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jeudi 17 décembre 2015

Dans la forêt (2)

Dans ma forêt, je suis revenu, mais pour une petite battue cette fois. C'est l'occasion de rencontrer d’autres chasseurs du groupe que je ne connais pas encore. Nous partageons à trois, la veille, un gîte où j'arrive  à 18:00, suivi une heure après par Maurice, et à 21 heures par un travailleur, Mickaël. Venant du sud ou du nord, nous avons tous trois roulé trois heures environ. Le lendemain matin, il a fortement gelé et je prends pour vous une image des Hautes-Cévennes hivernales.


les Hautes-Cévennes en mode "hiver"


Ce territoire de cinq cents hectares de forêts se trouve sur une zone marquée par l'histoire des religions et des hommes. Le futur pape Urbain V y naquit à quelques hectomètres, au château de Grizac,en l'an 1310. Mais les modes passent, et quatre cents ans après, les camisards se battirent pour conserver leur droit au culte protestant qu'ils avaient adopté.  Au cours des troubles, l'abbé du Pont du Monvert fut occis au bord du Tarn naissant. Les massacres furent pleins d'entrain, les hameaux des Cévennes furent détruits et brûlés par l'armée royale pour éteindre la révolte. On y brûla vif du protestant en 1703, le roi soleil tournant au roi barbecue, peut-être sous l'influence de la Maintenon, bigote à joli cul.

M'adonnant moi-même à l'adoration de Diane, et ayant seulement occis sur ce territoire un brocard en début de saison, j'imagine que le sacrifice à ma déesse d'un sanglier la comblerait. Nous sommes onze je crois, à remplir les moult formalités qui font de nous des citoyens au-dessus de tout soupçon.

Le plan d’attaque est soumis à une discussion à laquelle participent ceux qui ont une connaissance minimum de l'ensemble du territoire, ce qui n'est pas mon cas. Et cela se fait en un temps si court pour aboutir à une adhésion générale que cela mérite d’être souligné quand nos votes vont vers des gens pour qui la démocratie est le chemin, mais pas le but.

Dans les véhicules qui longent les pistes, nous croisons une compagnie de sangliers en allant nous poster … Heureux présage ? J’ai un poste qui me réjouit … Mais je dois le quitter pour "50-100 mètres  plus bas", car mon voisin Maurice se trouve posté plus bas qu’il ne pensait, à cause de ceux qui sont plus haut … mais moins haut que souhaité. Je descends  deux cents mètres  de chemin zig-zaguant sans découvrir de draille prometteuse, et je remonte un peu, pour me poser en un endroit qui m’assure un peu de vue dans une saignée d'arbres. Je verrai, une grosse heure après, passer, encore au-delà, une compagnie menée de loin par nos chiens. Avant cela, j’ai imaginé que la pétarade quasi immédiate après notre installation venait de  mes sur-voisins, mais elle est en fait plus loin. C'est l'effet néfaste du casque amplificateur qui protège mes oreilles. Et mon voisin tue en fin de matinée un sanglier, dont les comparses en fuite passent au poste que j’ai dû abandonner. Je  lâche une balle à un contre mille, à plus de cent mètres sur les quelques quasi marcassins restants,  passant comme des fusées, en pointillés, entre les hêtres au dessus de moi. Sans résultat, que Diane me pardonne.

A la pause, trois ou quatre sangliers sont au tapis pour une quinzaine de balles tirées au moins. Et nous attaquons les 300 hectares restants après un rapide pique-nique. Je connais le poste que je dois prendre, mais il s’avère que suite à une incompréhension, un chasseur veut aussi y mettre son invité. Je suis à nouveau déclassé, bien plus bas, mais j’ai au moins une ou deux vieilles drailles pour entretenir la flamme de l’attente. Je ne verrai rien, mais le casque me permet de suivre les menées lointaines et les tirs. Deux biches sont tuées, les sangliers échappent à plusieurs tirs.

Ibis, jeune chienne "Rouge de Bavière" et une biche adulte ; cette race a une forte aptitude à rechercher les animaux blessés

Pour le même prix, Maurice, heureux chasseur du jour avec deux pièces en deux balles, une biche et un sanglier, nous fait une démonstration d’éviscération parfaite en milieu inhospitalier. Comme toujours en ces cas, j'ai honte de mes deux mains gauches, et je me promets néanmoins de suivre sa méthode sur mes animaux, chamois et chevreuil le plus souvent. Au retour, deux marcassins généreusement attribués voyagent avec moi, mais ils restent mutiques durant les trois heures de route. Un peu de rancœur peut-être, ou juste une façon d’être ?

Les chiens et les piqueurs ont été magnifiques toute la journée, et le tableau de cinq ou six pièces récompense une organisation sans faille.

mercredi 16 décembre 2015

Un ragoût de marcassin

Pô difficile, et bien bon ...

J’ai hésité à le faire en gratin. Ou bien Melba, mais il faudrait un talent à la Desproges, et j’en suis si loin … Mais ma douce m’a accordé un 17/20 pour mon ragoût de marcassin, et m’a proposé une nouvelle mission. Au choix : sauver le monde, ou bien faire une terrine de marcassin pour des amis qui viennent dimanche.  Alors je me suis dit, avant de prendre tant de risques, que j'allais partager avec vous cette recette de ragout.



Et après avoir beaucoup hésité, un peu parce qu’il fait frais dehors aussi, j’ai finalement opté pour la terrine. Qui n’est en ce moment qu’un projet. Mais pour le ragoût, voici la recette pas à pas … 


Un marcassin (jeune sanglier)






Prenez, par les moyens qui vous conviennent, chasse, braconnage, commerce, un marcassin de 14 -18 kg. Eh oui, c’est le centenaire. Douze kilos, vingt ? Jetez. Disons qu’il fait 15 kg éviscéré. Suspendez-le au garage, ou au lustre si vous vivez en appartement. Dépouillez-le amoureusement, pas trop vite, tout doucement. Séparez la tête, fendez l’animal en deux parts égales, découpez les cuissots jusqu'aux filets inclus éventuellement -pour faire de belles pièces dans ce petit animal- et les épaules. Séparez le bas des côtes, et le cou que vous découpez, et auxquels vous rajouterez une épaule, selon le nombre de convives, ou même deux, pour notre recette. Je précise une nouvelle fois, à la suite d' incompréhensions, que l’on rajoute une épaule de marcassin, pas de convive ! Donc, des bas morceaux, et peut-être une épaule, ou même deux. On peut jeter le reste de l’animal, mais cela est idiot si l'on a un congélateur ou des amis. 



Jetez un verre d’huile dans une cocotte. Il ne s’agit pas d’une fille légère, mais d’une sorte de casserole épaisse de paroi à en être lourde. Jetez-y également une carotte en rondelles, un ail finement tranché et un oignon traité un peu plus grossièrement. Quelques lardons. Non, pas les bébés sortis du congélateur ! 

Ajoutez le marcassin découpé, faites dorer, salez poivrez, laurier, thym, genièvre si vous aimez. Un verre à gnôle d’armagnac, et flambez. La cuisine s’embrase ? Eteignez (on dit parfois déglacez) à la bière. Un bon demi-litre de Jenlain est parfait. 


A table ...






Quand le four est à 130 degrés, mettez-y la cocotte  glougloutante pour une heure trente, bien couverte. Au bout de ce temps, rajoutez des pommes de terre à chair ferme simplement épluchées, pour trente bonnes minutes encore, en veillant à ce qu’elles baignent en partie, pour le salage, pour le parfum. La variété Désirée est d'une fermeté parfaite.

Voilà. Bon appétit. On peut trouver facilement du sanglier à la période des fêtes. Demandez-le jeune, mais c'est le cas en général.

lundi 7 décembre 2015

Dans la forêt lozérienne (1)



Le Front National monte … alors je descends. Dans les Cévennes … Mais qu’elle est loin, cette forêt lozérienne ; je roule le cœur léger vers une chasse que j’espère belle. Il reste biche, chevreuil, et sanglier autorisés. Je serai seul sur les cinq cents hectares et comme j’aime les équipes restreintes et soudées, je ne me plains pas. Je ne suis pas dupe cependant que pour me nuire, "on" a allongé le trajet, ajouté une multitude - ou même deux ? - de virages traîtres, et avancé l'heure où la nuit tombe. J’arrive lessivé au gîte -sans couvert- et c’est sympa de reprendre contact avec les gens de la montagne du Bougès, devant un verre. La cheminée flambe, la chaleur n’a pas encore atteint le coin cuisine, mais je dors dans la mezzanine où il fait bon.

Bonne gelée et temps clair me semblent de bon augure le lendemain. J’adapte mon projet d’affût initial - ce qui consiste à se placer immobile et silencieux en un lieu de passage présumé des sangliers - et je préfère descendre aussitôt par les chemins forestiers vers les 1200 mètres, que j’atteins vers neuf heures trente. J’avance à pas de loup, quand je suis aboyé par le même brocard qui déjà nous ridiculisa chacun notre tour, Jean-Noël et moi …  Et sûrement d’autres. Je ne le vois même pas filer. Bah ! Pour être aussi malin il doit être très vieux et tout en nerfs.  Je tourne le curseur de mon attention sur cent pour cent, car j’approche de mon spot fétiche. Je jumelle attentivement, minutieusement. « Y’a pas rien », semble t-il, comme dans la double négation quercynoise qui enchérit et ne renverse pas. Mais ça va venir, pensé-je : le petit estomac des chevreuils va les trahir. Je cherche une pierre, un bois mort, pour y poser mon derrière, un peu inattentif et trop visible un instant, quand un mouvement taquine le haut de ma rétine … Deux chevreuils fuient tranquillement et sans affolement, à moins de cent mètres. Je pose la carabine sur mon bipied, et le réticule trouve des culs qui s’éloignent. Un peu plus de profil, bordel ! Mais non. Si je m’étais assis au mépris du confort extrême … Bah ! J’en tuerai un demain, et ce ne sera que mieux, me dis-je en me donnant sur l’épaule, la vraie, une petite claque affectueuse.

Forêt sombre au premier plan et lumière au loin sur le Mont Lozère

Avant midi, j’atteins la voiture, trente minutes après j’atteins le village, une minute encore et j’atteins le seul lieu de perdition ouvert au Pont de Montvert. J’y trouve des chasseurs indigènes et l’ambiance sympathique qui convient à une potée. Les après midi sont courts. Deux affûts, et pas l’ombre d’un animal alors que l’ombre gagne jusqu’à virer à l’obscur. Je suis aux trois Fayards, un endroit un peu magique avec ses cairns de toutes tailles, que des nuées sombres et glaciales traversent doucement, faisant bruisser les cimes des pins un peu torturés.



J’arrive fatigué  devant une cheminée en pleine forme, j’y déguste une Chimay en rêvassant. Je suis bien, superbement bien. Parfaitement heureux malgré l'absence de tir, vivant ce moment qui précède la chasse du lendemain.  Plateau repas royal, composé de pain un peu sec et de fromage salers, et de pain un peu sec et de fromage salers. Une pomme et un Goncourt au dessert.

Brouillard et bruine, une autre forêt !

Demie-surprise, il pleut le lendemain, et j’adapte la vêture. La table est longue et un second bol vient côtoyer le premier qui côtoie lui-même l’assiette du premier soir. Que c’est bon, ça … Le jour refuse de se lever, la montée vers le territoire emmène le Subaru près de ses limites dans les pentes aux ornières boueuses. Tout est magique, presque rien je ne reconnais dans la ouate violemment et inutilement éclairée, et les embardées. Peu après, je marche dans un silence absolu, une bécasse probable s’envole sans que je la voie. En moins de deux heures j’arrive au spot à chevreuils.  Mais rien. Rien sous la bruine, et rien quand les nuages se déchirent un peu. Je remonte doucettement après une bonne heure d’affût, je fais un petit affût d’un petit quart d’heure, et je reprends le chemin de la voiture dont je suis distant de huit cents mètres environ. J’entends au loin une menée qui se rapproche rapidement, et à tout hasard, je prends la carabine en main.  Et cinq sangliers traversent le chemin à environ 80 mètres, fantomatiques dans un silence absolu. Une image que je vais garder. La carabine vole vers l'épaule, mais le réticule n’atteint que le cul du dernier sanglier qui disparaît. Il n’y a pas de sixième. Dommage. 

Imaginez les silhouettes fugaces de cinq sangliers traversant dans un silence ouaté ...

Au septième jour de chasse, j’ai enfin vu les sangliers d’Altefage. Pas à l’approche, mais la rencontre, ça me va aussi !