Nombre total de pages vues

samedi 25 août 2018

Le jour du loup

Ces mois et juillet et d'août 2018, une vingtaine de brebis ont été prédatées dans les Monts du Cantal, et le loup est soupçonné. Peut-être les prémisses de l'enfer sur terre pour les éleveurs comme le connaissent quelques Lozériens et Aveyronnais, tous pays comme le mien, où les herbivores domestiques sont bien plus nombreux que les bipèdes. Cela me renvoie à un souvenir d'un peu plus de dix ans ...

C'est dans le Cantal que l'état paya la dernière prime d'abattage d'un loup à Monsieur Antoine Frescal qui apparaît sur cette photo tirée d'une archive personnelle de Madame Combelle, parue dans le journal La Montagne en 2013. C'était à St Jacques-des-Blats en 1927.




Soixante-dix ans après, ce 26 décembre 2007, entre chien et loup, j'arrive au village. Il bruine par moments sur un sol froid, le ciel est bas. Il caille, c'est nauséeux. Pas de bol, le seul jour douteux de la semaine, et je l'ai choisi. Nous jumelons vers les pentes pour trouver des mouflons, sans succès, puis nous cherchons des chamois, sans succès. Les nuages nous masquent des pans entiers de montagne. Vers dix heures trente, première éclaircie. Ce sera chamois, finalement. Eterlou ou cabri, ainsi en décide le tirage au sort. Cela fait quatre ou cinq fois que nous revenons bredouilles, du jamais vu… Mais aujourd'hui, mon partenaire est décidé à aller loin. Nous attaquons à mi côte, côté Santoire, avec en prime un bracelet de chevreuil qui m'est destiné, si jamais …

Notre trajectoire peut nous emmener si c'est nécessaire jusque sous le sommet du Peyre Arse. La neige est juste parfaite, un peu dégelée en surface et compacte, ce qui évite en général de descendre jusqu'au genou dans les accumulations. Je creuse des trace profondes de dix cm au maximum et nous pouvons souvent poser le pied sur des touffes d'herbe émergentes. Nous dahutons dans une zone où l'on pourrait trouver chamois ou chevreuil, sans apercevoir d'animal. Nous allons très doucement. En face de nous, Seycheuse se libère par instants de sa coiffe de nuages. Il devient évident que nous allons devoir aller au premier « ruisseau » ou souvent un chevreuil … Mais il n'y est pas et nous poursuivons.

Le col de Cabre à son tour se libère des nuées et le soleil semble se décider à participer. Tant mieux. La température décolle un peu malgré notre lente élévation et la neige tassée est encore parfaite pour la marche. Et bientôt nous découvrons le cirque du col de Cabre. Nous jumelons en vain. Nous jumelons sous Bataillouse pour trouver une chevrée … Pas un point noir dans la neige. Pas un chevreuil dessous nous non plus, nous sommes damnés. J'ai bien fait de me régaler les yeux du groupe de biches sous Seycheuse tout à l'heure, la montagne paraît vide. Pause céréales, je broute une ou deux barres finement cuisinées, accompagnées d'une eau de source d'un grand cru. « On monte un peu ? » suggère Thierry. Ses bottes ne sont plus toujours assez hautes, c'est bien fait pour lui si la neige y rentre un peu, je ne parviens pas à le suivre quand même. Mes mollets me brûlent bientôt au bout de trois pas. Mon bâton de marche refuse parfois de s'extraire de la neige. Nous allons vers un rocher et là Thierry suggère bien sur de continuer à monter… Je le maudis et je le suis. Puis, de misère en souffrance, j'arrive deuxième à la crête. Bonne place, second, la place d'honneur. Tiens les paysagistes on enlevé la neige. Le sol est dur comme la pierre. Plaques de sol gelé, glace, neige, soleil. Même pas froid malgré le petit vent. Nous ne pouvons pas aller plus haut, alors … nous allons plus loin. Le sol enneigé est à la limite de la glace parfois, il faut choisir ou poser le pied. C'est beau et nous touchons le Peyre Arse du doigt. Petite pose. Et nous avançons encore … et Thierry se baisse soudain. Je l'imite. Une petite chevrée de quatre ou cinq animaux est à quatre cents mètres de nous, en direction du sommet. Nous tentons l'approche mais aussitôt les chamois détalent. C'est à n'y rien comprendre. Je sursaute soudain.

Tout près du Peyre Arse



Un loup est apparu dans mes jumelles, expliquant, d'un coup d'un seul le comportement inhabituel de notre gibier depuis le mois d'octobre. Un loup, merde ! Magnifique, évident, il avance tranquillement vers nous qui ne bougeons pas d'un millimètre, il escalade un énorme rocher et se couche dessus, royal. De White à Wolf Hunter, je fais la transition et il est dans ma ligne de mire à 1750 mètres d'altitude, à une distance de 380 mètres. C'est loin, mais c'est mon anniversaire … Il y a bien longtemps qu'un cantalou n'a pas eu en joue un loup. Le dernier qui fut tué officiellement le fut à St-Jacques-Des-Blats, en 1927. Mais il n'y a plus de prime, et je garde ma cartouche, en bon Auvergnat. 

Le retour sera difficile, selon mes moyens physiques bien usés, et inquiet pour l'avenir de mes chamois.  La neige est fortement gelée. Nous n'empruntons pas le chemin habituel car il s'avère trop dangereux. A un moment, lorsque nos descendons une congère à quarante-cinq degrés, je prie Diane de veiller sur moi… Mais la neige devient impraticable, trop dure, et je chute sur cette surface glacée, et je m'agrippe de justesse au dernier piquet de clôture qui passait par là. Thierry me sort de ce mauvais pas puis part chercher mon bâton de marche qui s'est échappé. Il ne pourra pas remonter ! Il poursuit donc son chemin par le bas tandis que je chausse les crampons pour les derniers huit cents mètres. Le soleil se couche quand nous arrivons à la voiture.

mercredi 22 août 2018

Hypoacousie et chiens courants

Je chasserai à nouveau sur le causse cette année.  Pour fêter cette bonne nouvelle, rien de tel que mettre en tête de blog un souvenir déjà ancien de sept ans et des images attachantes ... Atteint d’une surdité déjà marquée, la Faculté m’avait recommandé le port du casque amplificateur pour profiter des bruits de la nature, mais aussi une petite cure de chien courant. 

En effet, la composante psychologique de l’hypoacousie ne doit pas être négligée : le patient ayant dans sa vie entendu trop de choses navrantes proférées par des malcomprenants cherche à survivre, y compris en se mutilant, tel le renard pris au piège … De la musique au mélomane, du chien courant au chasseur, du silence au mutique sont donc indiqués pour cette dimension du problème.

Le causse en hiver, la saignée du Célé ...


Des sons harmonieux et émouvants, tels l’opéra, les grands courants, ou même une rumeur de stade de football dans le cas des débiles profonds, peuvent entraîner des améliorations importantes de l'audition. Ordonnance en poche, j’arrive ce samedi à la clinique de Sauliac sur Célé, qui soigne également l’étisie et la perte d’appétit de façon préventive, ai-je appris, et tout cela par le biais de médecines douces.

Discussion entre experts


J’y suis accueilli agréablement par le maître des lieux et l’équipe médicale. Je salue Flash, Fada, Bambie et euh … Non, on n’y soigne pas encore les problèmes de mémoire. Eh oui, ils pourraient sans doute le faire, mais je me rappellerais alors de choses navrantes qui … etc.

Et hop ! Solide casse-croûte et c’est parti pour une première séance de stimulation sensorielle, toute en douceur. Un peu trop même, les chiens donnent à peine et fort loin de moi. Mais une seconde séance est proposée avec la musique douce des chiens sur la voie, qui ne parviendront jamais à lancer. Je suppose que c’est pour éviter un choc trop fort et un possible blocage du patient. Quelle maîtrise !

Un léger en-cas précédera une nuit réparatrice. Légère omelette aux truffes, léger chevreuil à la Erwan, légers canard, fromage et dessert. J’ai les dents du fond qui baignent et je rêve agréablement de chiens qui mangent, et ceci sans supplément, car c’est compris dans la cure.

Saut du lit à nuit noire et ? et ? et ?? ….. Et casse-croûte pardi ! Avec les piqueurs : Laurent, Christine, André, René, Bernard ? (j'ai un doute ...), Guitou … Devant une cheminée évidemment, dans une chaumière bio-climatique laissant passer un fond d’air très frais dans la pierre sèche ( il fait moins 8 ). Soupe, charcuterie, fromage, tarte, café, poire. Pour les fruits qui ne supportent pas le gel, ils sont servis sous une forme liquide ET concentrée. Une performance. Et nous voilà partis pour deux petites heures de promenade, où les traces visible sont de quelques jours au moins. Puis solide casse-croûte, rond, et on lâche. 

Pendant le pied, une petite pause caline s'impose


Pas concluant, le premier lâcher, et les chiens sont récupérés et mis sur un autre pied, qui s’avère fécond.

Une superbe menée démarre et vient à moi, passe à une centaine de mètres. Dix-sept chiens courants, de pays, griffons nivernais, gascons, me rappellent comme c’est beau, la chasse sur le causse. Ma carabine en frémit encore. La voix phénoménale d’un piqueur se sur imprime sur la menée – suis-je guéri ? - « attention, laie et petits, ne tirez pas … » 

C’était superbe. Nous laissons passer puis nous devons récupérer les chiens. Nous craignons pour les laies (petites) et les marcassins. La ronde des 4 x 4 est lancée et j’assiste à la performance de Laurent et Erwan qui récupèrent chacun plusieurs chiens déchaînés quand nous (je n'y suis pas pour grand-chose) parvenons à couper la menée. Une douzaine de grands courants, magnifiquement groupés avec une musique d’enfer arrivent à nous. Trois réussissent à passer. J’en tiens un moi-même et en suis fort fier.


Retour au local à la nuit tombante, où les piqueurs se retrouvent après ces deux heures de recherche des chiens, tous récupérés. Autour d’un dernier verre avant de repartir chacun vers nos occupations, ou pire, nos préoccupations. On est bien. Une petite voix me dit qu’il est temps de partir, que je distingue parfaitement dans le bruit des conversations. Les progrès sont ... éloquents. 

samedi 11 août 2018

Sur le Causse de Limogne

Je suis allé chasser loin au sud. Un sud du Lot qui semblait être le sud de tout, avec 35 degrés et des nuits à la limite du confort. Au-delà, il y avait probablement quelques dunes brûlantes, puis c'était la mer en ébullition. Mais je ne suis pas allé voir, il faisait si chaud.


La Vallée sèche : Au milieu ne coule aucune rivière 

Malgré quelques soucis finissants de Maladie de Lyme et d'autres à leur commencement, j'avais décidé de quand même  profiter d'une proposition de chasse au brocard au sein d'un petit groupe de copains, en un endroit  réputé pour sa population de chevreuils. Seul, je serais resté au frais à me plaindre de mes misères…Mais au frais. Deux heures de route nous amènent au bord du Quercy blanc, sans doute nommé ainsi parce que chauffé à blanc. Je découvre que notre gîte est équipé d'une piscine. Après un réhydratant mitonné par Monsieur Heineken et servi par René, notre hôte, nous prenons une légère collation à base de crudités auvergnates, lesquelles comportent au minimum jambon cru, saucisse sèche, et fromages au lait cru. Et c'est parti pour la première chasse du soir.

Car c'est pour tirer un brocard au temps des amours que je suis venu. Quelques journées de plaisir cynégétique qui me permettront d'emporter de quoi mitonner quelques moments de plaisirs gastronomiques, si Diane le veut bien. La chasse d'approche - marche lente- , et d'affût -immobile au sol ou perché dans un arbre ou sur un mirador- est productive au lever du jour et le soir jusqu'à la nuit.

C'est une région calcaire d'aspect aride en été, aux rivières invisibles et à l'eau très rare en surface. Les murets de pierre sont innombrables, jusque dans les forêts nées du départ des hommes et  de leurs bras. De nombreuses cazelles, ces cabanes de pierre, y existent encore, parfois en bel état. De 1870 à 1945, la population du Lot avait fondu, une émigration vers l'Amérique du sud avait aussi existé avant la grande guerre. Moutons et céréales devaient se partager ces terres autrefois. Il reste peu d'agriculteurs.

Une jolie cazelle rattrapée par la forêt

Aujourd'hui, la déprise agricole y fait rage, au grand dam des espèces sauvages, j'imagine, car à cette saison on les trouve dans les parcelles exploitées : les chaumes sont visités par sangliers, chevreuils et palombes, la luzerne attire les chevreuils. Les prairies qui n'ont pas vu de faucheuse depuis quelques années semblent désertées à cette période.

Ce premier soir, nous prenons un chemin quelque part, à moins d'un kilomètre du gîte. Plus de trente degrés encore. Je renonce aux gants, pas à la cagoule. L'équipement « résille » de Gilles est affriolant pour la biche et le sanglier, paraît-il. Le brocard avec lequel rendez-vous avait été fixé par mon guide  me pose un lapin qui lui-même me fait faux-bond, pour dire à quel point il n'est pas là … Seule  son amoureuse, accompagnée du produit d'une liaison passée me tient gentiment compagnie toute la fin de soirée. Si Monsieur n'est pas du soir, du matin il sera, me dis-je.  A demain donc ! Gilles observe de son côté chevrette, (trop)  petit brocard , biche et son faon, sanglier et glière. Ça fait beaucoup pour un seul homme, même si sanglier n'est pas cent gliers.

Je dors du sommeil du juste-qui-a-trop-chaud jusqu'à cinq heures et quelques minutes. Et retour au même endroit, avec la même observation … sauf le chevrillard qui fait la grasse-matinée, le veinard.  Je suis logé sur une chaise d'affût à laquelle ne manque qu'un compartiment réfrigérateur et une climatisation. Et un monte-échelle Astana, tant qu'on y est.

Toujours autant d'affluence autour de Gilles qui veut un renard ou un beau brocard … et voit tout le reste. Comme il ne fait que vingt-X degrés - il faut un X majuscule-  nous visitons après la chasse ce vaste monde désert, pour des repérages encore possibles à cette heure. Il est environ 9 heures.
Nous nous arrêtons près d'une combe fraîche d'apparence, semée de luzerne, pour y jeter un œil. Un brocard y fait sa cour et la belle lui cède sans barguigner en présence de deux magnifiques chevrillards qui jouent gaiement. Je ne pense même pas à faire de photo, tant la scène est superbe. Gilles installe pour moi la chaise d'affût en fin de matinée. Nicole et Marc nous rejoignent, et l'équipe est au complet.

Vingt heures et un brin, je suis sur la chaise ; il fait chaud, chaque souffle est une bénédiction. Un piaf de marque indéterminée vient partager mon arbre ; camouflé comme je suis il sera un temps sans me voir.  Vingt et une heures, rien … Il faut peut-être que je bouge, aller voir la parcelle d'à côté ? Que non, un chevrillard apparaît dans mon champ de vision - qui est de luzerne aussi - puis sa maman, puis le joli garçon. Photo-je ? J'ai peur de perdre cette occasion et ma carabine me tend la crosse... Un peu plus de cent mètres, de profil,  je repère sa position au mieux, je vise la base du cou.

Sur la chaise d'affût 

Je ne  vois que du jaune orangé au tir, pas d'animal tombant ou fuyant. Madame, après avoir sans doute pesté contre le tonnerre ou les feux d'artifice, continue à manger à vingt mètres de l'emplacement de son prétendant, et le chevrillard à mener sa vie. Le mâle doit être tombé, car sa fuite aurait alerté sa belle. J'attends dix  minutes, la chevrette est enfin au bord du champ, je descends l'échelle et je vais à la recherche de mon animal. Je me dis que j'aurais dû tirer au thorax car… je l'ai raté ou quoi ? Ouf, il est là, tombé dans ses pas. Je me reconnecte avec le plaisir de la belle prise et du tir parfait.

Pendant ce temps, à un kilomètre de là, la chose se passe moins bien pour Nicole. Le chevreuil titube … et s'enfuit.  Morosité. Le lendemain matin, je dépose Gilles à la recherche d'un renard ou d'un beau brocard, puis je file vers ma nouvelle adresse, espérant observer plein d'animaux, et tirer éventuellement un renard. Rien sur le chaume, je descends de la chaise et je pirsche tranquillement, quand je suis averti  par Gilles qu'il a tué un brocard. Congratulations. Nous revenons au gîte juste pour voir le départ de Nicole et Marc vers leur recherche au sang. Les Lotois sont magnifiquement organisés pour ne perdre aucun gibier.

Le chevreuil sera mis sur pied en une heure et pris par le chien de sang (Rouge de Bavière, ou Blanc d'Alsace, je ne me souviens guère). Balle de sternum en séton. L'objectif des trois chevreuils est atteint, Nicole fête son premier brocard à l'approche et nous quitte ensuite, avec Marc. Pour Gilles et moi, un peu de visite du territoire, et retour dans mon arbre en soirée. 

Gilles m'a initié le jour-même à la chasse du renard aux appâts, traînant la peau du brocard et dispersant quelques entrailles sur un chaume connu pour l'existence de terriers proches … Un renardeau ne manque pas de venir, et je ne le manque pas non plus. Le lièvre abonde dans cette zone et les responsables de la chasse  nous demandent de tirer les renards autant que possible.


Images du Quercy


Et puis c'est le dernier matin de chasse, après une nuit très chaude. Au sens premier du terme, évidemment. J'arrive presque au pied de l'échelle, quand une forme noire apparaît : un sanglier. C'est merveilleux, je l'observe à loisir en train de glaner, je le photographie comme je peux, sans lumière. Une forme noire traverse l'objectif. Marcassin ? Non renard. Il est très mobile et j'ai du mal à le tenir dans le réticule de la lunette, carabine sur le double bipied "4 stable stick". Grande flamme. Ni chute ni fuite observée … Sans doute mort ? Je ne le trouve pas. Donc manqué ? Je suis consterné, car je n'aime pas le doute qui suit un mauvais tir. 


Je pars chercher Gilles pour démonter la chaise d'affût, et nous trouvons ensuite au grand jour sans problème les deux renards. C'est une femelle adulte, elle est tombée dans sa trace. Je marche de travers, mais je tire  droit encore ... 

Le tableau de chasse du groupe