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mercredi 26 avril 2017

Souquez l'artémise !

C’est pas pour me vanter, mais il a fait rudement beau ... Un temps idéal pour un stage de découverte de la voile sur croiseur côtier, en trois jours. Dans un cadre idéal aussi, où la mer a la taille parfaite pour débuter. Vous avez échappé de peu, en titraille, à « Remets ton slip gondolier » du regretté Frédéric Dard, car la voile à Marseillan (Glénans) commence par quelques coups de godille pour traverser le canal et être parés à embarquer sur l’Etang de Thau ...


A la recherche d'une risée 

L’enjeu pour moi était de savoir si j’étais en mesure de naviguer sur un petit croiseur au regard de mes capacités physiques réduites. Ma crainte était bien sûr de devoir ranger au fond d’un tiroir ce vieux rêve de toile penchée. Les autres participants étaient là pour un apprentissage basique avant un stage embarqué, ou pour enrichir leur expérience pratique de bases techniques et théoriques pour mieux naviguer en famille,  ou pour simplement découvrir la voile, et même pour accompagner une amie dans sa découverte.

Je rencontre de bon matin mon moniteur, Francis, autour du kiosque-bar où un café nous est offert lors de l’arrivée groupée des participants des  quatre ou cinq stages concomitants. Qui sur les grands Dufour 325 de dix mètres, qui sur cata, qui sur dériveur léger, qui sur Bisprise. « sur Surprise », ça sonnerait mal. Notre stage est plein de filles ! Nous avons droit à un second mono en la personne d’Aurélien. Neptune m’a sûrement à la bonne pour envoyer du ciel ces jolies naïades d’ascendance flibustière. Je n’ai plus la jeunesse, mais je serai éclairé de sa lumière, de sa fraîcheur et de son entrain  pendant ces trois jours, où nous avons constitué un équipage réussi.


Je suis au premier plan sur cette photo, le papi du groupe.


Bon … Dans mes rêves, on hisse tout et on s’éloigne du quai. Ici, il faut gréer les voiles d’abord, dénouer des nœuds rétifs, nouer des drisses, déspaghettiser des écoutes un peu râpeuses et récupérer des aussières franchement trempées. Quel bintz ! Quitter le quai n’est pas simple non plus. Je maugrée quand j’apprends qu’il faut dégréer, juste pour regréer le lendemain. Mais bon gré mal gré, je grée et je dégrée.  Je rêve sournoisement de catboat. Mais Neptune m’a-t-il lâché ? Il y a deux fois plus de mats sur notre ketch de neuf mètres que sur les autres bateaux de la flotte. Je suis aussi le plus maladroit au plan des nœuds de chaise, de cabestan ou d’ailleurs, mais je progresse … comme les pires maladies. Les virements de bord, et les empannages s’enchaînent. 


Un équipage qui allie beauté et compétence

Je découvre qu’il faut incroyablement anticiper par rapport aux autres bateaux, qu’il faut toujours ranger chaque bout qui traîne, car sinon il vous le fera payer, qu’on ne sait jamais où se trouve l’amer indiscutable pris avant de virer.

Le vocabulaire est royal et source infinie de rigolade.  Car nous mélangeons souvent mots techniques ou prénoms dans des manœuvres sensées être parfaitement synchronisées. Je lofe, donc je … on pense borde, mais on dit ou on fait autre chose. 
« Souquez l’artémise ! » est le fleuron d’un petit délire. Vivien, grand et adroit apparaît vite comme un équipier de premier plan, et les filles conjuguent souplesse et rapidité. L’arrivée et le départ du quai me sont les plus difficiles car je ne suis ni grand, ni agile, ni souple. Mais parfaitement heureux, et j’étais justement venu pour ça.

Le troisième jour nous naviguons répartis sur deux Glénans 5.7, de la taille d’un petit croiseur, mais sans cabine et bas sur l’eau. Très réactifs. Nous jouons au chat et à la souris poursuivant ou tractant sur un bout de 10 mètres un leurre constitué d’un pare-battage. Une matinée fun ! Départs au lof et rires garantis par un vent de force 4.

lundi 3 avril 2017

White sailor


Du rêve embrumé de bateau à la réalité ensoleillée, il n'y a que trois cents kilomètres que j'ai franchis pour me jeter à l'eau. Voileux croyant depuis l'adolescence, dès la révélation de la beauté magique et irréelle des voiles penchées et silencieuses, je suis pourtant resté non pratiquant. Mais je suis aujourd'hui l'invité d'Olivier, membre de l'Aviron Marseillannais !  Nous sommes neuf, mais anciens … Seul Olivier avec ses cinquante balais s'échine encore à gagner son pain. Nous nous répartissons sur trois croiseurs et par miracle le First 21, le plus petit des trois avec ses six mètres, nous échoit. Un bateau que je connais par mes lectures et qui suscite bien des louanges. Celui que j'aurais choisi ! Des trois équipiers Jean-Jacques semble le plus expérimenté, Olivier est le plus costaud, et moi le plus "rien de tout ça". Le Bassin de Thau confirme heureusement sa réputation de vagues modestes et de soleil orgueilleux.

Pourquoi j'ai toujours rêvé voiliers est un mystère. Ma Bresse d'hier ne s'y prêtait pas plus que mes montagnes d'aujourd'hui. J'ai lu pas mal de récits de marins au long de ma vie, et La longue route de Bernard Moitessier a par exemple accompagné un moment difficile de ma vie. Dire que j'ai perdu ce bouquin ! Une santé de merde en général et la vie en particulier m'ont laissé sur le rivage. Une balade sur un ketch de neuf mètres il y a un an dans le Golfe d'Ajaccio a rallumé du rêve.

Le Mont St-Clair nous déventera un court moment


Ben c'est déjà gros un six mètres … Je les voyais minuscules à côté des grands, ou sur l'eau. Je n'imaginerais plus traîner ça derrière une voiture, et surtout le charger, le décharger et le mâter seul. Mais il est idéal pour cette journée ! Nous partons de Marseillan au près dans un tout petit vent, direction Bouzigues et nous tirons des bords pour atteindre notre destination. Je barre !  Je suis le roi du monde, que dis-je, je suis Neptune soi-même ! Sauf que parfois je tire la barre au lieu de la pousser, ou inversement ... Mais pas souvent, et je surveille la voile d'avant pour serrer au mieux le vent. Olivier et Jean-Jacques sont excellents pédagogues. J'enrichis mon vocabulaire marin et surtout je mets un usage sur des mots plus ou moins connus, taquet, coinceur, winch, et ces sacrées drisses de ci, drisse de ça, qui spaghettisent quand j'essaie de les ranger. La balancine se révèle à moi qui ne comprenais pas à quoi ça pouvait servir.

Retour sous spi à fond ... pas loin de douze kilomètres heure  !

Alors, bien sûr, j'épluche férocement les petites annonces, sans savoir si je vais franchir le pas. Car il ne faudrait pas que ce soit une amourette sans lendemain. Si un bateau j'ai, il sera transportable, et je pourrai pêcher avec aussi … La pêche, une vieille passion qui pourrait, sans se rallumer gravement, redevenir un passe-temps conforme à mon âme de chasseur-cueilleur. Bricoler je ne sais, alors il devrait donc être en "suffisamment bon état ". Costaud je ne suis pas du tout, il devrait être facile à mâter. Auvergnat je suis, il ne devra pas me ruiner ... 


On n'apprend pas grand-chose en une journée, bien sûr. Je serais incapable probablement de virer de bord proprement seul, car j'étais trop concentré sur la barre pour repérer l'ordre des actions sur les voiles …  Mais je me rends compte du bonheur que ce serait d'être seul sur l'eau, avec juste ce petit bruit de carène. Avec un GPS pour être certain d'être à ma place, un sondeur de la profondeur sous la coque … Un bon peu - c'est de l'auvergnat - de compétence supplémentaire aussi, à acquérir dans un club ou avec un voileux de rencontre.