Du rêve embrumé de bateau à la réalité ensoleillée, il n'y a que
trois cents kilomètres que j'ai franchis pour me jeter à l'eau. Voileux croyant depuis l'adolescence, dès la révélation de la beauté magique et irréelle des voiles penchées
et silencieuses, je suis pourtant resté non pratiquant. Mais je suis aujourd'hui l'invité
d'Olivier, membre de l'Aviron Marseillannais ! Nous sommes neuf, mais anciens … Seul
Olivier avec ses cinquante balais s'échine encore à gagner son pain. Nous nous
répartissons sur trois croiseurs et par miracle le First 21, le plus petit des
trois avec ses six mètres, nous échoit. Un bateau que je connais par mes lectures et qui suscite
bien des louanges. Celui que j'aurais choisi ! Des trois équipiers Jean-Jacques
semble le plus expérimenté, Olivier est le plus costaud, et moi le plus "rien de
tout ça". Le Bassin de Thau confirme heureusement sa réputation de vagues
modestes et de soleil orgueilleux.
Pourquoi j'ai toujours rêvé voiliers est un mystère. Ma
Bresse d'hier ne s'y prêtait pas plus que mes montagnes d'aujourd'hui. J'ai lu
pas mal de récits de marins au long de ma vie, et La longue route de Bernard
Moitessier a par exemple accompagné un moment difficile de ma vie. Dire que j'ai perdu ce bouquin ! Une santé de merde
en général et la vie en particulier m'ont laissé sur le rivage. Une balade sur
un ketch de neuf mètres il y a un an dans le Golfe d'Ajaccio a rallumé du rêve.
Ben c'est déjà gros un six mètres … Je les voyais minuscules
à côté des grands, ou sur l'eau. Je n'imaginerais plus traîner ça derrière une
voiture, et surtout le charger, le décharger et le mâter seul. Mais il est idéal
pour cette journée ! Nous partons de Marseillan au près dans un tout petit
vent, direction Bouzigues et nous tirons des bords pour atteindre notre
destination. Je barre ! Je suis le roi
du monde, que dis-je, je suis Neptune soi-même ! Sauf que parfois je tire la
barre au lieu de la pousser, ou inversement ... Mais pas souvent, et je surveille
la voile d'avant pour serrer au mieux le vent. Olivier et Jean-Jacques sont excellents
pédagogues. J'enrichis mon vocabulaire marin et surtout je mets un usage sur des
mots plus ou moins connus, taquet, coinceur, winch, et ces sacrées drisses de
ci, drisse de ça, qui spaghettisent quand j'essaie de les ranger. La
balancine se révèle à moi qui ne comprenais pas à quoi ça pouvait servir.
Alors, bien sûr, j'épluche férocement les petites annonces,
sans savoir si je vais franchir le pas. Car il ne faudrait pas que ce soit une amourette sans lendemain. Si un bateau j'ai, il sera transportable,
et je pourrai pêcher avec aussi … La pêche, une vieille passion qui pourrait,
sans se rallumer gravement, redevenir un passe-temps conforme à mon âme de
chasseur-cueilleur. Bricoler je ne sais, alors il devrait donc être en
"suffisamment bon état ". Costaud je ne suis pas du tout, il devrait
être facile à mâter. Auvergnat je suis, il ne devra pas me ruiner ...
On n'apprend pas grand-chose en une journée, bien sûr. Je
serais incapable probablement de virer de bord proprement seul, car j'étais
trop concentré sur la barre pour repérer l'ordre des actions sur les voiles … Mais je me rends compte du bonheur que ce
serait d'être seul sur l'eau, avec juste ce petit bruit de
carène. Avec un GPS pour être certain d'être à ma place, un sondeur de la profondeur
sous la coque … Un bon peu - c'est de l'auvergnat - de compétence
supplémentaire aussi, à acquérir dans un club ou avec un voileux de rencontre.
Je suis aussi un grand fan... mais un peu plus pratiquant que toi meme si la paternité m'a un peu éloigné de ma passion... pour l'instant.
RépondreSupprimerC'était sympa de t'accompagner par la lecture dans ce périple à faire rougir Ulysse.
Bon vent !
Merci à toi !
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