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lundi 1 avril 2024

De l'art de convaincre

 Je roulais tranquillement dans le Revermont accompagné de mon épouse. J'avais la banane pour deux bonnes raisons. D'abord un stock tout neuf de vieux comté dans le coffre, et ensuite le bonheur d'être là à traîner sur les chemins de mon adolescence. J'arrivais ainsi à la toute fin du Revermont. Ou au tout début de la Bresse, va savoir ! C'est ici la zone grise où ventres jaunes de la plaine et cavets de la montagne se mélangent allègrement, et où des pointillés clairs et nets amélioreraient la précision du récit.


Passons sur l'impéritie de nos services publics qui couvrent les cartes de pointillés de toutes sortes sans JAMAIS avoir le courage de venir les reporter ensuite sur le terrain. C'est juste là, à l'entrée du village, entre deux virages à 90 degrés dans lesquels on ne tremperait pas un doigt sans se brûler, qu'un gentil monsieur, une brassée de fanions tricolores sous le bras et un panier à la main nous invite à nous arrêter un instant. Comme il est à la fois porteur d'un gilet jaune tout neuf et posé au milieu de l'embranchement, nous lui laissons volontiers la vie sauve. J'ouvre la vitre pour le saluer et m'enquérir de sa démarche.


Il s'excuse de provoquer notre arrêt et nous explique être simplement posté ici pour récolter un peu de fonds en vue du lancement d'un événement gastronomique porté par la maison des jeunes du village.


Ah que pourquoi pas ? J'aime les jeunes, j'aime ce village, j'aime la gastronomie et j'aime la bonne bouille de notre interlocuteur. Donc je veux bien le petiot drapeau tricolore contre deux balles, pourquoi pas ? Alors que l'un de nous se met à la recherche de monnaie, il demande si nous n'aurions pas un billet de dix ou de vingt euros pour se libérer de la monnaie que je vois abonder au fond de son panier, parmi des petits je-ne-sais-quoi emballés de papier plastique. Bien sûr !


Nous cherchons un petit moment – nous sommes auvergnats – et j'ai enfin en main le bifton de vingt euros. Un petit nougat ou un gros ? me demande le gentleman. Je souris, c'est vraiment sympa de filer une friandise aux gentils donateurs. Un gros bien sûr ! Il me tend un je-ne-savais-quoi-mais-je-sais-maintenant, et alors que j'attends 18 euros la main tendue et le sourire aux lèvres, le mec m'en file trois ... Le petiot nougat n'est pas un cadeau ? C'est ce que j'aurais dû comprendre ?




Deux-trois neurones se reconnectent enfin. Je reprends mon billet avec autorité, lui rends ses trois euros, et lui demande aussi à quel point il se paie ma tronche. Magnanime, je garde le drapeau et lui file deux euros.


Il aurait suffit d'un rien, une voiture qui arrive en prime pour créer un léger stress, pour que mes sens endormis ne s'éveillent pas et que je me fasse baiser 17 euros en croyant participer à une initiative sympathique …Il n'y avait d'ailleurs pas l'ombre de projet de manifestation gastronomique.


Quelque jours plus tôt, ma sœurette recevait quelqu'un pour un contrôle de son isolation … Bien normal puisque de l'argent public y avait contribué. Mais ce n'était pas un contrôle, juste des marlous qui récupèrent des fichiers je en sais comment, et sont là pour des objectifs absolument pas nets (pas de carte pro, pas de document officiel ni même commercial)


Tout ça en trois jours, et sans recourir à l'intelligence artificielle ! Mais moi, je devrais m'en équiper, je crois.

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