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mardi 17 novembre 2020

Déboires d'un braco

J'aurai aimé titrer Boire et déboires d'un braconnier  !  Non, bien sûr, je n'avais rien bu, sauf un petit verre de rosé bien frais à la fin de la chasse. Mais c'est joli, ça sonne bien. Une licence sémantique pour donner envie de lire ce récit. Et délire. D’ailleurs je ne venais ni pour boire, en ces temps d’œuvre d'intérêt général, ni pour braconner, même si avec l'âge, mon sang de Raboliot pourrait s'activer si la transmission génétique intervient en ce domaine.


Deux heures de route (et déroute) avant d'arriver fatigué. Mais Diane m'accompagne, et je tombe sur  Erwan  sur le bord du chemin ; Il veut contrôler un truc sur un pied (trace de sanglier) et en discute avec son grand-père, qui a cueilli un bouquet de baies à destination de ma douce ! Plantes que je vous charge d'identifier, j'ai d'autres chats à fouetter. Je suis René. Mais non, pas born again ! Il me précède, René, tout simplement. Et j'arrive sans misère au lieu de rendez-vous, aussi perdu qu'il soit. La Maison du Roi , rien que ça.

Identifiez !



On reparle à mi-voix de la chienne tuée dimanche dernier par un sanglier. Chacun des présents ce jour-là en est mal remis. Cette artère fémorale saigne encore chez tous les piqueux. Petit casse-croûte tiré du sac et accompagné essentiellement d'eau claire. Trois ou quatre pieds sont annoncés au rond. Prudence et attestations Covid sont répétées par le patron : la maréchaussée quête énormément ses étrennes de Noël chez les fervents de Diane.

Les deux premières traques sont des détraques, avec buisson creux du genre trou noir. Où une compagnie de quinze nous l'a faussée. La troisième traque sera la bonne. Enfin la mauvaise si l'on se place du point de vue des sangliers. Les chiens ont lancé très vite, ont éclaté un peu partout après la première escarmouche qui a laissé un sanglier mort. Ils mènent ou se taisent, mais sont éparpillés. On remet des chiens sur ce pied espéré prolifique. C'est le bintz, si j'en crois la radio. Je suis assis au quasi sommet de la pyramide des Quatre Combelles, moins connue que celles d'Egypte mais tellement plus accessible. Face à moi, la colline où se déroule la traque, plus ou moins cernée par huit ou dix gaillards armés. Derrière moi, un enclos de chasse désert. 

Face à moi la colline


Je bade ... Je rêvasse, quoi ! Mon escalade aussi rude que lente a duré au moins ... vingt mètres. Je me roule une cibiche de récompense en repensant le poste à mulots du matin, en revoyant celui si prometteur de la seconde traque. Nous ne sommes pas bredouilles, c'est déjà ça. La voix d'une menée lointaine, presque dans mon dos, me ramène au présent et me rappelle que je suis à dix pas d'une chasse en enclos. Je surveille un peu ce qui pourrait s'y passer. 

Et c'est à une centaine de mètres que les sangliers m'apparaissent en pointillé parmi la végétation ... Dans la chasse voisine, bien sûr, au plus près de la clôture trumpienne qui nous sépare. Chez nous ? Mais ils sont chez nous ! On ne voit malheureusement pas le grillage parmi les arbres et arbustes … Mais non, c'est pas chez nous... Mais si … Les sangliers s'effacent et réapparaissent au gré de la végétation, venant au galop vers moi. Quarante et soixante kilogrammes pour les gros, plus quatre boules déjà noires mais vraiment pas grosses, suivies à cinquante mètres par un chien appliqué et prudent. Je me lève et j'épaule, certitude et incertitude clignotant encore dans mon cerveau. Et quand ça repasse à certitude, j'appuie. Mais des six bêtes, la dernière tête va s'effacer derrière la végétation quand le coup part enfin. Dedans ?


Arf !!! Je l'ai eu, je crois ! Ousque c'était ??? Peut-être là … Oui probablement là, mais les arbres morts, les souches ne me permettent pas de voir le moindre bout de cadavre. Et ça ne bouge pas. Une balle de tête, évidemment … Mes yeux s'ouvrent grand comme ça quand je réalise que là où je regarde, c'est chez les voisins.

Ma contrition d'avoir trop longtemps hésité, car ils étaient de longues secondes immanquables se fracasse contre la réalité de la grosse connerie. Je me vois déjà piteux, carte bleue à la main, cœur et âme en déroute: « Oui M 'sieur, je les croyais juste cinq mètres devant, donc chez nous, vous savez, c'est ballot, hein ;mais je vais évidemment vous indemniser. Je suis con et confus, vous savez, et trop vieux pour ça, sûrement. Ben non, la clôture on la voit pô depuis là-haut ... Ma vue ? Ah ! Pas bien terrible non plus. » Et tout ça ...

Mon président arrive, je lui conte l'histoire. Il reste présidentiel. Un autre chasseur arrive et re-conte. Déconte, ça marche pas cette fois. Du haut de la colline il certifie avoir vu que les sangliers étaient chez nous. Il a vu ça de quatre cents mètres, il est jeune, il connaît le pays comme se poche, son avis me paraît rassurant mais improbable.

J'escalade deux fois la colline pour essayer de comprendre, et plus je monte, plus je tombe dans le doute. Erwan revient, il a récupéré la chienne devant laquelle étaient ces sangliers. Petit à petit, la certitude se fait que j'étais exempte de toute faute et que j'ai mal tiré. C'est complètement gagné quand enfin mon impact se révèle ! Chez nous ! Et circulaire et profond d'une dizaine de centimètre. 

 Au final, j'ai juste raté un sanglier qui dix  secondes plus tôt, était simplement immanquable ...

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