Sir William Bockett (ou Brockett selon certaines sources), sous le règne de François Ier, vivait dans l'Aquitaine devenue française,
et s'installa finalement dans les Cévennes et le Languedoc. On lui doit
un casse-tête qui en vaut d'autres, un rubik's cube d'avant l'heure ... Ce glandeur génial a apporté, à l'époque où seuls les nobles
avaient des loisirs - ils n'avaient même que ça - un passe-temps assez horripilant. Son
amour de la France et ses rhumatismes lui firent franchir les limites de l'Aquitaine que
beaucoup d'Anglois bienvenus occupent à nouveau pacifiquement, en direction de la Méditerranée
Sa traversée des Cévennes
vers la plaine languedocienne a vu son nom et sa renommée grandir. Ça nous ramène loin
quand même : François Ier régnait chez nous, et Henri VIII tabassait les Ecossais chez lui. Mais la vie dans le sud était douce, et Bockett aimait la douceur. La pétanque régnait déjà en
Languedoc et ceci depuis l'antiquité, et même avant, selon les vieux. Mais
certaines régions entre causses et plaine étaient de fait exclues de ce loisir :
il n'y avait jamais la place d'un jeu de boules plat dans ces régions tourmentées ! Elles se consolèrent un temps dans la créativité religieuse, mais là aussi, les papes
avaient remis les Cathares rudement à plat, si l'on peut dire. L'invention des «
boules carrées », en fait cubiques, pourtant prometteuses dès 10 % de déclivité, avaient fait un flop magistral depuis longtemps, générant un appauvrissement conséquent. (Voir " l'Economie médiévale, ouvrage collectif, chez Dunod, page 802 à 824)
Un Rubik's cube à l'ancienne ... |
Comme pour le premier Macintosh d'Apple, un génie de l'invention et un besoin de la société civile se croisèrent. William inventa le
bilboquet un soir au bivouac. La version 1.0 ne comportait toutefois pas de ficelle ni de disque dur. Grâce aux médias et aux réseaux sociaux de l'époque, les colporteurs, son
invention se répandit comme une trainée de poudre dans les campagnes. Les zones les plus
abruptes des Cévennes parurent d'un coup plus avenantes, grâce à la ficelle : il ne
fallait plus trois heures pour aller récupérer la boule quasi arrivée à
Mèze, ou à Sète. Le dimanche après-midi, on avait le bilboquet … La pétanque en trembla sur ses bases. On
se mit à construire des usines pour les produire, aujourd'hui
désaffectées qu'on entrevoit encore à Lodève et alentours (ce ne sont pas des usines de tissage). William Bockett était devenu célèbre ; il francisa son nom
en Guillaume Boquet. Lodève, célèbre village alors, devint la capitale mondiale du
bilboquet et connut quelques siècles fastueux … Une colossale sculpture
fut érigée à la gloire du grand homme. Celui-ci donna finalement son nom à cet objet et à ce sport, tout à fait malgré lui. De William "Bill" Bockett à bilboquet, il n'y avait qu'un pas.
La formidable sculpture |
La pétanque
l'a finalement emporté partout , mais dans les pentes ardues
entre le Larzac et la vallée alluvionnaire du Languedoc, on voit encore, en fin
d'après-midi, les anciens y jouer assis sur les terrasses des cafés en
sirotant un verre de boisson anisée. Les plus jeunes préfèrent une
version qui se joue davantage en soirée, une variante en fait, dite
bilboquet à moustaches, dont je crains d' oublier un jour les règles exactes.
La fabuleuse sculpture, près de Lauroux, et le musée du Bilboquet méritent un détour, voire un week-end. Sur le site de la ville de Lodève, qui en est proche ; vous trouverez une page dédiée à Sir William Bockett.
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