Seconde
chasse pour moi, mais j'ai maldormi *, et je ne pars donc que pour les
traques de l'après-midi car deux heures de route me séparent du
but.
Sur la fin du trajet, je parviens à suivre en pointillés la traque
du matin, grâce à la radio, et à mon téléphone à deux cartes SIM. Car
s'il y a déjà des oliviers dans le Lot, l'Orange n'y pousse pas encore. J'ai rajouté la SIM que
chacun a là-bas … Mon équipe ne parvient pas à lancer des suidés
fantasques, et renonce au profit du casse-croûte.
Nous débriefons lors d'un rapide
repas où abondent les crudités auvergnates et lotoises :
jambon cru, saucisse sèche, fromages au lait cru du Cantal, du Lot
et même de l'Aveyron.
Le rond* me prive de mon poste fétiche
aux Quatre Combelles qui échoit à notre international, André, qui
est belgicain. Une promesse de sourires tant le Wallon serait une sorte de Français, mais avec de l'humour.
Je serai à un autre poste,
on s'y gare à deux pas, il y a juste trois quatre mètres de
descente scabreuse pour s'installer, que je franchis en quelques
minutes. Pas vraiment de replat, et comme on tire aussi avec ses
pieds, je dois bien passer un petit quart d'heure à positionner mon
siège, me lever et épauler en plaçant au mieux mon pied gauche. Il
l'est vraiment, gauche, c'est évident. Jamais ce n'est parfait, mais je me contenterai. Le poste fait face à une pente
rocailleuse idéale pour des tirs longs.
 |
C'est au premier plan que le sanglier passe |
Les chiens donnent
rapidement de la voix, et environ trente minutes plus tard, Erwan
annonce qu'un sanglier est « lancé ». Cela veut dire que
les chiens ont approché l'endroit où il s'est caché ... et qu'il a dû
le quitter. Le son de la menée s'accroît notablement, comme sa
vitesse, en général car la voie est alors chaude et bien captée.
Mais c'est hors de portée de mes oreilles que cela se passe, entre les distances et le relief. Mais la radio m'en informe.
D'autres chiens donnent de la voix, je ne sais si c'est en rapprochant ou derrière un sanglier. Ca se passe dans mon dos, ça s'en
va et ça revient .... Cela semble durer deux heures peut-être, avec
des moments plus intenses où je suis debout, prêt à épauler et à
ôter la sécurité de la carabine, d'autres où je retourne à mes
rêveries. J'ai droit, sur le flan pentu montré en photo, à la vision simultanée de
six à huit chiens fouillant méthodiquement les odeurs du sol,
pimpants et gais. Mais aucun sanglier ne giclera d'un buisson ici
...
S'ensuit un long calme, j'échange quelques mot avec un
promeneur, avec Erwan sur les ondes. Et le temps s'écoule doucement
dans une douce tension qui s'amenuise. Un chien solitaire pousse un
probable sanglier, le son croît doucement devient de plus en plus
fort. Je me lève muscles tendus, et soudain le frottement du corps
du sanglier dans les branchages devient un bruit intense, j'identifie
un beau sanglier qui fuse à quelques mètres, à demi masqué par
la végétation. Ma réaction est à mi-chemin entre un tir
académique et celui de Joss Randall. Au cri de l'animal je sais qu'il
est touché, et la chienne anglo française, quinze secondes
derrière, tient prudemment au ferme le sanglier grognant. Je
comprends qu'il est immobilisé ou à peu près, une balle de reins
probable … Damned, il n'est pas mort … il est à 10 mètres mais
totalement invisible, et il reste un danger pour les chiens qui
l'approcheraient.
 |
Les Anglo-français de petite vénerie de Stéphane |
Ma jambe
mal réparée ne me permet pas de m'enfoncer sous ces branches dans
cette pente arborée et caillouteuse. Comme dans un cauchemar, nul
ne répond à la radio « sanglier blessé au ferme, vite un
piqueur », je recours au téléphone qui passe grâce à la
nouvelle SIM ... et je laisse un message. Avant de toucher à la
radio une personne qui répercute à Stéphane, piqueur intrépide et
patron de la chienne, qui fatiguée abandonne le ferme un moment...
Je n'entends plus rien. Mort ? Et non, sa respiration me
parvient, des craquements, un boum mat ensuite. Il a franchi un muret
et est tomé lourdement, saurai-je plus tard.
Stéphane
arrive et s'empare de la carabine de son chauffeur. Il faut préciser
que stéphane s'est blessé sévèrement à une main lors d'un
accident domestique et conduit ses chiens sans arme. Mais là, il
vaut mieux éviter tout risque aux chiens. Il n'a qu'une main, mais
il est leste, il rappelle son chien revenu au sanglier, et achève
le sanglier à la Johne Wayne, d'un bras. Mais d'un bras, il ne peut remonter
cinquante kilos dans une pente de broussailles et de cailloux
Pourquoi pas son chauffeur, direz-vous ? Parce qu'il
n'est pas piqueur, d'une part, et qu'il est paraplégique à la suite
d'un accident de voiture, pardi. Et il ne chasse que depuis son
siège.
Enfin arrive Rémi, une personne tout à fait
extraordinaire, figurez-vous ! Il se tient parfaitement debout, il marche et
court s'il le veut, il peut tirer, prendre des chiens en laisse, et il possède deux mains aussi fonctionnelles que ses jambes. Et il remonte le
sanglier. Nous rions des collaborations qui furent
nécessaires, du boiteux au manchot, en passant par le paraplégique et
le valide pour cette œuvre résolument collective.
Le sanglier est une
femelle de 50 kg environ. Un autre sanglier, un peu plus lourd a été
tuée par Erwan.
 |
Une femelle de 50 Kg environ, tirée au calibre 308 Winchester |
* du
verbe maldormir, intrans. 3ème groupe, utilisé surtout chez les vieux et les insomniaques
**
l' endroit et le moment où les postes et les consignes sont
donnés
C'était la fête du handicap.
RépondreSupprimerBravo les déglingués...
RépondreSupprimerComme quoi, même en fauteuil roulant tu vas continuer de chasser.
Felicitations