une dimension épique - on pourrait plus parler de "périple". Et de périple, c'est bien de cela dont il s'agit, quand on arme son fidèle Duster en Bretonie septentrionale, pour une course effrénée vers les montagnes inhospitalières et à peine explorées du Cantal. Lorsqu'en plus il s'agit d'y chasser, c'est un safari, en bonne et due forme. Fort heureusement il existe en ces rudes contrées un avant-poste, un genre d'îlot de civilisation où le voyageur terrassé de fatigue, peut espérer faire relâche et goûter aux délices d'une hospitalité authentique et généreuse, en la matière de la demeure de cet énigmatique mais pourtant toujours jovial grand chasseur qu'il est blanc.

Romain construisit d'abord le buron


J'y ai maintenant presque mes habitudes, c'est la troisième année que j'y chasse (nous occultons volontairement une tentative calamiteuse en janvier 2021, dans un contexte sanitaire délirant et un mètre de neige, où au bout de deux jours de pantalonnade cynégétique raquettes aux pieds, j'ai dû finalement jeter l'éponge et regagner ma verte Bretonie et ses ragondins, penaud autant que bredouille). Comme j'y ai mes habitudes, JJ, le propriétaire terrien et détenteur du droit de chasse, me laisse désormais les clés de la boutique. Celles, littéralement, du cadenas qui verrouille le portail à bestiaux qui permet d'accéder au territoire, et celle du buron qui y est sis. Et le fagot de bracelets. En l'occurrence, un chevreuil, une biche, un cerf, un chamois, un agneau de mouflon. Et il n'est même pas forcément sur le terrain avec moi.
Ce premier matin, partant du buron, je commence l'ascension tout seul, au point du jour, JJ devant me rejoindre en cours de matinée, et c'est lui qui a les bracelets. Si je tue, il est convenu qu'il me rejoigne pour baguer l'animal, avant de m'aider à redescendre avec. Grande sensation d'extase  que de se sentir seul au monde, roi du monde. Après une bonne suée quand même, parce que ça grimpe.

Cette première ronde sur les hauteurs du territoire a le mérite de me mettre en jambes, mais ne me montre pas d'animaux, autres qu'un renard en tout début d'ascension - mais c'est d'une part dommage de faire du boucan en tout début de sortie pour un renard, quand on est venu pour un cerf, et plus si affinités, et d'autre part je suis bien incapable de le tirer, un monstrueux coup de chaud (je vous ai dit, que ça grimpe ?) couvre mes verres de lunettes d'une buée tenace -, et deux ongulés furtifs entraperçus un peu plus loin, peut-être mouflons mais plus probablement chamois.
Mon retour au buron - non sans m'être un peu égaré et avoir fait un petit crochet sur les terres du voisin- trouve JJ sur place, discutant avec "Pyjama". De pyjama il ne portait pas, mais les surnoms, vous savez, c'est bizarre.

Nous repartons (JJ m'accompagne) vers les sommets, vers la gauche, vu que je viens de faire le côté droit. Le début de l'ascension se fait en 4x4, le Land Cruiser de JJ passe encore là où mon Duster doit s'arrêter. Il y a des pistes de bûcherons horizontales qui parcourent le flanc de la montagne. Je m'engage sur la plus haute, juste sous la barre rocheuse, JJ prend celle en dessous. La technique JJ de chasse à l'approche, c'est plutôt un genre de drücken, on avance, on dérange les animaux mollement, et on peut éventuellement se les envoyer l'un l'autre. Il faut dire que dans cette hêtraie, dont le tapis de feuilles au sol est sec et bruyant, et dont le terrain est inégal et malaisé, et cause de fréquents faux pas, il est difficile de progresser en passant inaperçu ...
Je suis sous la barre rocheuse donc, là où se tiennent les chamois - le plus souvent. Celui-ci démarre devant moi, une vingtaine de mètres peut-être, s'il s'était tenu tranquille derrière son rocher il vivrait encore. Il court, mais pas très vite, plus dérangé qu'affolé. j'ai le temps de poser au sol mon tripode, et d'épauler ma carabine, que je porte à la bretelle. Il est à une cinquantaine ou soixantaine de mètres quand ma balle le rattrape de trois-quarts arrière,  et il s'affaisse au milieu de la piste. Et il essaie de se relever. Une précédente expérience malheureuse m'ayant appris qu'il vaut mieux casser un peu de viande de que de perdre un animal blessé qu'on croyait incapable de se relever, en essayant d'aller le servir au couteau, je le double et règle la question.
Las, si le coup de grâce s'avère finalement inutile parce qu'il a l'arrière gauche cassé (sous le genou, heureusement, sans donc trop de dégâts sur le cuissot) et l'antérieur droit aussi, ce qui l'a immobilisé pour de bon, le placement en est calamiteux... Inutile de seulement penser à déposer ça chez mon taxidermiste, je tiens à ce que nos bonnes relations le restent. (la balle dans sa course finale l'a défiguré)


Après avoir vidé le chamois sur place, c'est un bouc de quatre ans, et être redescendu au buron, c'est donc un rapide casse-croûte et un coup de champagne (de marque [b]Benelli[/b] - c'est important d'avoir des relations), parce que les émotions ça donne soif, avec JJ et un pote à lui, et retour chez le grand chasseur qu'il est blanc, pour une session d'écorchage et découpe de l'animal suivie d'une autre libation de champagne [b]Benelli[/b], parce que ça commence pas trop mal. C'est toujours une bonne idée de prendre un carton de champagne avec soi quand on va à la chasse.

Et avec le champagne, ce grand chasseur qu'il est blanc sert de divins filets fumés de perches et de silure, fruits de sa pêche acharnée et passionnée.

Fêter il faut savoir ... champagne et filets fumés maison




Le lendemain de ce succès, certes un peu entaché de tirs moyennement propres, mais succès quand même, je repars, tout seul, initiant mon circuit depuis un point différent, avec l'espoir de rencontrer ce cerf pour lequel je sui venu. J'ai tous les bracelets restants avec moi, parce que si c'est autre chose qu'un cerf, je prends aussi. Vous noterez que j'ai changé de veste, JJ m'ayant appris la veille, une fois la chasse finie, que depuis cet abominable accident l'année dernière où le sort a pris la vie d'une jeune randonneuse et brisé à jamais celle d'une encore plus jeune chasseresse, il est obligatoire dans le Cantal, de porter de l'orange (pas forcément intégral) en chasse individuelle. La veille j'étais donc dans l'ignorance, et en infraction ...

Toujours seul au monde et roi du monde, mais sous un ciel un peu moins rieur que la veille :

C'est pourtant depuis cette piste à la limite du praticable, mais reposante par rapport au début du parcours, que je repère un mouflon. Qui ne demande pas son reste, que je n'ai que le temps de mettre en joue avant qu'il ne disparaisse, et que je ne peux pas jauger avec certitude à cause du brouillard - le monoculaire thermique me l'a montré, mais en optique de jour, on n'y voit vraiment pas clair. De toute façon il est seul, il y a donc peu de chances que ce soit un agneau, et je ne peux rien tirer d'autre qu'un agneau.
Moins de cent mètres plus loin je trouve ses potes. Au moins trois béliers dont un très gros, je ne vois pas distinctement le reste, toujours cette brume, et des arbres partout. Bien sûr, eux m'ont vu, et ils en ont rapidement assez de me voir me contorsionner pour tenter de voir ce qui se cache derrière tel ou tel tronc. Au revoir mouflons.

Encore deux ou trois cents mètres de progression, et je trouve quelque chose d'intéressant. Entretemps la brume s'est levée, une jolie biche et deux autres animaux plus petits sont couchés au soleil - en fait je vois cette biche, une bichette, un troisième animal dont je ne vois que le cul, le reste est caché par un arbre. J'ai un bracelet pour la biche, et la biche, c'est bon. Elle est zen, ne m'a pas calculé. Couchée et positionnée de trois-quarts avant, elle regarde dans ma direction, mais ne me voit pas - elle tourne la tête calmement pour regarder ailleurs, revient à sa position initiale. J'ai le temps de sortir mon télémètre, de mesurer cent trente mètres, et même de faire une photo avec mon téléphone. Puis je décide de lâcher mon tir. La biche reste sur place, ne s'est probablement rendu compte de rien, les deux autres animaux, deux biches plus jeunes, se lèvent et s'éloignent plutôt calmement.
Je les laisse s'en aller avant de bouger pour rejoindre mon gibier. La balle est entrée à la base du cou, côté droit, un peu haut, et l'a foudroyée.

Mais... Une biche c'est lourd, et je suis seul. J'échange par téléphone avec JJ, pour l'informer du tir d'une part, pour aussi recueillir son avis, lui qui connait mieux son territoire que moi, quant à la stratégie la moins pénible pour débarder. Je rentre au Duster après avoir posé le bracelet, et reviens me garer en contrebas, aussi haut que je peux avancer. Chance, il faut la descendre, pas la remonter. Et le chasseur prévoyant, a de la corde et des gants. Deux cents mètres comme ça, quand même.

J'ai pris soin de repérer un arbre au gabarit adéquat pour la tâche qui m'attend. Je n'aime pas vider au sol quand je peux faire autrement, j'aime mon petit confort. J'ai de la corde, un moufle, une suspente, un arbre. J'installe mon petit atelier nature de traitement du gibier et me mets en besogne de vider ma biche.

La balle en continuant sa course a pénétré la cage thoracique par le haut, côté gauche, détruisant le poumon gauche et traversant le rumen. Je le sais parce que j'ai poussé le vice jusqu'à fouiller le contenu du rumen et ne l'ai hélas pas retrouvée. Et est quelque part dans le reste des viscères, elle n'est pas ressortie.

Débarder, vider, facile. Enfin, presque. La partie amusante, c'est maintenant : faire entrer le bazar dans le Duster. Rappel : il n'y a personne pour m'aider  :mrgreen: 

rabelaisien, je vous dis ...



Une corde autour du cou, passée par la portière, et on tire dessus en lâchant progressivement du mou sur le moufle, pour faire entrer l'avant. On revient vers l'arrière de la voiture, sans lâcher de corde, et on tire d'un côté en laissant filer de l'autre, en soutenant le poids de la biche sur l'épaule, transfert de poux et tiques assuré, et on pousse. Et ça marche. Mon père me disait toujours, quand on n'est pas fort il faut être malin.

Victoire ! Encore. Mais surtout, encore plus. Chassée, trouvée, tirée, tout seul. Débardée, tout seul. Et chargée, tout seul. Retour chez le grand chasseur qu'il est blanc, écorchage, découpe, champagne ! Encore. Une fois rentré en Bretonie, c'est Plancoët pendant une semaine.

Le matin du troisième jour je n'ai pas abandonné l'espoir de tirer ce cerf, évidemment. Il fait un temps splendide. Je décide d'explorer la partie basse du territoire, carrément pas à l'aube, le tir de la biche la veille à 10h24 m'a appris que le départ aux aurores n'est pas une stricte nécessité, et puis, ça commence à tirer un peu sur l'organisme, aussi. J'ai des courbatures partout. Point de cerf.

JJ me rejoint, on casse une petite croûte. Il me sert du gewurz, que je suis content de boire, et il m'en ressert un, et il me dit qu'on va aller faire un tour du côté de là-bas très haut. Si j'avais bu les deux verres de pinard, c'est que je comptais bien m'arrêter là pour aujourd'hui, ou du moins ne reprendre que le soir, tranquille, à l'affût assis devant le buron, en surveillant le pré en contrebas. Après tout, c'est comme ça que j'avais tué mon chamois l'année dernière. Et puis j'ai laissé des bouts de tripes de la biche en bas, et j'ai posé les os en haut, en me disant que peut-être je verrai passer un renard. Mais non, il faut se remettre en route, et encore bouffer de la pente. Sans surprise, les deux verres de pinard me coupent les pattes. JJ, saligaud ! Bien sûr, nous ne voyons rien. À part des cèpes, ça court moins vite que les cerfs et c'est bon aussi. Et moins lourd à redescendre.

J'avais proposé au grand chasseur qu'il est blanc l'idée de m'accompagner pour ce court affût du soir. Qui ne nous aurait pas fait rentrer trop tard, et n'aurait donc pas gêné son adorable épouse. Et puis, il était plus que temps que nous parvenions à partager un moment de chasse. Je le récupère donc chez lui vers 16h30, il revient d'une partie de pêche enfiévrée qui lui a offert onze beaux gardons. Nous prenons la route pour le buron. J'installe le grand chasseur qu'il est blanc dans une chaise de jardin, lui sert un Lagavulin, lui confie le monoculaire thermique et m'installe avec mon autre carabine sur un appui stable, sur bipied.
Une demi-heure avant l'heure légale de fin, alors qu'il commence à faire déjà sombre, à peine de quoi tirer mais la grosse Kahles (lunette de tir) laisse heureusement passer - tout juste - ce qu'il faut de lumière, le grand chasseur qu'il est blanc m'annonce : "là-haut, un animal ! C'est un renard, ou un loup ! Tu le vois ?"
Je cherche dans ma lunette, balayant le flanc de la montagne pour m'arrêter sur une masse sombre qui se déplace au pas. "Oui, mais je sais pas ce que c'est !" L'animal se déplace de cinq ou six mètres, je distingue mieux sa silhouette sur un fond un peu plus contrasté. "C'est un sanglier !" Le réticule est déjà là où il faut, le fracas suit ma confirmation d'identification, et le sanglier tombe comme une brique. Euphorie, liesse ! Le grand chasseur qu'il est blanc s'assure, grâce au Pulsar, que le sanglier reste bien là où il est tombé. Nous nous servons une rasade de Lagavulin, rangeons la carabine à bord du Duster, et montons le chercher.
Ce n'est pas chose aisée de mettre la main dessus. Malgré torche puissante et vision thermique, il nous faut une bonne demi-heure avant de le trouver, trente mètres plus bas que la piste, dix mètres plus bas que les ossements de la biche. C'est peut-être pour ça qu'il était venu, le bougre. Il y a deux cents mètres depuis mon poste de tir. C'est le gros. C'est. Le Gros. C'EST LE GROS ! Fille de joie !




Et ça va être une horreur de le remonter. Je le prends par une oreille et je tire. Il ne bouge pas d'un centimètre. Heureusement j'ai des cordes (je vous l'ai déjà dit, non ?). Et heureusement j'en ai assez pour aller du sanglier jusqu'au Duster, après avoir passé la corde derrière un arbre en bord de piste. Le grand chasseur qu'il est blanc s'installe au volant, et recule hardiment tandis que je reste dans la pente pour aider la remontée du keiler. Nous le montons sur la piste avec une aisance qui confine au comique.


Et le voici, le fier grand chasseur qu'il est blanc, posant pour la postérité avec la grosse bête dans la prise de laquelle il a joué un rôle majeur 

Pour la postérité seulement




Champagne. Encore. Dîner. Je plane. Je crois que lui aussi. Il va se coucher, il me reste à éviscérer cet admirable et authentique sanglier de montagne, du genre qui n'a pas dû manger beaucoup de maïs dans sa vie. Je crois que je suis encore plus content que si j'avais tiré ce cerf pour lequel je suis venu.

La balle a touché le haut de l'épaule et sectionné la colonne. Sprütch, comme on dit (ou sprøtch, je ne sais plus - ça dépend de l'accent). (Sproutch en cantalou classique)

Et au retour, en apothéose, au péage à Clermont-Ferrand je me retrouve derrière un ami des zanimos, moi qui trimballe un chamois et une biche en pièces détachées, un sanglier le ventre en l'air, quatre carabines, les fromages offerts par le grand chasseur qu'il est blanc, et de quoi découper et mettre sous vide la moitié d'un troupeau.

                                                                                                       Romain


lundi 2 janvier 2023

Mes viandes fumées

 

Un jour j'ai eu envie de faire MES salaisons, MES poissons fumés. Jusque là, tout au plus j'avais bricolé du biltong (qu'on trouvera sur mon blog), et c'était excellent. Un autre jour un ami m'offrit deux magrets fumés par ses soins et l'envie de le faire commença à me titiller.

Comme mon temps disponible s'était allongé en même temps qu'une de mes jambes s'était raccourcie, les astres et les désastres se trouvèrent parfaitement alignés. Alors, si comme moi vous êtes vieux, si vous êtes moche, vous êtes con, vous pouvez le faire !!!!

Chose étonnifiante pour un homme doté par une nature ingrate de deux mains gauches, je n'ai raté aucune préparation depuis le départ, et leur qualité va croissant, comme le disent si justement les boulangers. Dans un élan de générosité, je partage la réinvention la poudre, car après beaucoup de lectures et quelques tâtonnements, je peux vous livrer la recette pour réussir tout de suite et sans trembler. 

Et ça vaut le coup : on vous louera pour votre savoir-faire, on vous adorera, les plus belles femmes tomberont dans vos bras tel un vol de gerfauts hors du charnier natal * ...


Pseudo Coppa


Si cela vous tente, vous ferez du très bon, ça je vous le promets. Mais de l'ultime, non.

Le cycle, c'est : saler, fumer, sécher … Si c'est du poisson, sécher sera réduit à rien ou à peu.


Pour une vue d'ensemble : une pseudo Coppa

Soit un morceau d'un kilogramme exactement d'échine de porc, destiné à une pseudo-coppa. Je mélange 35 grammes de sel de Guérande, 17 g de sucre roux bio, 2 grammes de coriandre, 2 grammes de poivre noir, quelques baies de genièvre. Selon l'humeur, un bon peu de piment maison pourrait s'ajouter ou se substituer.

On répartira le mélange sur la viande en la massant puis on mettra tout ça sous vide pour 5 ou 6 jours, en retournant le sac tous les jours (un plat juste adapté en taille, couvert d'un film plastique ou d'un couvercle, c'est aussi bien), laisser la saumure qui se crée . Ensuite on sèche en tapotant au Sopalin, on masse à peine avec une lichette de  gnôle ou pas, on remet au frais pour une journée ou une demi-journée de ressuyage sur une grille ou suspendu.

Puis fumage deux fois 12 heures, ou trois, puis mise en séchage dans une cave à vin dont l'humidité sera pilotée par un hygrostat de type Inkbird, qui commandera à la fois un mini déshumidificateur et un mini humidificateur.


Le séchage de ce bout de cochon durera alors une trentaine de jours ; on suivra la perte de poids une fois par semaine au moins par une pesée. On s'arrêtera vers 34 à 38 % de perte de poids.

On pourra, si on résiste à la manger tout de suite, mettre cette pièce ou une partie au moins sous vide dans la cave à vin pour un mois ou deux de plus ; ce sera encore meilleur.


1 SALER

Supprimer d'abord les risques lié au salage : Pour ça, abandonnez l'idée même du salage par enfouissement – recouvrement. Les anciens, cramponnés à la tradition comme des moules à leur rocher, discutent de quel sel, de combien de temps enfouir, de comment ensuite dessaler ou pas, comment rincer leur viande,  et ils utilisent à minima un kilogramme de sel par kilogramme de produit. Gabegie ! Au final et après des années de tâtonnements, leur résultat est certes excellent mais avec encore possiblement un peu trop ou pas assez salé ... car le sel n'est pas tout à fait le même, car le produit à saler était un poil différent, car la météo était trop ci ou trop ça. La tradition ne résiste pas selon moi à la démocratisation des balances au centième de gramme et au salage exact.


Passez au salage EXACT

Pour moi ce sera du sel fin de Guérande (il pourrait être d'ailleurs, si non traité, et sans rajout).

Pour le poisson (truite de pisciculture, sandre, perche, maigre, silure), j'utilise 30 grammes par kilogramme. Pour les viandes (cochon, magret, chamois, cerf, bœuf, chevreuil) 35 grammes par kilogramme. On peut varier de 2 grammes vers le haut.


Ajoutez du sucre

Mettez la demi dose de sel en cassonade. Le principal rôle du sucre est le même que celui du sel, déshydrater la viande sous l'effet de la pression osmotique. Le sel et le sucre pénètrent, eux, en sens inverse par phénomène de diffusion. Le sucre pénètre très peu, seulement en surface, et ralentit la pénétration du sel.

On lit aussi que sucre aiderait aussi à obtenir une belle couleur, un goût adouci, et qu'il pourrait servir de carburant pour contribuer à une fermentation lactique.

2 ASSAISONNER
L'assaisonnement juste sera moulu ou pilé puis mêlé au sel et au sucre.

Mon assaisonnement de base repose souvent sur 2 grammes de graines de coriandre (j'adore la coriandre et je la torréfie un peu) par kilogramme et 2 grammes de poivre noir par kilogramme ainsi que 4 baies de genièvre par kilogramme pour le cochon ou le gibier.

Le " cinq baies " remplace parfois le poivre noir

L'aneth remplace souvent les baies de genièvre pour le poisson.

Les piments de force faible à moyenne (type Espelette) peuvent s'ajouter, ou se substituer à un composant. Il me reste beaucoup à découvrir dans le domaine des assaisonnements et des piments. Le jalapeño, le chipotle, plus chauds que l'Espelette que j'utilise jusque là, semblent intéressants.

On peut rajouter du piment soit à ce stade, soit après la phase de salaison juste avant celle de repos. En fin de salaison, je ne rince JAMAIS. 

Je sèche juste avec du Sopalin, et je tapote ma pièce avec une lichette de gnôle blanche de prune, ou du whisky ... Ou bien je la bois. Il me semble de plus en plus que ça n'apporte rien du tout ... 

Je laisse ressuyer douze à vingt-quatre heures au réfrigérateur ou sur une grille dans la cave à vin. On peut aussi ressuyer 2 jours, le fumage sera plus efficient.

assortiment de silure et perche fumés


3 FUMER

L'outil obligatoire est le colimaçon (20 à 40 euros) ou générateur de fumée que l'on garnira de sciure de hêtre de qualité fumage. Voici le mien.Avant utilisation, sécher la sciure par un passage au micro-ondes d'une minute en fine couche sur une assiette plate, puis la remuer, cela chassera un peu plus d'eau et évitera les pannes de combustion. Le four à 80 degrés fait bien l'affaire aussi en deux petites heures.

Le fumoir peut être un emballage en carton de bonne taille (électroménager), plus une grille et des crochets, bien sûr. Un bricolage en bois c'est possible aussi, mais j'aime le luxe raisonnable (100 euros pour le mien, genre baril, en tôle, au look sympa). Klarstein, qui vend aussi directement, vaut par la qualité de ses produits. En inox, c'est mieux encore.

Il faut éviter de fumer par temps chaud, disons, plus de vingt degrés, et garder le fumoir à l'ombre. En été, fumer de nuit est la bonne solution que je pratique abondamment. Tant que ça fume, aucun animal sauvage ou domestique ne viendra renverser le fumoir.



4 SECHER

QUELS OBJECTIFS : 

Le séchage va permettre la conservation dans le temps. Après le sel qui commence à déshydrater le produit, le fumage qui contrarie les développements microbiens, le séchage poursuit l'action vers la conservation et l'obtention d'un goût et d'une texture.

On peut apprécier finement le degré de séchage au travers de la perte de  poids par rapport au produit initial, pesé après parage et avant salage et assaisonnements. Quelle valeur rechercher pour déguster ? C'est un idéal très variable selon les produits et les personnes.

Poisson  10-20 % (sur les hauts, c'est pour le manger à la main à l'apéritif)
magrets  28-32 % 
échine de porc (coppa)  34-39%
poitrine fraîche (lard entrelardé)  26 à 29 % (on peut sécher moins pour cuisiner avec)
filet mignon 40 % 
filet de cerf  40 % et plus

Les charcuteries séchées, conservées en sac papier au réfrigérateur après la première dégustation, continuent à sécher doucement. Il faut en tenir compte.

MA CAVE ELECTRIQUE


A peu près personne ne possède une cave dont l'hygrométrie constante serait proche de 75 % avec une température constante entre 12 et 15 degrés. Alors sécher seulement quand c'est le bon moment de l'année … ou bien utiliser une cave à vin.


La mienne est une cave de service pour 106 bouteilles, de marque Triumph, réglable de 5 à 20 degrés, ce qui en fait, avec ce minimum possible, un réfrigérateur d'appoint, mais malheureusement pas une étuve (c'est 26 degrés, souvent, un étuvage). Elle valait 400 euros environ. Une ventilation est présente, active seulement quand le compresseur tourne. Elle dispose, je crois, d'une correction chauffante : si la cave était stockée dans un local à 7 degrés et que l'utilisateur veuille 12 degrés, elle chaufferait. Fonction encore à découvrir.

J'ai ajouté un petit déshumidificateur : mon déshumidificateur environ 40 euros, à effet Peltier, consommation 21 Watt. L'efficacité est suffisante même si elle est très faible.

Et un petit humidificateur : genre humidificateur pour chambre de bébé. Le mien a une contenance d'un litre. C'est un peu juste, mais ça va ! Environ 25 euros.

Et ces deux outils pilotés par un hygrostat Inkbird : environ 50 euros. mon inkbird ici


L'humidificateur et le déshumidificateur sont donc pilotés par l'hygrostat Inkbird. On ne veut donc pas d'humidificateur ou de déshumidificateur possédant eux mêmes un hygrostat. Il doivent par contre posséder un interrupteur physique ou un réglage de débit ayant également cette fonction mécanique d'interrupteur. Il seront toujours sur marche et ainsi ils fonctionneront quand l'hygrostat distribuera le courant à l'un ou à l'autre appareil selon les réglages choisis. Les modèles à interrupteur électronique ne redémarrent en général pas quand l'hygrostat remet le courant, ou oublieraient le réglage de débit ... La cata assurée.

J'ai ajouté un minuscule ventilateur de 4 cm de côté, qui tourne en permanence, et c'est une chose que je crois importante : une bonne cave souterraine autrefois devait avoir un soupirail, on pendait par exemple le gibier près du soupirail pour qu'il ne se corrompe pas ; mon ventilateur m'a coûté environ 20 euros.

Celui-ci serait tout aussi adapté et moins cher : alternative ventilateur

viandes séchées à l'apéro, en attendant la suite



LES REGLAGES

Un réglage à 79 % d'humidité relative, avec des seuils de déclenchement à + 5 % pour le déshumidificateur et – 5 pour l'humidificateur est une bonne base de départ dans une pièce à 60 % d'hygrométrie . Les réglages comme le suivi peuvent être faits sur le smartphone avec mon modèle d'hygrostat Inbird.

Les deux appareils écrêtent les mini et les maxi d'humidité de cette manière dans une cave moyennement chargée en viande à plusieurs stades de séchage. En bleu la courbe sans les deux appareils.




Une chute d'humidité rapide se produit, comme dans votre réfrigérateur, quand le compresseur fonctionne. On constate que le déshumidificateur, qui consomme seulement 21 Watt pendant son fonctionnement provoque malgré tout des démarrages plus fréquents de la réfrigération. Le micro ventilateur, ça ne compte guère au plan électrique, l'humidificateur non plus.

La courbe bleue, sans l'usage des deux appareils oscille sur 30 points

La courbe orange montre que les deux appareils en place réduisent l'oscillation à un bon 10 % . Une régularité que je recherche.

Est-ce vraiment important ? Difficile à dire. Des amateurs se passent de ces deux appareils au profit d'absorbeurs d'humidité divers si le séchage n'est pas assez rapide, ils ajoutent une bassine d'eau en bas dans le cas contraire. Je pense qu'il n'est pas difficile de se passer de l'humidificateur, mais je déconseille l'impasse sur le déshumidificateur.


En cours de séchage

La lenteur est la clé du succès. Certaines viandes sèchent plus vite que d'autres : moins il y a de gras visible, plus le séchage se déroule vite. Si la viande durcit trop à son pourtour en restant molle à cœur, l'astuce est de mettre ces morceaux quelques jours dans un sac plastique, et l'humidité se répartira à nouveau ; puis on reprend le séchage.


5 Les consommables

La sciure : Chez Politec, un excellent fournisseur à tous points de vue. https://www.fumoir.net/

Ressources, recettes :

Politec encore trucs et astuces et recettes, et tout le reste

Le blog du saucisson, solide

Le barbecue de Rafa un peu léger parfois

Two guys and a cooler pour l'ensemble de l’œuvre. En anglais mais OK avec sous-titres traduits.

Et surtout   https://www.youtube.com/@diyiwonabastien que j'aurais aimé découvrir quand je tâtonnais, car nos pratiques sont quasi identiques ... 


Il y a énormément de trucs à pleurer sur Internet en matière de tutoriels. Des informations fausses, des libertés avec la sécurité alimentaire. Mais aussi pas mal de trucs inspirants.



6 Les produits que j'ai fumés depuis un an et des poussières.

  • des maquereaux pour le premier test. De chez M'sieu Picard, donc congelés

  • des truites saumonées de pisciculture archi fraîches, tuées devant moi

  • du maigre, un excellent poisson de l'Atlantique

  • des filets de perche, de silure, de sandre provenant de ma pêche, toujours très bons.

  • des filets mignons de porc provenance Grand Frais, de l'échine pour pseudo coppa et de la poitrine pour du lard du même endroit.

  • puis les même produits provenant de cochons fermiers.

  • du filet de cerf et des muscles provenant de la cuisse, un régal.

  • du bœuf une fois, étrangement bof bof, du chamois une fois, pas souverain.

  • des magrets de canard.


On peut fumer des produits ayant été congelés avec soin : je l'ai fait pour du poisson et pour du gibier, il faut alors être très prudent.

On peut congeler ensuite un produit séché qui a été fumé frais. Le poisson fumé ne se dégrade pas gustativement sous l'effet de la congélation, contrairement au poisson frais.


7 CONSERVATION

Une viande séchée qui a perdu 30 % de son poids, qui a été fumée (c'est anti bactérien et anti oxydant), et salée (anti bactérien, réduction du travail de l'eau) a tout pour se conserver longtemps au frais, sans être congelée. Sous vide, elle cessera de sécher.

Le poisson non consommé au bout de trois semaines mérite d'être congelé.

Le poisson sauvage, tel le silure ou les perches de ma pêche, mérite une congélation qui le nettoiera de parasites éventuels, même si c'est improbable.

Ne séchez pas de sanglier, sauf si vous disposez d'un test négatif à la trichine. Pas de souci pour les autres grands animaux de chez nous.


Enfin je sais que j'obtiens une fermentation lactique améliorante.

J'ai lu sur la fermentation lactique ce que j'ai trouvé, et peu d'études sont accessibles au vulgum pecus. Même avec Google Scholar, difficile de trouver ce que l'on cherche. L'IA devrait aider. 

Certains jambons ont droit à un étuvage à un stade déjà avancé du séchage. Le biltong semble toujours fermenter selon les études trouvées. Faut-il des températures momentanément élevées pour déclencher ces fermentations ? Tel un étuvage ? Une fermentation lactique a t'elle lieu en douce et en longueur en améliorant le goût. Mais dans quelle plage de température ?

Je n'abaisse guère en dessous de 12 degrés la température de ma cave J'avais été émerveillé par le goût merveilleux d'une pseudo-coppa qui avait passé 80 jours dans la cave, dont près de 50 sous vide. À 12-13 degrés. J'avais remarqué plus d'une fois que mes sacs sous-vide ne semblaient pas très étanches en cours de maturation, comme détendus : sans doute ma maladresse ? Pour des steaks de biltong très soigneusement emballés pour leur maturation, c'était carrément flagrant. Pas des ballons, hein, mais un gonflement clairement endogène,

J'ai vérifié alors que la fermentation lactique produit bien un dégagement gazeux. Et je sais donc que je faisais bien de la fermentation lactique longue, mais de la même manière que le bourgeois gentilhomme faisait de la prose ! 

* N'hésitons pas à faire littéraire ! Vous avez ainsi presque échappé à "tomberont dans vos bras comme des scouts sous des soutanes".