Nombre total de pages vues

Le braconnage du chamois en famille





Quand j’ai rejoint le GIC, cette grande famille, en venant de Lavigerie,  terre de chamois et de mouflons, je ne me doutais de rien. Je n’étais pas une taupe non plus, dépêchée par de quelconques Incorruptibles. J’avais simplement été élu, en quinzième position sur quinze, et au bénéfice de l’âge ... Comme si être vieux pouvait apporter un bénéfice.


Le GIC des Monts du Cantal

Le GIC ( Groupement d'Intérêt Cynégétique)  a en charge la gestion du chamois et du mouflon dans le département du Cantal. Il comporte une quarantaine de territoires volontaires, et propose un plan de chasse  pour tous les territoires. 6 représentants maximum par ACCA, 4 au maximum par territoire privé, constituent l’assemblée générale. 80 administrateurs, un nommé par chaque territoire, et autant élus par l’AG. Pour 3 ans. Ces 80 administrateurs élisent un bureau – qui est un CA restreint – qui assure un rôle essentiel : établir les propositions du plan de chasse qui sera présenté au CA, amendé et soumis au CDCFS par la fédération des chasseurs.

Le GIC traite également des aspects règlementaires de cette chasse,  il bénéficie de l’appui technique et administratif de la fédération des chasseurs, laquelle anime conjointement les réunions de travail. Un élu référent de la Fédération est présent. L’ONCFS participe ès-qualités aux travaux.

Le règlement intérieur du GIC définit les règles d’attribution du plan de chasse.

Bouc, 2 octobre 2014



Je reçois un coup sur la tête, en juin 2013, lors d'une réunion du Bureau, quand j'entends le président de l’ ACCA de Lavigerie, où je chasse, et qui est vice-président du GIC de surcroît, demander 24 chamois au lieu des 28 dus à son territoire, selon le règlement intérieur ... Jouer contre son camp, cela existe ? Évidemment, ni son conseil d’administration, ni l’assemblée générale de l’ACCA ne sont au courant de ce comportement. Le débat est vif entre lui et moi : «  Tu vas pas donner 28 chamois à ces cons ? » me lance t-il avec assurance ... Le patron de l'ONCFS suggère en douceur qu'on pourrait en donner plus à Mandailles !  Le débat semble en ma faveur. Il n’en est finalement rien, 24 animaux sont proposés pour Lavigerie lors du conseil d’administration deux jours après ! Je proteste publiquement … Je ne comprends rien à ce qui s’est passé, rien au comportement de Manu Marquet, un technicien de la fédération qui m'avait confirmé le chiffre de 28.
Retenez, c'est important, que le conseil d'administration élargi ne voit que l’attribution de la saison écoulée, et la proposition du bureau pour la saison à venir. JAMAIS il n’a connaissance du chiffre des attributions tel que le définit le règlement intérieur.


Extrait du règlement intérieur

« …/… Les résultats des comptages sur ces différentes aires de cantonnement sont pris en compte pour l’élaboration du plan de chasse et de tir. Au vu, en particulier, des possibilités de prélèvement établies par aire de cantonnement et découlant :

· du suivi effectué de la population,

· …/…

· du prorata de surface détenu par chaque territoire dans l’aire de cantonnement considérée,

Les demandes individuelles de plan de chasse et de tir seront définies annuellement …/… »

Suit une année de dévouement à la Famille. Côté Lavigerie, nous n’avons tiré aucune femelle adulte, par précaution, car le loup rôde. Et j’ai oublié cette merde.

La suite me remet sèchement dans l'ambiance ! Un an après, en juin 2014, les comptages donnent 32 (ou 34 ?) animaux pour Lavigerie, avant discussion. « 24, ça suffit », assure Pierrot Delpirou qui remet le couvert. Je prends la parole, mais là, P Delpirou et M Marquet, associés dans un numéro de duettistes me malmènent,  et surtout… pas un des 13 autres membres du bureau ne dit mot, le nez dans une assiette virtuelle ! Le patron départemental de l’ONCFS a quitté la table dès que le nom de Lavigerie est apparu dans un tableau sur l’écran, et le référent de la Fédé est aussi silencieux qu’invisible depuis ma place. Ce silence, cette omerta, à la table des caïds ... A frissonner. Nul ne m'explose cependant la tronche d'un coup de batte de base-ball comme dans un célèbre film du genre. J'ai le règlement avec moi, j’ai le droit pour moi ... Mais je ne suis rien. Je me pince, ça fait mal, je suis bien éveillé. Deux chamois lâchés, de 24 à 26 …

Deux jours après ce conseil restreint terrifique, arrive celui élargi, et ses quatre-vingt chasseurs. Et la présentation des chiffres, toujours tronquée évidemment. Je n’interviens pas, n’ayant pas l’ombre du début d’une munition. Arrivent les élections du bureau. Je suis déménagé - la batte de base-ball ? - de manière presque démocratique. Un membre du bureau, en serrant les mains des administrateurs qui arrivent, a donné la consigne de saquer Moiraud, ainsi qu'un autre membre. Heureux de la confiance manifestée ou peureux, ou espérant une contrepartie, ou atteints d’un trouble constitutif des processus cognitifs, les dignes représentants des chasseurs obtempèrent de manière écrasante. J’aurai quinze voix, mon alter ego en proscription en a dix, alors que le plus inconnu des nouveaux candidats recalé en obtient environ 25. Je comprends instantanément ce qui s'est passé, pour avoir vu à l’œuvre le procédé,  destiné alors à empêcher l'entrée au bureau d'un élu non souhaité. Je le vérifie auprès d'une connaissance. J’explique tout ça lors de l’AG du GIC de mars 2015 ... Un moment difficile.

Heureusement, le président sortant de Lavigerie, lors de l’AG de l’ACCA est ... sorti, sèchement, en juin 2015. Le nouveau président n’a rien d’un poltron et je vois poindre à nouveau les beaux jours. Je veux m'assurer que nous rentrerons dans nos droits, et, prudent comme la mèche d’un pétard, je rencontre M. Nicolaudie, directeur de la fédération, pour ne rien laisser au hasard. Il me sert  de bonnes paroles. Lors du Conseil d’Administration élargi -dont je suis encore- le tout nouveau président du GIC déclare que « le plan chamois ne sera pas réexaminé », étant devenu selon lui biennal du fait des comptages désormais espacés. Confiant, je demande le réexamen pour le secteur du Peyre Arse. Demande rejetée ! Les trente-huit chamois globalement attribués ne seront donc pas répartis selon les règles en vigueur, et les 6 chamois à récupérer iront encore à Mandailles. En trois années, seize chamois détournés, un préjudice de 16000 euros selon le barème de l’ONCFS. Seize chamois, en royal cadeau à Mandailles … qui vend quelques  « bracelets ».

Comme une feuille morte, je me sens tournoyer dans une chute sans fin. Un avocat m’expliquera quelques semaines plus tard que nous pouvons attaquer l’arrêté, à condition de prouver que la préfecture n'a pas respecté les règles. Mais je n'obtiendrai jamais les documents que je réclame au GIC !  Les propositions du GIC, une fois « durcies » par l’arrêté, ne sont pas aussi faciles à attaquer. Il m’explique aussi que si l'ACCA de Lavigerie gagnait en justice, les personnes fautives ne paieraient pas un sou. Au mieux, ce serait le GIC ... donc les chasseurs. Désespérant ! « Rien n’est plus éloigné de la justice - au sens moral du mot - que le droit », me dit-il. 

Cabri, 28 septembre 2015.
C'est une sacrée leçon sur la faiblesse des hommes, leur capacité à oublier leur mandats, leur goût pour les petits arrangements et les petits pouvoirs. A cette heure, j'espère  que ces chamois seront récupérés par Lavigerie, de manière négociée ou judiciaire. Et quoiqu'il advienne, il est important que cette affaire ne reste pas quasi secrète. Un petit article "régions" dans Plaisirs de la Chasse de septembre ou octobre s'en est fait l'écho, un peu assourdi.
Que le frottement du temps use la probité de beaucoup d'hommes au pouvoir ne m'était pas inconnu ; j'aurais juste aimé ne pas y être confronté ...
un règlement simple et robuste pour le chamois

5 commentaires:

  1. S'opposer à certaines idées, n'est pas tache facile...
    Mon idée à moi, d'annuler ces 6 prélèvements !!! Les chamois sont bien implantés sur peyre-arse, mais sur les deux communes il y a une grosse pression de chasse. Oublions les... Mais ce n'est que l'avis d'un jeune, ne connaissant en rien à la pratique de la chasse et au système cynégétique...

    RépondreSupprimer
  2. D'abord, le territoire de Lavigerie épargne une grande part des femelles adultes attribuées, en raison de la présence épisodique du loup. D'autre part ces 6 chamois n'ont pas été attribués en moins sur la zone, mais "transmis" à Mandailles ...

    RépondreSupprimer
  3. "Le chasseur est le pire ennemi de la chasse", j'ai vécu pareille situation chez moi avec la gestion du mouflon...
    Les petites combines, un semblant de "pouvoir", l'argent etc... puis il y a les autres, les moutons de Panurge.
    Bravo a toi d'avoir combattu et même si cela laisse quelques blessures l'honneur est sauf et cela vaut tout face a ces comportements.
    "peu importe ce que tu chasses mais comment tu le chasses, voila ce qui importe voila ce qui l'emporte".
    Bon réveillon a toi et tous ceux qui te sont chers et continu a nous délecter de tes récits !!
    Loloccitan.

    RépondreSupprimer
  4. Bonsoir, toutes ces combines quand on a de petits pouvoirs, je n'ose m'imaginer ce qui se passe lorsque ces pouvoirs sont pratiquement sans limite.
    Bravo à toi de te battre pour des valeurs
    Amicalement

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci pour cet encouragement. Un temps fort approche, et je croise les doigts pour que le territoire de Lavigerie soit enfin rétabli dans ses droits.

      Supprimer

Merci de réagir, mais avec douceur et courtoisie.