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vendredi 24 mars 2023

La vengeance du gardon *

C'est autour des marées d'équinoxe de printemps qu'il convient de s'attaquer aux poissons les plus redoutés de ces eaux. Attention toutefois à ne pas s'exposer sur les jetées et sur les plages, où déferlent alors des vagues de sept à neuf mètres ! Voyez la dernière, immortalisée par EDF. Et y déconnent pas, hein, c'est des fonctionnaires. Les pisse-froid se moqueront en arguant qu'elle a mis quatre jours pour déferler, cette vague ; c'est juste des cons, seule la hauteur compte, pas la durée. D'ailleurs, on parle parfois de creux de huit mètres, jamais de creux de huit jours. En ces circonstances météo chahutées, les petits monstres du lac se déchaînent, d'autant plus dangereux qu'on ne s'en méfie pas assez. Comme ils n'ont même pas de dents, on baisse la garde ... Et ça peut très mal finir.


vague de 8 mètres au port de Rénac


Je m'y attendais ... aucun guide, aucun compagnon n'a voulu participer à l'aventure, et je me suis lancé seul vers ces quarantièmes rugissants (45 ème parallèle, d'ailleurs), où un seul souffle aurait pu casser le miroir de l'onde, ou même tourner à l'ouragan !


Impitoyables Quarantièmes

Un combat féroce et implacable de trois heures contre les sans-dents de l'a-mer (c'est le "a" privatif) s'est engagé. Moi seul, et eux innombrables. Mon succès fut total, même si mes muscles et mon dos étaient rompus à force de mouliner et de soulever mes prises ...

Un apparent triomphe

Mais cette victoire n'était qu'illusion. Car on ne gagne jamais vraiment contre eux. Une seconde bataille de deux bonnes heures a du être engagée pour préparer tout ça. Chaque écaille vole, chaque viscère salit, chaque minute blesse ... 

Et ce n'était que le début. Car le plus petit des gardons n'a pas le profil idéal de l'ablette, parfaitement adaptée à une cuisson croustillante donnant des arêtes inoffensives et un goût délicieux. Sans compter que ma poêle, amie de longue date pourtant, m'a trahi en se jetant du haut de la cuisinière avec une incroyable maladresse ... Les schistes bitumeux, je vois mieux les risques, désormais. Je les ai combattues avec 200 grammes environ de farine qui les ont absorbés. Au final, ça n'était pas terrible du tout, pas du tout croquant, plein d'arêtes gênantes ...  Et ma douce au sourire moqueur s'est rabattue sur un autre plat. Mon honneur était entaché, mon échec était patent. Avais je été marabouté par la méchante dame du Lac ?


Mais je n'ai pas rendu les armes encore, car je me refuse à pêcher des poissons que je ne valoriserais pas. Je décide de tenter 
encore un truc en restant dans le domaine étroit mais bouillant de la friture … "S'il n'en reste aucun, ce sera moi !"  est ma devise. La nuit porte conseil, et avant l'aube, vers neuf heures trente ce matin, mon génie me cause enfin à l'oreille, me tirant d'un rêve étrange et pénétrant … Ah que pourquoi l'ablette c'est parfait pour la friture, et pas le gardon ??? Ben pass'que c'est tout fin, pardi ! Deux fois plus fin ? P'têt' ben deux fois ...  Alors je vais remodeler mes gardons.


ma dernière friture de gardons,  je vous assure ...

Le troisième round s'est donc poursuivi au couteau, pour diviser l'épaisseur des poissons, en mode levée de filets.  Renforcé par la lecture de l'Encyclopédie de la friture, et le visionnage de "La friture chez les grands chefs", j'ai allumé un feu d'enfer autour duquel j'aurais voulu danser pour forcer la chance. Mais c'était sur la cuisinière, ce feu, et je ne sais pas danser non plus.

Le résultat ? Les leçons de l'expérience ? Ne vous embêtez JAMAIS à tenter une friture de petits gardons : votre conjoint se moquera de vous, vos amis se détourneront, et ça puera le poisson chez vous. L'ablette, le vairon, le goujon, d'accord. Mais le gardon, NON !

* Il finit toujours par gagner, le dragon  gardon.


1 commentaire:

Merci de réagir, mais avec douceur et courtoisie.