C’est pas pour me vanter, mais les filles sont incroyables, et ma belle était partante pour retourner à la pêche dès le lendemain en raison de la météo parfaite annoncée ! Ma vieille carcasse hésitait, mais n’y était pas absolument opposée, alors banco !
Lever 6 h 15, arrivée vers 7 h 30. 17 degrés, un peu de brume sur l’eau immobile qui frôle les 25 degrés. Nous fonçons à 3,23974 kt sur l’onde prometteuse, car j'aime respecter les limitations de vitesse (6 km par heure dans la baie) . Nous pourrons même pêcher sans ancrage en l’absence de tout vent. Contrôle de la cale : pas une goutte d’eau malgré les orages de la veille, parfait ! Oui, il prend l'eau un peu, des fois : la vieillesse est un naufrage.
Las, un caillou aussi profond que profondément malveillant prive ma douce de son bas de ligne, et pendant qu’elle le remplace, je sors trois perches de leur milieu humide et malsain. Pas des monstres, hein, des truc de 15 ou 18 cm. Christine se mêle de nouveau à la fête et, exceptionnellement, je dois être en tête des prises…
Pas de vent, pas de vent … On dérive un poil quand même et quand il n’y a plus d’écho à la télé, je reviens [i]ousque [/i]c’est bon d'un coup de moteur. Malheureusement, l’homme moderne tend à ignorer la puissance d’aspiration des pales des hélices, et je n’ai pas cru bon de remonter ma ligne. Quand je coupe le contact d’urgence, des mètres et des mètres de tresse sont déjà autour de l’hélice... Je me mordrais les couilles si j’étais souple, je me poignarderais le trou du cul à coups de saucisson si je n’aimais pas autant les charcuteries sèches.
Le mal étant fait, j’en prends mon parti avec stoïcisme, presque avec élégance, grâce au sage qui sommeille en moi. Je relève le moteur et je tranche la tresse. Vais-je pêcher avec une autre canne ? Refaire le nœud "FG" un peu compliqué ? Un autre nœud plus facile ? Je n’ai pas encore répondu à ma question quand mon moteur, sans mot dire, refuse de retourner à l’eau. [i]Quoitesse [/i]??? Je monte un peu plus, toujours pas de redescente possible, je ré-essaie, rien, je ré-essaie, et cette fois les pales ne touchent plus l’eau. Bien sûr, objecterez-vous, les hélicos se déplacent très bien sans que l’hélice touche l’eau, mais pour nous, c’est un poil différent. Même si le port n’est pas à l’autre bout du monde, ça risque d’être dur dans un moment…
J’en prends cependant mon parti grâce à ce couillon de sage qui ferait peut-être mieux de sommeiller ailleurs, et je replace le bateau à la rame, tel un galérien injustement condamné. Je m’ancre. J’appelle mon CC. Je n’ai jamais su vraiment ce qu’est un CC mais un plaisancier confirmé, lorsqu'il est confronté à une fortune de mer, appelle en général son CC. La messagerie du mécano me répond.
Pêchons. Je fais mon nœud FG, mais nous sommes à court de mes montages le splus aboutis, qui laissés au fond, qui dans l’hélice, qui dans la ripisylve, qui dans le bordel de la caisse [i]Ouyatou [/i]®, et je dois me contenter de ceux que je trouve, comme me le murmure l’enfoiré de sage ronfleur qui commence à me les gonfler menu en moi.
Et nous pêchons, mais par un cruel sort maintes fois rejoué, ma collègue et concurrente semble prendre le dessus en terme de prises. J’en prends évidemment mon parti à cause de ce grand con d’enfoiré de merde de sage que je ne veux plus jamais voir roupiller en moi. Dépité je suis, puis je me repite, j’alterne les montages et je tripote même la manette de gaz et son bouton de « trim » désobéissant. Et là, miracle, Neptune est grand ! L’hélice redescend dans son élément ! Le lac devient bleu et transparent comme un lagon et nous continuons -en fait surtout elle- à empiler des perches belles comme des coryphènes et grandes comme des espadons.
Nous rentrons enfin au port à 3 nœuds, contents ... Avec qui allons-nous partager ce déliciux palts de perches ? Christine pousse un petit cri de surprise ... La bourriche contenant notre pêche attachée au taquet a disparu. Volée ? Mais non ! Envolée ! Ou plutôt coulée. Ce n’est pas un gag, et on ne comprendra pas pourquoi. Heureusement, ce n’est pas moi qui l’avais fixée…
Nous arrivons au ponton. A peine un poil d’eau dans la cale après tous ces exploits, c’est bien. Je remonte le moteur pour voir … Il reste bloqué, pour finalement obéir au bout de dix minutes.
J’ai eu un chien comme ça, autrefois.