Mon lac est capricieux, mon lac est mystérieux. Je pêche toujours avec la même envie, parfois j'ai un poisson ou deux, mais souvent je n'y trouve que nourriture spirituelle. Et encore : bredouille et transcendance ne sont pas exactement corrélés. Plutôt qu'évoquer la lune, le temps, le vent, les spoutniks, j'ai préféré m'élever jusqu'au monde des légendes et la Dame du Lac est devenue celle qui dispense ou pas sa générosité, celle qui boude ou celle qui rit. Je renoue ainsi avec mes ancêtres animistes.
il est pas mystérieux, MON lac ? |
Ceci étant, même si je voue à ce lac et à sa dame un vrai amour, je suis parfois infidèle. Grand voyageur, j'avais traversé quatre ou cinq départements et franchi un pont avant de buter sur l'océan au bout d'Oléron. J'y avais trempé du fil et à ma grande surprise, j'ai capturé contre toute attente quelque bars mouchetés qui frétillent encore en mon cœur.
bar moucheté |
A n'en pas douter, la Dame du Lac avait eu vent (du large) de mes fabuleux exploits en eau salée et m'en tenait rancune… Il n'y a pas d'autre explication qui tienne aux événements survenus depuis.
J'avais fort à propos rapporté en souvenir d'Oléron une ancre grappin de quatre kilogrammes pour remplacer celle que la Dame du Lac, toujours elle, avait confisquée dans un de ses mauvais jours, la retenant dans des rochers. Bien m'en avait pris, car ce samedi, un vent à décorner les petites sirènes*, soit environ 20 km/h, formait des creux abrupts de 2 centimètres et aurait entraîné mon bateau avec sa pauvre ancre champignon dans une dérive à un demi nœud ou plus, rendant ma pêche difficile.
Avant ce jour, la Dame du lac m'avait fait rentrer bredouille une ou deux fois, jusqu'à ce que sa petite colère soit oubliée. Ce samedi un peu venteux, c'était devenu du passé. Elle me l'avait plus ou moins signifié la veille, à travers un message sibyllin et cabalistique que j'avais remarqué, mais que seul un druide expérimenté aurait déchiffré à coup sûr." 33333 ", avait elle écrit en gras sur le tableau de bord de la Zoe. Elle n'envoie jamais ni texto ni parchemin et je ne savais quoi comprendre. C'est toujours comme ça, avec les filles.
le message de la dame du lac |
Est-ce elle aussi, telle une muse, qui
me souffle alors d'aller pêcher vers la plage, dans deux ou trois
mètres de fond ? Est-ce simplement ma petite science de la
pêche qui m'emporte là-bas ? Arrivé sur les lieux après une
navigation de 500 milles mètres, quelques
ébats de poissons se font entendre à proximité, qui semblent des
chasses, mais pas absolument, car on ne voit aucun
poissonnet gicler hors de l'onde comme s'il avait le feu à la
nageoire caudale … Je décide que ce sont des chasses,
n'ayant d'autre option. Une imitation d'alevin de quatre
centimètre sur une tête plombée de deux ou trois grammes est
envoyée. Cette tête plombée est précédée vingt centimètres
plus haut d'une plume imitant un ♫ ♫ petit alevin blanc ♫♫. Qu'on boit sous les notelles ?
Une secousse, c'est une touche, deux secousses, c'est une paire de zébrées qui m'arrive en retour ! J'en suis tout esbaudi et je drope ces deux poissons à bord. Je relance et petits-beurre ! J'avais écrit bis repetita, mais je n'ai jamais fait de latin, et M'sieu OpenOffice me suggère petits-beurre, on se demande pourquoi, mais je prends.
étonnant, non ? |
La fête se poursuit à un rythme moindre mais soutenu durant deux petites heures. Je rentre au port avec une belle récolte … Ce fut ma plus agréable partie de pêche jamais réalisée au leurre souple, clairement.
Musée Picasa, WH, les perches (fragment) |
* C'est uniquement parce que le vent dépasse souvent 20 km/h en bord de mer que nul n'y a vu de sirène cornue.
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