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dimanche 21 février 2021

La dernière chasse de la saison, en crocs vertes

Ma redoutabilité (mot nouveau) a failli hier s'exprimer, mais un destin contraire en a décidé autrement ... J'avais pourtant la chance avec moi. J'avais décidé de me donner à fond toute cette semaine dans quelques repas substantiels avec des amis tout pareils.  Dans le même élan, j'avais fait six kilogrammes de pâté à partir d'une recette un peu bricolée pour ses éléments non sauvages. Son parfum était prometteur. Et samedi c'était chasse !


Brèfle, c'était la dernière séance de la saison, et j'avais choisi ma jolie carabines en calibre 9.3, aux courbes délicieuses, si douce sous mes doigts. J'avais même fait briller mes cartouches la veille, comme des souliers pour un premier bal.


Mais les pieds de sangliers n'étaient pas fameux, et l'attaque de la première "rentrée"  se solda par une défaite, certes honorable, suivie d'un repli en ordre pour une nouvelle attaque. Je me retrouvai à nouveau déployé aux Quatre Combelles, endroit tellement cité que bientôt il s'affichera sur Gougueule dès qu'on tapera quatre.


Légèrement vêtu, c'est à dire sans surveste, je ne prends pas non plus le casque - non, pas celui à pointe - faute de poches ou de boches. Mais le casque amplificateur, la cure de jouvence des vieilles oreilles. La carabine est lourde dans la pente raide. Le vent n'est pas non plus l'ami du casque mais si j'en parle tant, vous vous doutez que ce n'est par hasard. Vingt mètres d'efforts, presque une Diagonale du Fou en plus concentré, et je pose le pied sur la marque rose qui dit que c'est the place to be.

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Il fait 16-18 degrés un peu ventés. De mon poste, je domine le monde. Sans me vanter, car c'est au premier degré. Sur les 16 ou 18. Mais les voix des chiens m'arrivent à peine de derrière la courbure de la colline et du vent. Ah, fourbe, le vent, pas courbe ? La fourbure du vent ? Ca ne collerait pas non plus, fourberie des mots ... Je laisse quand même, après tout, c'est moi qui tiens le clavier. Poum ! j'entends, au milieu de quelques récris lointains. Comme souvent dans ces paysages vallonnés, je n'entends qu'un des interlocuteurs à la radio, ce qui ne me permet pas de saisir l'issue de l'action.


Et 15 h 30 arrivent déjà, et à 18, le Kodiak se transforme en amende, a dit la fée à casquette. Avant, les carrosses se transformaient en citrouilles -bien plus grosses qu'une amande- et bien plus tard que de nos jours. Minuit. Tout fout le camp. Et moi aussi, alors je commence à descendre du promontoire, tout doucement. A 15h45, je suis à la voiture, j'ôte le chargeur, enfile une jolie croc vert laitue à la place de ma chaussure de marche. Vous connaissez mon jusqu'auboutisme, j'allais faire de même pour la seconde chaussure sans aucune pitié, quand la radio annonce que "ça" vient vers moi.


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Mortecouille ! Le chargeur, vite ! Ainsi à demi accoutré je remonte les 20 mètres. Difficile d'entendre les voix des chiens. Je suis là, tendu comme le ressort à Boudin, du nom du célèbre inventeur, quand la radio m'informe que la menée a changé de direction. Je me replie avec un grand sourire, jamais telle chose ne serait arrivée sans la consigne expresse du couvre-feu.

J'ai enfin une croc verte à chaque pied, et je vais appuyer sur le bouton de fermeture du coffre, quand " t'es toujours là Régis ? ça revient vers toi !!!". Bon, je ressors (toujours à Boudin) la carabine, et j'y glisse une cartouche. Cette fois encore, le sanglier changera de trajectoire. C'est un malin …

Et je prends enfin la route. Il ne faudra pas lambiner pour arriver à 18 h 00. Pour couronner le tout, je croise le président qui vient me remplacer car … « ça »  revient encore une fois. Je ne connais pas la fin de l'histoire, mais ce que je sais, c'est qu'à ce poste la semaine dernière le président avait en quelque sorte manqué un sanglier ... Pas vraiment, car il n'avait pas chargé son fusil. Clic ! Clic !

Le pâté s'avèrera le soir assez sèchement raté en matière de consistance. Et pour le casque amplificateur - protecteur, eh bien, il n'y a rien à en dire de plus ... J'aurais juste aimé entendre la symphonie des grands courants.

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