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jeudi 29 février 2024

Où je sauve la mort d'un poisson

Certes, sauver une vie, c'est génial ; mais admettez que c'est un truc très couru, et même courant. Alors j'ai sauvé une mort. Et pour ça, une médaille serait bienvenue, avec une coupe de champ à la clé. Pourquoi une, d'ailleurs ?


La médaille ?


J'étais venu ce jour de février au bord du lac déguster des rayons de soleil encore un peu acides, relevés du mordant d'un petit vent du nord. Mon but premier était de me me rendre compte de la nage de nouveaux leurres, des "jigs "  de 10 g et 3-4 cm, à 2 hameçons en tête que je venais d'acheter. Des descendants asiatiques des poissons d'étain d'autrefois. Le jig, ce n'est pas le moment ici, mais j'avais aussi des leurres souples. Bien plus que moi.

Mon degré d'optimisme quant à une prise était tel que j'avais laissé l'épuisette à la maison.

La bise me chope au sortir de la Zoe tel un cinéaste la jeune actrice à peine pubère. Aussi j'hésite à poursuivre avant même que d'avoir commencé. Mais le soleil aussi est là et un caprice du relief me procure un endroit abrité qui convient à ma pêche. La nage du nouveau leurre est "bof bof", plus ondulante que celle de mes jigs habituels, et jetant moins d'éclats. Mais cela ne permet en rien de conclure. Ils m'ont coûté une misère et se révéleront peut-être des merveilles aux beaux jours.

Je papote avec un pêcheur qui exhibe sa panoplie de vifeur éduqué : ses 4 cannes télescopiques ne prennent que la moitié des quarante mètres de berge habituels, et il est souriant. Il a raison, car une touche, sympa comme celles qui en annoncent d'autres, secoue sa ligne. Au ferrage c'est lourd, trop pour un sandre ,,, et c'est un silure de quelques kilogrammes qui se pointe, Il l'extrait de l'eau et demande à son voisin s'il le veut ; celui-ci décline. A moi aussi, et je décline. Mais je n'ai pas pour autant sauvé une vie comme n'importe quel chafouin graciant un poisson.



On n'est pas bien, là ?


Car le sympathique pêcheur déclare illico qu'il va l'occire d'un bon coup de gourdin avant de le rejeter à l'eau. Ah que pourquoi ? que je dis. Il pense que que si on garde les sandres et qu'on relâche les silures, mathématiquement viendra le jour où il n'y aura que des silures. "Ceusses qui croivent ça, on n'y peut pas grand chose" (SIC, Lettres sur le capital, Engels, 1887). Le silure lui-même en est conscient et ne proteste pas davantage que moi.

Et c'est là que je décide de sauver cette mort ... Mais déjà la canne d'à côté s'agite et le nylon se déroule. Et c'est un sandre cette fois, qui ravit le pêcheur. Je prend des photos sur son smartphone, pas sur le mien.


Petit baveux ...

Puis je pêche un peu au leurre dur, un autre peu au leurre souple pendant une grosse demi-heure avant de revenir papoter. Il fait nettement meilleur, un bon 10 degrés ensoleillé avec un vent qui a faibli. On ne voit aucun petit poisson qui flâne, la température de l'eau ayant baissé ces jours tandis que le niveau grimpait ...

Puis j'ai un silure à préparer, c'est toujours aussi salissant, mais cette mort ainsi n'est pas vaine. Il sera cuisiné en mode relevé, sauvant un porc de l'amputation de quelques côtes, ou un poulet entier. Tandis que ses abats auront peut-être un destin halieutique dans le cadre de mes recherches les plus extravagantes.