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jeudi 15 septembre 2016

Une bredouille royale

Fin de la sécheresse annoncée pour le lendemain, et j'ai un créneau pour chasser dans cette montagne étonnamment jaunie, où les vaches semblent pâturer dans les dunes. Parti avec un petit Kipplauf Brno (carabine à un coup et un canon, très légère, pour la montagne), avec lequel je n'ai rien chassé encore … Je l'ai doté d'une lunette permettant un tir crépusculaire, et cela fait un joli ensemble.

J'allais chasser le mouflon, et chercher en particulier un agneau. Le bélier, si magnifique, ce ne serait pas pour cette fois ... Mais l'agneau, s'il est peu prestigieux, est un mets renversant. Cela paraît un peu dur à bien des citadins d'entendre qu'on va chasser un animal qui a six mois d'âge. Mais un poulet de trois mois, un cochon de cinq n'auront pas bénéficié d'une vie aussi longue. Et il ne s'agit pour moi que de prendre l'intérêt que la nature sauvage m'accorde, pas de toucher au capital.

Vers 8:15, ce treize septembre, considérant que le jour allait bientôt se lever, j'ai pris la route et vers 10:00 je m'équipais, prenant in extremis l'appareil photo dans un sac à dos apte à rapporter éventuellement un agneau. 


Du haut de ma forteresse de basalte.

Ce n'est pas le sang qui coule encore, mais déjà la sueur, en quelques minutes. Je monte si doucement qu'un observateur peu attentif me jugerait arrêté. A midi, j'atteins les résineux de Peyre Garric, que je traverse, contourne, encercle ... Rien. Puis c'est mon spot préféré à deux pas, tout près de Seycheuse, où j'avais tué à l'ouverture dernière un jeune bélier. Les éboulis  se dévoilent mètre par mètre, je retiens mon souffle ... Vides. Je trouve un groupe de rochers confortables, d'où en me levant je verrai à 300 degrés, un sapin que je chéris pour y avoir photographié un merle à plastron il y a des ans me bouche un peu de vue.


Vers l'est, la sécheresse...


Le Peyre Arse


D'une heure trente à presque dix-huit, je déguste trois abricots secs, reçois un coup de fil, somnole, rêvasse, et surtout je surveille les horizons du haut de ma forteresse de basalte. Il fait 25 degrés environ avec un vent de 20 km heure. Génial. J'avais décidé de ne pas m'user à filer  jusqu'au ruisseau qui marque ma limite ouest (le Malriou, le mauvais ruisseau ...).

Ainsi que dans le Désert des Tartares, je quitte la forteresse juste trop tôt et j'affole deux petits cerfs qui fuient dans un galop bruyant. Je mets l'APN autour du cou -un peu tard- et je poursuis la descente dans un arc de cercle sorti de mon expérience et de mon inspiration du moment.

A mi-parcours, je fais dix minutes d'affût sur un promontoire au-dessus des Prés Noirs. La clôture qui les délimite est à 150 mètres au moins … Oups, 290, me dit le télémètre. Je suis vraiment très mauvais dans l'appréciation des distances. Je poursuis ma descente en faisant gaffe aux roulades improvisées, et j'arrive à la clôture derrière laquelle la pente plus forte reste longtemps masquée. Bingo ! Trois grands cervidés ! Sourire ? clic clac. Deux petits cerfs arrivent encore dans les minutes suivantes. Il doit y avoir un anniversaire … 



Rebingo, des mouflons apparaissent sur le bord de la vallée, dans le vert …  J'attaque une manœuvre machiavélique, m'éloignant et revenant dans un arc. Mais j'ai grand mal à être masqué tout le temps. L'approche est longue, le sol peu sympathique.  La petite Brno frétille. 182 mètres, me souffle le télémètre.


Les animaux sont assez mobiles, je dois faire attention au feuillage et aux branches entre eux dans la vallée et moi dans le versant. Ma position est merdique. Crampes. J'améliore, trouvant un rocher. Chaque fois qu'un agneau est identifié avec certitude et au centre du réticule, un autre animal s'interpose, ou bien ma cible disparaît derrière le feuillage. Là !!!  Mais le réticule sautille au rythme de mon cœur, ou de mes tremblements. Je crains de blesser. Fatigue et hypoglycémie seraient-elles les deux mamelles d'une gestion des espèces raisonnable au-delà de la nécessité ? Deux fois je suis à une fraction de seconde du tir ... Puis la troupe est hors de ma vue. J'essaie sans succès de l'approcher à nouveau, puis je renonce. Et là, en revenant sur mes pas, je vois défiler "mes" mouflons dans le clair-obscur, ils vont remonter en altitude. Si j'étais resté là-haut ... Une brebis s'arrête, son agneau tout près d'elle, mais je n'arrive pas à savoir avec certitude si le jeune animal est en avant ou en arrière de sa mère, tant il fait sombre maintenant. Agneau en arrière je peux tirer sans craindre que des éclats de balle blessent la mère. Le doigt sur la détente, j'attends. La brebis me fixe, et tape du pied pour provoquer une réaction de "la chose" qui l'inquiète …

Devant, derrière ? Trop tard, ils filent. Le bruit de mes pas fera bouger ensuite cerfs et biches sur le pénible retour à la voiture que j'atteins à la lampe frontale, non sans me tromper de chemin, et sans savoir jamais où je suis exactement.

Dernier jour avant le retour de la pluie.


3 commentaires:

  1. Il est vrai que, sur le dernier cliché, ça fait un peu pâturage après la pluie dans le Grand Erg, du côté de El Kseib...
    Après le loup, on va bientôt voir arriver les rezzous Ould Abidine. Assure ta guerba, Régis, et ton mousqueton, Si Mahmoud, lui, a une Winch...

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  2. Ah ce gibier qui te fait rêver, monter, descendre, tourner de profil et contourner les côtés, pour y trouver faces et cieux...

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  3. Merci à Nonyme et à Jean-Paul. Pour l'Un comme pour l'Autre, lire en diagonale est chose impossible. Belgitude et ultraculture en sont la cause ...

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Merci de réagir, mais avec douceur et courtoisie.