Ouf, de retour dans les Quarantièmes. Oui, d'accord, de l'hémisphère Nord, mais on a les Quarantièmes qu'on peut... J'étais à nouveau sur l'eau, après au moins dix bredouilles totales, sévères et indiscutables depuis le bord du lac ce début d'hiver. J'étais en réalité peu enthousiaste à l'idée d'essayer de fréquenter à nouveau ces êtres humides et poisseux qui peuplent nos eaux selon la rumeur, mais qui semblaient tellement absents !
Ce fut un samedi vers quinze heures que je lançai mon rafiot. Mais évidemment je voulus réinitialiser le sondeur, avec les soucis inhérents. Je dus aussi me séparer de 600 euros auxquels j'étais attaché par de forts liens sentimentaux, pour un rien d'huile et un bout de courroie... Ah, la barque en bois à rames, le crin de jument en guise de ligne, c'était le bon temps.
Finalement, tout fonctionna.
Les vers canadiens achetés à grands frais la veille, pas chez, ne l’étaient pas, frais. Ils étaient morts sauf un ou deux, de trouille probablement, ou bien d'épuisement parce que venus à la nage. Heureusement, mon assortiment d'appâts était vaste, le sondeur avait les crocs, et l'acier des hameçons lançait des éclairs féroces. L'écran vide du sondeur était comme une question, la plupart des fichus poissons restaient sans doute collés au fond comme des moules à leur rocher.
Pêche à l'aveugle, donc.. Les poètes parlent de "pêcher l'eau". Je me dirige vers mes coins favoris, mais ça ne veut pas rire du tout. Heureusement, il fait beau, il fait chaud. De coin qui ne donne rien en coin où rien ne bouge, je fais doucement le tour de la baie. Je sens un truc, "tiens, c'est accroché ?", puis une belle défense sur la canne à lancer ultra-léger : "un bébé silure ?" "un sandre ? " (c'est fermé), "un petit brochet ?"(ça va couper). "Noooon !" Une perche de 300 bons grammes, un vrai poisson, piqué au bord de la lèvre, hop dans l’épuisette.
Il fait meilleur, l'air est plus doux, les engins bruyants ne me gênent plus guère. La grande sœur suit, une grosse demi-heure plus tard. Je poursuis mon tour de la baie, une perchette encore, et un gardon qui arrive trop tard pour une chasse au brochet entre potes, car les nuages menacent et la nuit approche.
Le plat fut parfait pour deux convives.
Bien sûr, trois perches pour 800 grammes en cinq heures de pêche laissent suffisamment de temps pour goûter le bonheur simple d’être sur l’eau, seul et tranquille. Et même trop tranquille. C’était plutôt un échauffement, et pour la seconde partie, quatre jours plus tard, ce serait festival d’éclaboussures, crissement des moulinets, prises magnifiques. Ou pas.
Vêtu d’espoir et de coutil épais, car il caille, me revoici quatre jours plus tard. J’ai même prévu des lignes aux hameçons minuscules pour prendre des vifs. Je parviens en milieu d’après-midi à capturer une seule et minuscule perche de 6-8 cm que je convaincs de pêcher le gros avec moi. Vers dix-neuf heures, bredouille, je reviens au ponton.
J’amarre solidement le bateau et, regardant la perchette toujours aussi en train, je décide d'une petite prolongation. Les pontons sont souvent de bons plans. Le vent tombe complètement, et je pêche également au ver avec une autre canne.
Et c'est avec la ligne au ver que je décroche le pompon : je ressens un toc toc bien mou, typique du gardon… Je rends la main et au toc suivant, je ferre. "C’est koitesse ?" « Ça » pèse et "ça" monte mollement avant de contester, une grosse brème visqueuse ? Et la bataille s’engage. Le poisson énervé fonce sous les bateaux en libérant du fil sur le moulinet, je plonge la canne dans l’eau pour éviter que la tresse ne frotte aux carènes ou bien à une embase de moteur. Wouahh, une belle perche, et elle fonce à nouveau.
Elle se rend bientôt. Un bon kilo de perche combative ! Un peu au-delà de vingt heures. Je libère le petit vif qui ne se fait pas prier.
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