Un jour j'ai eu envie de faire MES salaisons, MES poissons fumés. Jusque là, tout au plus j'avais bricolé du biltong (qu'on trouvera sur mon blog), et c'était excellent. Un autre jour un ami m'offrit deux magrets fumés par ses soins et l'envie de le faire commença à me titiller.
Comme mon temps disponible s'était allongé en même temps qu'une de mes jambes s'était raccourcie, les astres et les désastres se trouvèrent parfaitement alignés. Alors, si comme moi vous êtes vieux, si vous êtes moche, vous êtes con, vous pouvez le faire !!!!
Chose étonnifiante pour un homme doté par une nature ingrate de deux mains gauches, je n'ai raté aucune préparation depuis le départ, et leur qualité va croissant, comme le disent si justement les boulangers. Dans un élan de générosité, je partage la réinvention la poudre, car après beaucoup de lectures et quelques tâtonnements, je peux vous livrer la recette pour réussir tout de suite et sans trembler.
Et ça vaut le coup : on vous louera pour votre savoir-faire, on vous adorera, les plus belles femmes tomberont dans vos bras tel un vol de gerfauts hors du charnier natal * ...
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Pseudo Coppa |
Si cela vous tente, vous ferez du très bon, ça je vous le promets. Mais de l'ultime, non.
Le cycle, c'est : saler, fumer, sécher … Si c'est du poisson, sécher sera réduit à rien ou à peu. Et fumer n'est pas toujours nécessaire.
Pour une vue d'ensemble : une Coppa non AOP
Soit un morceau d'un kilogramme exactement d'échine de porc, destiné à une coppa. Je mélange 33 à 35 grammes de sel de Guérande, 2 à 17 g* de cassonnade bio, 2 grammes de coriandre, 2 grammes de poivre noir, quelques baies de genièvre. Selon l'humeur, un bon peu de piment maison pourrait s'ajouter ou se substituer.
On répartira le mélange sur la viande en la massant puis on mettra tout ça sous vide pour 5 ou 6 jours, en retournant le sac tous les jours (un plat juste adapté en taille, couvert d'un film plastique ou d'un couvercle, c'est aussi bien), laisser la saumure qui se crée . Ensuite on sèche en tapotant au Sopalin, on masse à peine avec une lichette de gnôle ou pas, on remet au frais pour une journée ou une demi-journée de ressuyage sur une grille ou suspendu.
Puis fumage deux fois 12 heures, ou trois, puis mise en séchage dans une cave à vin dont l'humidité sera pilotée par un hygrostat de type Inkbird, qui commandera à la fois un mini déshumidificateur et un mini humidificateur.
On pourra, si on résiste à la manger tout de suite, mettre cette pièce ou une partie au moins sous vide dans la cave à vin pour un mois ou deux de plus ; ce sera encore meilleur.
1 SALER
Supprimer d'abord les risques lié au salage : Pour ça, abandonnez l'idée même du salage par enfouissement – recouvrement. Les anciens, cramponnés à la tradition comme des moules à leur rocher, discutent de quel sel, de combien de temps enfouir, de comment ensuite dessaler ou pas, comment rincer leur viande, et ils utilisent à minima un kilogramme de sel par kilogramme de produit. Gabegie ! Au final et après des années de tâtonnements, leur résultat est certes excellent mais avec encore possiblement un peu trop ou pas assez salé ... car le sel n'était pas tout à fait le même, car le produit à saler était un poil différent, car la météo était trop ci ou trop ça. La tradition ne résiste pas selon moi à la démocratisation des balances au centième de gramme et au "salage en apport limité".
Pour moi ce sera du sel fin de Guérande (il pourrait être d'ailleurs, si non traité, et sans rajout).
Pour le poisson (truite de pisciculture, sandre, perche, maigre, silure), j'utilise 30 grammes par kilogramme. Pour les viandes (cochon, magret, chamois, cerf, bœuf, chevreuil) 33 - 35 grammes par kilogramme. On peut varier de 2 grammes selon le palais de ses hôtes.
Ajoutez du sucre ?
Le moins possible !
Mettre la demi dose de sel en cassonade est la préconisation la plus fréquente des recettes fournies par les vidéos d'influenceurs ... souvent influencés par des influenceurs américains, je crois. Le principal rôle du sucre est le même que celui du sel, déshydrater la viande sous l'effet de la pression osmotique. Le sel et le sucre pénètrent, eux, dans al viande par phénomène de diffusion. Mais le sucre pénètre très peu, seulement en surface, et il ralentit la pénétration du sel.
Je me dirige du coup vers des doses de sucre bien plus faibles dans mes charcuteries, sans le supprimer encore.
Mon assaisonnement de base repose souvent sur 2 ou 3 grammes de graines de coriandre (j'adore la coriandre et souvent je la torréfie un peu) par kilogramme et 2 ou 3 grammes de poivre noir par kilogramme ainsi que 4 baies de genièvre par kilogramme pour le cochon ou le gibier.
Le " cinq baies " remplace parfois le poivre noir
On peut rajouter du piment soit à ce stade, soit après la phase de salaison juste avant celle de repos. Ca ne me semble pas un bon plan, car c'est pendant le salage qu'on a des trajets d'éléments dans les deux sens.
En fin de salaison, je ne rince JAMAIS. J'ai lu à deux reprises qu'avec l'eau extraite par le sel, viennent en surface de la pièce de viande des micro éléments qui seront de précieux précurseurs des fermentations lactiques. Gardons les !
Je sèche juste avec du Sopalin, et je tapotais autrefois ma pièce de viande avec une lichette de gnôle blanche de prune, ou du whisky ... Cela me semble parfaitement inutile et j'ai arrêté cela.
Je laisse ressuyer de douze à trente-six heures au réfrigérateur ou sur une grille dans la cave à vin. On peut aussi ressuyer 2 jours, le fumage sera plus efficient.
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assortiment de silure et perche fumés |
3 FUMER
L'outil obligatoire est le colimaçon (20 à 40 euros) ou le générateur de fumée en M que je préfère et que l'on garnira de sciure de hêtre de qualité fumage. Voici le mien. Avant utilisation, il est parfois utile de sécher la sciure par un passage au micro-ondes d'une minute en fine couche sur une assiette plate, puis la remuer, cela chassera un peu plus d'eau et évitera les pannes de combustion. Le four à 80 -100 degrés fait bien l'affaire aussi en deux petites heures.
QUELS OBJECTIFS :
On peut apprécier finement le degré de séchage au travers de la perte de poids par rapport au produit initial, pesé après parage et avant salage et assaisonnements. Quelle valeur rechercher pour déguster ? C'est un idéal très variable selon les produits ,les personnes et les usages prévus.
Les charcuteries séchées, conservées en sac papier au réfrigérateur après la première dégustation, continuent à sécher doucement. Il faut en tenir compte. Je n'aime pas prétrancher mes salaisons, mais ça se discute.
MA CAVE ELECTRIQUE
J'ai ajouté un petit déshumidificateur : mon déshumidificateur environ 40 euros, à effet Peltier, consommation 21 Watt. L'efficacité est suffisante même si elle est très faible.
Et un petit humidificateur : genre humidificateur pour chambre de bébé. Le mien a une contenance d'un litre. C'est un peu juste, mais ça va ! Environ 25 euros.
Et ces deux outils pilotés par un hygrostat Inkbird : environ 50 euros. mon inkbird ici
L'humidificateur et le déshumidificateur sont donc pilotés par l'hygrostat Inkbird. On ne veut donc pas d'humidificateur ou de déshumidificateur possédant eux mêmes un hygrostat. Il doivent par contre posséder un interrupteur physique ou un réglage de débit ayant également cette fonction mécanique d'interrupteur. Il seront toujours sur marche et ainsi ils fonctionneront quand l'hygrostat distribuera le courant à l'un ou à l'autre appareil selon les réglages choisis. Les modèles à interrupteur électronique (touche à effleurement) ne redémarrent en général pas quand l'hygrostat remet le courant ... La cata assurée.
J'ai ajouté un minuscule ventilateur de 4 cm de côté, qui tourne en permanence, et c'est une chose que je crois importante : une bonne cave souterraine autrefois devait avoir un soupirail, on pendait par exemple le gibier près du soupirail pour qu'il ne se corrompe pas ; mon ventilateur m'a coûté environ 20 euros. La vitesse idéale de l'air pour du saucisson va de 0.05 mètre par seconde à 0.10 m par seconde. Presque rien, 360 m à l'heure au maximum !!! Impossible à approcher, c'est du genre absolument insensible mais bien réel ...
Celui-ci serait tout aussi adapté et moins cher : alternative ventilateur
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viandes séchées à l'apéro, en attendant la suite |
LES REGLAGES
Un réglage à 79 % d'humidité relative, avec des seuils de déclenchement à + 5 % pour le déshumidificateur et – 5 pour l'humidificateur est une bonne base de départ dans une pièce elle-même vers 60 % d'hygrométrie . Les réglages comme le suivi peuvent être faits sur le smartphone avec mon modèle d'hygrostat Inkbird.
Une chute d'humidité rapide se produit, comme dans votre réfrigérateur, quand le compresseur fonctionne. On constate que le déshumidificateur, qui consomme seulement 21 Watt pendant son fonctionnement, provoque malgré tout des démarrages plus fréquents de la réfrigération. Le micro ventilateur, ça ne compte guère au plan électrique, l'humidificateur non plus.
La courbe bleue, sans l'usage des deux appareils oscille sur 30 points
La sciure : Chez Politec, un excellent fournisseur à tous points de vue. https://www.fumoir.net/
Ressources, recettes :
Politec encore trucs et astuces et recettes, et tout le reste
Le blog du saucisson, solide
Le barbecue de Rafa un peu léger parfois, toujours bruyant.
Two guys and a cooler pour l'ensemble de l’œuvre. En anglais mais OK avec sous-titres traduits.
Et surtout https://www.youtube.com/@diyiwonabastien que j'aurais aimé découvrir quand je tâtonnais, car nos pratiques sont quasi identiques ...
Il y a énormément de trucs à pleurer sur Internet en matière de tutoriels. Des informations fausses, des libertés avec la sécurité alimentaire ... Mais aussi pas mal de trucs inspirants !
6 Les produits que j'ai fumés depuis trois ans.
des maquereaux pour le premier test. De chez M'sieu Picard, donc congelés
des truites saumonées de pisciculture archi fraîches, tuées devant moi
du maigre, un excellent poisson de l'Atlantique
des filets de perche, de silure, de sandre provenant de ma pêche, toujours très bons.
des filets mignons de porc provenance Grand Frais, de l'échine pour coppa et de la poitrine pour du lard du même endroit.
puis les même produits provenant de chez des agriculteurs.
du filet de cerf et des muscles provenant de la cuisse, un régal. Ma préférence !
du bœuf une fois, étrangement bof bof, du chamois une fois, pas souverain.
des magrets de canard.
7 CONSERVATION
Une viande séchée qui a perdu 30 % de son poids, qui a été fumée (c'est anti bactérien et anti oxydant), et salée (anti bactérien, réduction du travail de l'eau) a tout pour se conserver longtemps au frais, sans être congelée. Sous vide, elle cessera de sécher.
La conservation est bien plus que de la conservation si vous la poursuivez à 12 ou 13 degrés après un pannage au saindoux plus farine de riz, que vous appliquerez un peu avant avoir atteint la perte de poids objectif. En trente à cinquante jours vous passerez du bon au très bon. Essayez une fois, et cela deviendra votre règle, même si c'est un ennuyeux et horriblement gras. Suivez ensuite le poids tous les 8 jours.
La mise sous vide suivi de la conservation à 12-13 degrés présente des risques sanitaires.
Le poisson fumé aura une durée de vie courte une fois entamé.
Le poisson sauvage, tel le silure ou les perches de ma pêche, mérite une congélation qui le nettoiera de parasites éventuels. Je le fais quelques jours après fumage, et décongélation au réfrigérateur, sur grille, sorti du sac, pour une consommation dans les jours qui suivent.
Ne séchez pas de sanglier, sauf si vous disposez d'un test négatif à la trichine. Pas de souci pour les autres grands animaux de chez nous.
8 Enfin je sais que j'obtiens une fermentation lactique améliorante.
J'ai lu sur la fermentation lactique tout ce que j'ai trouvé, et peu d'études sont accessibles au vulgum pecus. Même avec Google Scholar, difficile de trouver ce que l'on cherche. L'IA devrait aider.
Certains jambons ont droit à un étuvage à un stade déjà avancé du séchage. Le biltong semble toujours fermenter selon les études trouvées. Faut-il des températures momentanément élevées pour déclencher ces fermentations ? Tel un étuvage ? Une fermentation lactique a-t-elle lieu en douceur et en longueur en améliorant le goût ? Mais dans quelle plage de température ?
Je n'abaisse guère en dessous de 12 degrés la température de ma cave J'avais été émerveillé par le goût d'une coppa qui avait passé 80 jours dans la cave, dont près de 50 sous vide à 12-13 degrés. J'avais remarqué plus d'une fois que mes sacs sous-vide ne semblaient pas très étanches en cours de maturation, comme détendus : sans doute ma maladresse ? Pour des steaks de biltong très soigneusement emballés pour leur maturation, c'était carrément flagrant. Pas des ballons, hein, mais un gonflement clairement endogène.
J'ai
vérifié alors que la fermentation lactique produit bien un dégagement
gazeux. Et je sais donc que je faisais bien de la fermentation
lactique longue, mais de la même manière que le bourgeois gentilhomme faisait de la
prose !
* N'hésitons pas à faire littéraire ! Vous avez ainsi presque échappé à " se jetteront dans vos bras comme des scouts sous des soutanes".
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