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lundi 7 décembre 2015

Dans la forêt lozérienne (1)



Le Front National monte … alors je descends. Dans les Cévennes … Mais qu’elle est loin, cette forêt lozérienne ; je roule le cœur léger vers une chasse que j’espère belle. Il reste biche, chevreuil, et sanglier autorisés. Je serai seul sur les cinq cents hectares et comme j’aime les équipes restreintes et soudées, je ne me plains pas. Je ne suis pas dupe cependant que pour me nuire, "on" a allongé le trajet, ajouté une multitude - ou même deux ? - de virages traîtres, et avancé l'heure où la nuit tombe. J’arrive lessivé au gîte -sans couvert- et c’est sympa de reprendre contact avec les gens de la montagne du Bougès, devant un verre. La cheminée flambe, la chaleur n’a pas encore atteint le coin cuisine, mais je dors dans la mezzanine où il fait bon.

Bonne gelée et temps clair me semblent de bon augure le lendemain. J’adapte mon projet d’affût initial - ce qui consiste à se placer immobile et silencieux en un lieu de passage présumé des sangliers - et je préfère descendre aussitôt par les chemins forestiers vers les 1200 mètres, que j’atteins vers neuf heures trente. J’avance à pas de loup, quand je suis aboyé par le même brocard qui déjà nous ridiculisa chacun notre tour, Jean-Noël et moi …  Et sûrement d’autres. Je ne le vois même pas filer. Bah ! Pour être aussi malin il doit être très vieux et tout en nerfs.  Je tourne le curseur de mon attention sur cent pour cent, car j’approche de mon spot fétiche. Je jumelle attentivement, minutieusement. « Y’a pas rien », semble t-il, comme dans la double négation quercynoise qui enchérit et ne renverse pas. Mais ça va venir, pensé-je : le petit estomac des chevreuils va les trahir. Je cherche une pierre, un bois mort, pour y poser mon derrière, un peu inattentif et trop visible un instant, quand un mouvement taquine le haut de ma rétine … Deux chevreuils fuient tranquillement et sans affolement, à moins de cent mètres. Je pose la carabine sur mon bipied, et le réticule trouve des culs qui s’éloignent. Un peu plus de profil, bordel ! Mais non. Si je m’étais assis au mépris du confort extrême … Bah ! J’en tuerai un demain, et ce ne sera que mieux, me dis-je en me donnant sur l’épaule, la vraie, une petite claque affectueuse.

Forêt sombre au premier plan et lumière au loin sur le Mont Lozère

Avant midi, j’atteins la voiture, trente minutes après j’atteins le village, une minute encore et j’atteins le seul lieu de perdition ouvert au Pont de Montvert. J’y trouve des chasseurs indigènes et l’ambiance sympathique qui convient à une potée. Les après midi sont courts. Deux affûts, et pas l’ombre d’un animal alors que l’ombre gagne jusqu’à virer à l’obscur. Je suis aux trois Fayards, un endroit un peu magique avec ses cairns de toutes tailles, que des nuées sombres et glaciales traversent doucement, faisant bruisser les cimes des pins un peu torturés.



J’arrive fatigué  devant une cheminée en pleine forme, j’y déguste une Chimay en rêvassant. Je suis bien, superbement bien. Parfaitement heureux malgré l'absence de tir, vivant ce moment qui précède la chasse du lendemain.  Plateau repas royal, composé de pain un peu sec et de fromage salers, et de pain un peu sec et de fromage salers. Une pomme et un Goncourt au dessert.

Brouillard et bruine, une autre forêt !

Demie-surprise, il pleut le lendemain, et j’adapte la vêture. La table est longue et un second bol vient côtoyer le premier qui côtoie lui-même l’assiette du premier soir. Que c’est bon, ça … Le jour refuse de se lever, la montée vers le territoire emmène le Subaru près de ses limites dans les pentes aux ornières boueuses. Tout est magique, presque rien je ne reconnais dans la ouate violemment et inutilement éclairée, et les embardées. Peu après, je marche dans un silence absolu, une bécasse probable s’envole sans que je la voie. En moins de deux heures j’arrive au spot à chevreuils.  Mais rien. Rien sous la bruine, et rien quand les nuages se déchirent un peu. Je remonte doucettement après une bonne heure d’affût, je fais un petit affût d’un petit quart d’heure, et je reprends le chemin de la voiture dont je suis distant de huit cents mètres environ. J’entends au loin une menée qui se rapproche rapidement, et à tout hasard, je prends la carabine en main.  Et cinq sangliers traversent le chemin à environ 80 mètres, fantomatiques dans un silence absolu. Une image que je vais garder. La carabine vole vers l'épaule, mais le réticule n’atteint que le cul du dernier sanglier qui disparaît. Il n’y a pas de sixième. Dommage. 

Imaginez les silhouettes fugaces de cinq sangliers traversant dans un silence ouaté ...

Au septième jour de chasse, j’ai enfin vu les sangliers d’Altefage. Pas à l’approche, mais la rencontre, ça me va aussi !


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