Terre-Neuva d'Auvergne
Je vais vous narrer, et vous aller vous marrer, ma première campagne de pêche dans les quarantièmes meuglants (pas de tempêtes ni de rugissements ici, mais beaucoup de vaches). J'ai déjà coché-transposé Le vieil homme et la mer, dans Le vieil homme et les vertes collines alors il me faut trouver un autre parallèle … Ce sera le quarante quatrième, alors. (44.929 N, 2.217 E)
Comme campagne de pêche, c'est
un peu court, certes, mais j'ai dormi dans le bateau, quand même ... Six mois auraient été trop longs.
L'équipage a
été choisi pour ses hautes qualités, tant physiques que mentales,
car ce sera dur. Il est composé de moi-même, d'une dizaine de
poissonnets qui s'ignorent encore être des spécialistes du sandre, de trois cannes à pêche, d'un sac de couchage et de
fruits secs. Je pourrais éventuellement manger les gardons si la faim me
tenaille et pêcher avec des fruits secs le lendemain. J'aurais pu emmener un
gravier* pour sécher et préparer le poisson, un maître-saleur, etc … Mais
l'ambition démesurée n'est pas ma caractéristique première.
Pourquoi je préfère dormir
dehors ** ? Parce que j'ai horreur de me lever tôt et, à la pêche comme à la chasse, si tu dors à la dure, tu es
content de te lever, et tu es déjà sur place, en prime.
Le port de Rénac n'a
pas la dimension de celui de St-Malo ou de Dunkerque, aussi ai-je
jugé inutiles les processions et autres fêtes païennes la veille de l'embarquement : celles où les
marins sont déguisés en femmes. En fait, les marins partaient le
lendemain vers Terre-Neuve ou l'Islande, leurs affaires étaient dans
le baluchon, alors ils empruntaient les habits de leur femme, ai-je entendu …
Le lac est calme, moi aussi. Je file vers une anse où pointe un émissaire. Je me
dis qu'un petit affluent est comme une cerise sur le gâteau, qui lui-même ferait un dessert bienvenu ce soir. (44.927 N & 2.220 E). L'eau est
déjà plus humide en Auvergne qu'ailleurs, mais je mouille quand même, à quelques mètres de
fonds incertains et en restant par 3-4 mètres de fond, et je serai à
l'ombre en prime. Ben non finalement, le soleil, il tourne bien ... Galilée, enfoiré !!!!
Commence
la galère du pêcheur moyen. Moyen, j'ai dit, pas médiocre. Le pêcheur de haut
de gamme, lui n'a pas de souci, les nœuds d'attache se font comme par magie, il a
un matos génial, et s'il prend un thon, c'est vraiment un poisson. Et tout ça finit en HD sur Youtube ... Mes montages à moi, mûrement pensés pourtant, nécessitent des retouches, elles-mêmes sujettes à retouches et re-retouches. La retouche avant la
touche ? Ben non !
M'en fous, c'est royal ici. Un milan du même métal, royal, pêche un poisson en piqué devant mes yeux, je lui jette mentalement des pièces. Ils sont trois à faire
des arabesques magnifiques.
Si le milan est royal, ce n'est pas le cas de ma cambuse. C'est possiblement avantageux d'être petit et tordu dans la vie, plus en tout cas que d'être noir et bègue, mais là, si ma longueur m'avantage ****, ma capacité à me contorsionner trouve aussitôt ses limites. La circulation d'air inexistante dans le petit bateau sans hublot ouvrant m'incite à dormir la tête vers la descente, mais l'air trop frais et les moustiques trop chauds m'incitent vite à un 180 degrés***. Ah qu'on est bien ! Pas bien du tout en fait, mais je finis par plonger. C'est le feu d'artifice qui me réveille ! Pas loin après l'endormissement, d'ailleurs. Merdre, il ne DEVAIT PAS y avoir d'orage. Que fait le gouvernement ?
Si le milan est royal, ce n'est pas le cas de ma cambuse. C'est possiblement avantageux d'être petit et tordu dans la vie, plus en tout cas que d'être noir et bègue, mais là, si ma longueur m'avantage ****, ma capacité à me contorsionner trouve aussitôt ses limites. La circulation d'air inexistante dans le petit bateau sans hublot ouvrant m'incite à dormir la tête vers la descente, mais l'air trop frais et les moustiques trop chauds m'incitent vite à un 180 degrés***. Ah qu'on est bien ! Pas bien du tout en fait, mais je finis par plonger. C'est le feu d'artifice qui me réveille ! Pas loin après l'endormissement, d'ailleurs. Merdre, il ne DEVAIT PAS y avoir d'orage. Que fait le gouvernement ?
Mais orage il va y avoir, et, annoncé ou pas, je risque de déraper sur mon mouillage précaire dans les rafales, et de
passer une nuit épouvantable. Je lève le mouillage, et à la lampe
frontale un peu , aux éclairs surtout, j'approche un ponton
privé tout proche, qui semble solide ... sauf que rien ne permet de s'y amarrer. Je mets en fuite, avec mon stress et ma
lampe frontale, car il fait nuit noire, parsemée d'éclairs, avec
pour seul GPS mon téléphone et un logiciel de rando ... Pourvu que l'orage éclaire
bien sans qu'il tombe trop d'eau et sans qu'il y ait trop de vent. Perdu, sauf pour la foudre, et il est un moment
où seul le ciré jaune doit manquer au tableau … Et les vagues aussi, d'accord ! Après une
trentaine de minutes de navigation crispante, j'arrive à ma bouée,
m'en saisis … Ouf !
J'attrape encore une heure ou deux de sommeil
chaotique avec bruit de clapot sonore, de gouttes sur la coque, de deux ou trois grêlons. Le jour me réveille et c'est archi-calme. Tout est trempé sur un bateau, le
matin, qu'il ait plu ou pas. Je pointe la tête ... Des moyens poissons coursent les petits en surface, alors je course
les moyens poissons avec leurre et vifs, mais pas moyen. Mes lignes semblent désormais presque au
point, et c'est déjà ça.
Le soleil pointe, je décide de changer de
poste, je vais en un endroit proche qui restera ombragé *****
encore une heure ou deux, mais la hauteur d'eau y est analogue à
celle que je viens de quitter, et qui fut improductive. Alors je file
vers une autre rive, proche d'une passerelle, où les fonds sont
abrupts et rocailleux. Mon mouillage veut bien tenir grâce à la quasi
absence de vent. Contre toute attente, au bout de presque deux heures une touche franche et dynamique,
et un ferrage engagé, m'offrent une belle bagarre. Et ce joli sandre rejoint l'épuisette sans barguigner plus de trois minutes. Le soleil est chaud, ma nuit m'apparaît soudain sympa, le cadre idyllique, le monde merveilleux. Mon cœur s'envole ...
52 cm, 1.4 kg, pas un monstre, mais un plaisir monstre |
C'est le
premier sandre que je pêche, il n'était pas à la mode il y a
quarante ans, en tout cas pas à la mienne. C'est un délice
gastronomique, tout comme la perche.
Les cales ne sont pas pleines, mais suffisamment garnies pour que je mette le cap sur le port.
Les cales ne sont pas pleines, mais suffisamment garnies pour que je mette le cap sur le port.
*[ Terre-Neuvas] Des enfants et adolescents étaient employés comme graviers pour assurer le séchage des morues sur les graves, les terrains caillouteux du rivage et exploités de manière éhontée (Wikipédia)
** Daran, Dormir dehors https://www.youtube.com/watch?v=Wmy1OFHk13s
*** Non, ce n'est pas la température
**** Question de couchage, donc longueur et non taille …
***** Le sandre serait un poisson qui n'aime pas les lumières violentes.
Belle plume,beau style,toujours égal à toi même; au fait, en parlant de plume,n'oublie pas de pêcher le brochet à la plume et le chevesne à la cerise.
RépondreSupprimerJe retourne te suivre sur ""SPN""
Marcello.
Merci
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