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lundi 2 janvier 2023

Mes viandes fumées

 

Un jour j'ai eu envie de faire MES salaisons, MES poissons fumés. Jusque là, tout au plus j'avais bricolé du biltong (qu'on trouvera sur mon blog), et c'était excellent. Un autre jour un ami m'offrit deux magrets fumés par ses soins et l'envie de le faire commença à me titiller.

Comme mon temps disponible s'était allongé en même temps qu'une de mes jambes s'était raccourcie, les astres et les désastres se trouvèrent parfaitement alignés. Alors, si comme moi vous êtes vieux, si vous êtes moche, vous êtes con, vous pouvez le faire !!!!

Chose étonnifiante pour un homme doté par une nature ingrate de deux mains gauches, je n'ai raté aucune préparation depuis le départ, et leur qualité va croissant, comme le disent si justement les boulangers. Dans un élan de générosité, je partage la réinvention la poudre, car après beaucoup de lectures et quelques tâtonnements, je peux vous livrer la recette pour réussir tout de suite et sans trembler. 

Et ça vaut le coup : on vous louera pour votre savoir-faire, on vous adorera, les plus belles femmes tomberont dans vos bras tel un vol de gerfauts hors du charnier natal * ...


Pseudo Coppa


Si cela vous tente, vous ferez du très bon, ça je vous le promets. Mais de l'ultime, non.

Le cycle, c'est : saler, fumer, sécher … Si c'est du poisson, sécher sera réduit à rien ou à peu.


Pour une vue d'ensemble : une pseudo Coppa

Soit un morceau d'un kilogramme exactement d'échine de porc, destiné à une pseudo-coppa. Je mélange 35 grammes de sel de Guérande, 17 g de sucre roux bio, 2 grammes de coriandre, 2 grammes de poivre noir, quelques baies de genièvre. Selon l'humeur, un bon peu de piment maison pourrait s'ajouter ou se substituer.

On répartira le mélange sur la viande en la massant puis on mettra tout ça sous vide pour 5 ou 6 jours, en retournant le sac tous les jours (un plat juste adapté en taille, couvert d'un film plastique ou d'un couvercle, c'est aussi bien), laisser la saumure qui se crée . Ensuite on sèche en tapotant au Sopalin, on masse à peine avec une lichette de  gnôle ou pas, on remet au frais pour une journée ou une demi-journée de ressuyage sur une grille ou suspendu.

Puis fumage deux fois 12 heures, ou trois, puis mise en séchage dans une cave à vin dont l'humidité sera pilotée par un hygrostat de type Inkbird, qui commandera à la fois un mini déshumidificateur et un mini humidificateur.


Le séchage de ce bout de cochon durera alors une trentaine de jours ; on suivra la perte de poids une fois par semaine au moins par une pesée. On s'arrêtera vers 34 à 38 % de perte de poids.

On pourra, si on résiste à la manger tout de suite, mettre cette pièce ou une partie au moins sous vide dans la cave à vin pour un mois ou deux de plus ; ce sera encore meilleur.


1 SALER

Supprimer d'abord les risques lié au salage : Pour ça, abandonnez l'idée même du salage par enfouissement – recouvrement. Les anciens, cramponnés à la tradition comme des moules à leur rocher, discutent de quel sel, de combien de temps enfouir, de comment ensuite dessaler ou pas, comment rincer leur viande,  et ils utilisent à minima un kilogramme de sel par kilogramme de produit. Gabegie ! Au final et après des années de tâtonnements, leur résultat est certes excellent mais avec encore possiblement un peu trop ou pas assez salé ... car le sel n'est pas tout à fait le même, car le produit à saler était un poil différent, car la météo était trop ci ou trop ça. La tradition ne résiste pas selon moi à la démocratisation des balances au centième de gramme et au salage exact.


Passez au salage EXACT

Pour moi ce sera du sel fin de Guérande (il pourrait être d'ailleurs, si non traité, et sans rajout).

Pour le poisson (truite de pisciculture, sandre, perche, maigre, silure), j'utilise 30 grammes par kilogramme. Pour les viandes (cochon, magret, chamois, cerf, bœuf, chevreuil) 35 grammes par kilogramme. On peut varier de 2 grammes vers le haut.


Ajoutez du sucre

Mettez la demi dose de sel en cassonade. Le principal rôle du sucre est le même que celui du sel, déshydrater la viande sous l'effet de la pression osmotique. Le sel et le sucre pénètrent, eux, en sens inverse par phénomène de diffusion. Le sucre pénètre très peu, seulement en surface, et ralentit la pénétration du sel.

On lit aussi que sucre aiderait aussi à obtenir une belle couleur, un goût adouci, et qu'il pourrait servir de carburant pour contribuer à une fermentation lactique.

2 ASSAISONNER
L'assaisonnement juste sera moulu ou pilé puis mêlé au sel et au sucre.

Mon assaisonnement de base repose souvent sur 2 grammes de graines de coriandre (j'adore la coriandre et je la torréfie un peu) par kilogramme et 2 grammes de poivre noir par kilogramme ainsi que 4 baies de genièvre par kilogramme pour le cochon ou le gibier.

Le " cinq baies " remplace parfois le poivre noir

L'aneth remplace souvent les baies de genièvre pour le poisson.

Les piments de force faible à moyenne (type Espelette) peuvent s'ajouter, ou se substituer à un composant. Il me reste beaucoup à découvrir dans le domaine des assaisonnements et des piments. Le jalapeño, le chipotle, plus chauds que l'Espelette que j'utilise jusque là, semblent intéressants.

On peut rajouter du piment soit à ce stade, soit après la phase de salaison juste avant celle de repos. En fin de salaison, je ne rince JAMAIS. 

Je sèche juste avec du Sopalin, et je tapote ma pièce avec une lichette de gnôle blanche de prune, ou du whisky ... Ou bien je la bois. Il me semble de plus en plus que ça n'apporte rien du tout ... 

Je laisse ressuyer douze à vingt-quatre heures au réfrigérateur ou sur une grille dans la cave à vin. On peut aussi ressuyer 2 jours, le fumage sera plus efficient.

assortiment de silure et perche fumés


3 FUMER

L'outil obligatoire est le colimaçon (20 à 40 euros) ou générateur de fumée que l'on garnira de sciure de hêtre de qualité fumage. Voici le mien.Avant utilisation, sécher la sciure par un passage au micro-ondes d'une minute en fine couche sur une assiette plate, puis la remuer, cela chassera un peu plus d'eau et évitera les pannes de combustion. Le four à 80 degrés fait bien l'affaire aussi en deux petites heures.

Le fumoir peut être un emballage en carton de bonne taille (électroménager), plus une grille et des crochets, bien sûr. Un bricolage en bois c'est possible aussi, mais j'aime le luxe raisonnable (100 euros pour le mien, genre baril, en tôle, au look sympa). Klarstein, qui vend aussi directement, vaut par la qualité de ses produits. En inox, c'est mieux encore.

Il faut éviter de fumer par temps chaud, disons, plus de vingt degrés, et garder le fumoir à l'ombre. En été, fumer de nuit est la bonne solution que je pratique abondamment. Tant que ça fume, aucun animal sauvage ou domestique ne viendra renverser le fumoir.



4 SECHER

QUELS OBJECTIFS : 

Le séchage va permettre la conservation dans le temps. Après le sel qui commence à déshydrater le produit, le fumage qui contrarie les développements microbiens, le séchage poursuit l'action vers la conservation et l'obtention d'un goût et d'une texture.

On peut apprécier finement le degré de séchage au travers de la perte de  poids par rapport au produit initial, pesé après parage et avant salage et assaisonnements. Quelle valeur rechercher pour déguster ? C'est un idéal très variable selon les produits et les personnes.

Poisson  10-20 % (sur les hauts, c'est pour le manger à la main à l'apéritif)
magrets  28-32 % 
échine de porc (coppa)  34-39%
poitrine fraîche (lard entrelardé)  26 à 29 % (on peut sécher moins pour cuisiner avec)
filet mignon 40 % 
filet de cerf  40 % et plus

Les charcuteries séchées, conservées en sac papier au réfrigérateur après la première dégustation, continuent à sécher doucement. Il faut en tenir compte.

MA CAVE ELECTRIQUE


A peu près personne ne possède une cave dont l'hygrométrie constante serait proche de 75 % avec une température constante entre 12 et 15 degrés. Alors sécher seulement quand c'est le bon moment de l'année … ou bien utiliser une cave à vin.


La mienne est une cave de service pour 106 bouteilles, de marque Triumph, réglable de 5 à 20 degrés, ce qui en fait, avec ce minimum possible, un réfrigérateur d'appoint, mais malheureusement pas une étuve (c'est 26 degrés, souvent, un étuvage). Elle valait 400 euros environ. Une ventilation est présente, active seulement quand le compresseur tourne. Elle dispose, je crois, d'une correction chauffante : si la cave était stockée dans un local à 7 degrés et que l'utilisateur veuille 12 degrés, elle chaufferait. Fonction encore à découvrir.

J'ai ajouté un petit déshumidificateur : mon déshumidificateur environ 40 euros, à effet Peltier, consommation 21 Watt. L'efficacité est suffisante même si elle est très faible.

Et un petit humidificateur : genre humidificateur pour chambre de bébé. Le mien a une contenance d'un litre. C'est un peu juste, mais ça va ! Environ 25 euros.

Et ces deux outils pilotés par un hygrostat Inkbird : environ 50 euros. mon inkbird ici


L'humidificateur et le déshumidificateur sont donc pilotés par l'hygrostat Inkbird. On ne veut donc pas d'humidificateur ou de déshumidificateur possédant eux mêmes un hygrostat. Il doivent par contre posséder un interrupteur physique ou un réglage de débit ayant également cette fonction mécanique d'interrupteur. Il seront toujours sur marche et ainsi ils fonctionneront quand l'hygrostat distribuera le courant à l'un ou à l'autre appareil selon les réglages choisis. Les modèles à interrupteur électronique ne redémarrent en général pas quand l'hygrostat remet le courant, ou oublieraient le réglage de débit ... La cata assurée.

J'ai ajouté un minuscule ventilateur de 4 cm de côté, qui tourne en permanence, et c'est une chose que je crois importante : une bonne cave souterraine autrefois devait avoir un soupirail, on pendait par exemple le gibier près du soupirail pour qu'il ne se corrompe pas ; mon ventilateur m'a coûté environ 20 euros.

Celui-ci serait tout aussi adapté et moins cher : alternative ventilateur

viandes séchées à l'apéro, en attendant la suite



LES REGLAGES

Un réglage à 79 % d'humidité relative, avec des seuils de déclenchement à + 5 % pour le déshumidificateur et – 5 pour l'humidificateur est une bonne base de départ dans une pièce à 60 % d'hygrométrie . Les réglages comme le suivi peuvent être faits sur le smartphone avec mon modèle d'hygrostat Inbird.

Les deux appareils écrêtent les mini et les maxi d'humidité de cette manière dans une cave moyennement chargée en viande à plusieurs stades de séchage. En bleu la courbe sans les deux appareils.




Une chute d'humidité rapide se produit, comme dans votre réfrigérateur, quand le compresseur fonctionne. On constate que le déshumidificateur, qui consomme seulement 21 Watt pendant son fonctionnement provoque malgré tout des démarrages plus fréquents de la réfrigération. Le micro ventilateur, ça ne compte guère au plan électrique, l'humidificateur non plus.

La courbe bleue, sans l'usage des deux appareils oscille sur 30 points

La courbe orange montre que les deux appareils en place réduisent l'oscillation à un bon 10 % . Une régularité que je recherche.

Est-ce vraiment important ? Difficile à dire. Des amateurs se passent de ces deux appareils au profit d'absorbeurs d'humidité divers si le séchage n'est pas assez rapide, ils ajoutent une bassine d'eau en bas dans le cas contraire. Je pense qu'il n'est pas difficile de se passer de l'humidificateur, mais je déconseille l'impasse sur le déshumidificateur.


En cours de séchage

La lenteur est la clé du succès. Certaines viandes sèchent plus vite que d'autres : moins il y a de gras visible, plus le séchage se déroule vite. Si la viande durcit trop à son pourtour en restant molle à cœur, l'astuce est de mettre ces morceaux quelques jours dans un sac plastique, et l'humidité se répartira à nouveau ; puis on reprend le séchage.


5 Les consommables

La sciure : Chez Politec, un excellent fournisseur à tous points de vue. https://www.fumoir.net/

Ressources, recettes :

Politec encore trucs et astuces et recettes, et tout le reste

Le blog du saucisson, solide

Le barbecue de Rafa un peu léger parfois

Two guys and a cooler pour l'ensemble de l’œuvre. En anglais mais OK avec sous-titres traduits.

Et surtout   https://www.youtube.com/@diyiwonabastien que j'aurais aimé découvrir quand je tâtonnais, car nos pratiques sont quasi identiques ... 


Il y a énormément de trucs à pleurer sur Internet en matière de tutoriels. Des informations fausses, des libertés avec la sécurité alimentaire. Mais aussi pas mal de trucs inspirants.



6 Les produits que j'ai fumés depuis un an et des poussières.

  • des maquereaux pour le premier test. De chez M'sieu Picard, donc congelés

  • des truites saumonées de pisciculture archi fraîches, tuées devant moi

  • du maigre, un excellent poisson de l'Atlantique

  • des filets de perche, de silure, de sandre provenant de ma pêche, toujours très bons.

  • des filets mignons de porc provenance Grand Frais, de l'échine pour pseudo coppa et de la poitrine pour du lard du même endroit.

  • puis les même produits provenant de cochons fermiers.

  • du filet de cerf et des muscles provenant de la cuisse, un régal.

  • du bœuf une fois, étrangement bof bof, du chamois une fois, pas souverain.

  • des magrets de canard.


On peut fumer des produits ayant été congelés avec soin : je l'ai fait pour du poisson et pour du gibier, il faut alors être très prudent.

On peut congeler ensuite un produit séché qui a été fumé frais. Le poisson fumé ne se dégrade pas gustativement sous l'effet de la congélation, contrairement au poisson frais.


7 CONSERVATION

Une viande séchée qui a perdu 30 % de son poids, qui a été fumée (c'est anti bactérien et anti oxydant), et salée (anti bactérien, réduction du travail de l'eau) a tout pour se conserver longtemps au frais, sans être congelée. Sous vide, elle cessera de sécher.

Le poisson non consommé au bout de trois semaines mérite d'être congelé.

Le poisson sauvage, tel le silure ou les perches de ma pêche, mérite une congélation qui le nettoiera de parasites éventuels, même si c'est improbable.

Ne séchez pas de sanglier, sauf si vous disposez d'un test négatif à la trichine. Pas de souci pour les autres grands animaux de chez nous.


Enfin je sais que j'obtiens une fermentation lactique améliorante.

J'ai lu sur la fermentation lactique ce que j'ai trouvé, et peu d'études sont accessibles au vulgum pecus. Même avec Google Scholar, difficile de trouver ce que l'on cherche. L'IA devrait aider. 

Certains jambons ont droit à un étuvage à un stade déjà avancé du séchage. Le biltong semble toujours fermenter selon les études trouvées. Faut-il des températures momentanément élevées pour déclencher ces fermentations ? Tel un étuvage ? Une fermentation lactique a t'elle lieu en douce et en longueur en améliorant le goût. Mais dans quelle plage de température ?

Je n'abaisse guère en dessous de 12 degrés la température de ma cave J'avais été émerveillé par le goût merveilleux d'une pseudo-coppa qui avait passé 80 jours dans la cave, dont près de 50 sous vide. À 12-13 degrés. J'avais remarqué plus d'une fois que mes sacs sous-vide ne semblaient pas très étanches en cours de maturation, comme détendus : sans doute ma maladresse ? Pour des steaks de biltong très soigneusement emballés pour leur maturation, c'était carrément flagrant. Pas des ballons, hein, mais un gonflement clairement endogène,

J'ai vérifié alors que la fermentation lactique produit bien un dégagement gazeux. Et je sais donc que je faisais bien de la fermentation lactique longue, mais de la même manière que le bourgeois gentilhomme faisait de la prose ! 

* N'hésitons pas à faire littéraire ! Vous avez ainsi presque échappé à "tomberont dans vos bras comme des scouts sous des soutanes". 

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