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mardi 25 août 2015

Coin-coin ... Ou pas ?

Cette chasse aussi authentique que possible se déroule dans une tourbière cantalienne, dont seule ma maladresse me tient le plus souvent éloigné à la mi-septembre...


7:40, 12 septembre 2010


A sept heures je suis à pied d'œuvre, et avec les trente chasseurs, nous cernons la tourbière. Personne ne s'échappera. J'ai acheté des cartouches presque aussi chères que l'or, une tragédie pour un auvergnat. Ça rafale dur, mais avec mon instinct habituel, j'ai trouvé le secteur que les canards ne survolent guère. Il y en a toujours un où on ne tire pas beaucoup, souvent j'y suis. Mais au bout de dix minutes de pétarade un petit volier m'arrive, et je tente le coup du président (à la verticale). Mes convictions politiques me font éviter - ou même trancher - le cou (p) du roi ... 

Ce n'est pas sans émotion que je vois un canard désuni par mon tir bouler dans le ciel et s'écraser dans les herbes aquatiques devant moi. Je suis fier comme Artaban, je me félicite, et je m'encourage pour la suite. Je pense aux navets qui sont sacrément la bourre dans le jardin. Un autre canard fait une passe suicide, lente, courbe… La première cartouche est inefficace et la seconde s'avère d'aussi mauvaise qualité. De l'acier à ferrer les ânes ! Mon voisin le traite de la même façon, ainsi que le sur voisin. Je me félicite de tant de savoir-vivre de leur part ; mon amour-propre reste quasi intact ! A l'évidence ils ont deviné sous mon dehors austère une sensibilité de jeune fille. Grâce à mon choix d'emplacement judicieux, je ne tire que quatre ou cinq cartouches, alors que d'aucuns en envoient une douzaine ou une vingtaine.  

Mais mon merveilleux colvert s'est abîmé en zone aquatique… Un aimable chasseur doté d'un plus aimable encore épagneul qui se jette à l'eau pour moi. « C'est du jus d'aile ! » me dit-il. « ? ? ? mklxiudzkh ?!?… » réponds-je sur la défensive, craignant pour la légalité de mon tir tout autant que pour mon acuité visuelle. Je regarde mon joli canard bien trop noir, avec une plaque blanche sur son bec pas vraiment de canard. C'est une judelle (sic) paraît-il, facilement confondue avec le colvert par le béotien, avec  le héron et même l'aigle royal par l'aveugle. "M'en fous, je suis pas broucouille", et c'est un gibier parfaitement légal. Mo partenaire a lui-même tiré un colvert que l'épagneul se fait un plaisir de rapporter. Mais l'heure de la messe approche, et je dois filer.

Je m'habille rapidement en civil, échangeant mes douilles vides contre un bréviaire encore neuf et un chapelet, mes bottes contre des mocassins de témoin de Jéhovah. « Z'avez tué ? » me demande alors un sympathique chasseur chargé de gibier et procédant lui-même à un changement d'apparence. Damned, je suis pris ! « ?!/mklxiudzkh[;@ ! » réponds-je humblement. Qu'à cela ne tienne ! Me voila doté d'un joli canard par ce fier tireur, qui déteste plumer. Les voies du seigneur sont impénétrables ! Je comprends soudain que ce don céleste récompense ma conversion inattendue, moi qui ai toujours craint de recevoir une cloche sur la tête dans chaque église,  bouffé du curé sous toutes ses formes, mais adoré Diane plus que de raison.
Ouvrant mon coffre pour ranger mes affaires tout en remerciant cet aimable chasseur, j'aperçois un vin de messe dans ma caisse à tout faire, de la marque "Ouyatou", que j'offre en remerciement au Nemrod. Il faudra plumer  … 

judelle, en haut, et cane colvert

samedi 22 août 2015

Un chamois chanceux


La montagne était sacrément belle, ce 2 décembre 2013. J’accompagnais Nicolas qui entendait occire un chamois -cabri ou éterlou- pour régaler ses papilles, car  Noël approchait. C’est un fort tireur à l’approche. Jusqu’à des distances ultimes, il ne manque pas, sachant aussi lire le vent pour les tirs lointains. En montagne, c’est parfois essentiel.

Biche et faon

Je ne devais être le tireur que si un bouc s’offrait au tirage au sort. Ce qui n’arriva pas. J’avais emporté quand même ma jolie carabine mixte Sauer & Sohn … Modèle 54, comme moi ! Tous les deux, nous avions dépassé le demi-siècle, aussi mon cœur cognait-il à gravir chaque mètre du versant  enneigé.

Nous avions belle compagnie, dans notre lente et silencieuse randonnée, observant biche et faon, et un magnifique bouc. Interdit. Puis d’autres chamois encore, avec des jeunes. C’est vers eux que nous reportons la chasse, et l’approche est physiquement rude pour moi et mes ans. Je rejoins enfin Nicolas, déjà assis dans la poudreuse, et jumelant.


Un cabri s’offre, qui nous était masqué par le relief, s’approchant de sa mère. 120 mètres, un tir facile. Comme chaque fois qu’un animal juvénile va être tiré, j’éprouve ce regret et je rêve qu’il soit épargné. On ne tire pas de cabri en Suisse. Sentiment plus fugace quand c’est moi le tireur ... Mais le hasard sauve le cabri, car son ainé apparaît !

Un magnifique bouc  pose 

Je filme l'éterle*, le cabri et leur mère, car il est impensable d’avoir à doubler un tir de Nicolas. "Eterlou ?" me fait il confirmer. "Pour moi c’est bon", dis-je. A un contre mille, l'éterle ne chute pas immédiatement au tir … ni dans les mètres qui suivent. Raté à 120 mètres, sans explication ! Pendant une heure nous tournons et cherchons à comprendre : des traces. Mais pas de sang.

Quelques secondes avant le tir,
trois générations, cabri de 6 mois au premier plan,
à gauche sa sœur de 18 mois,
et la mère des deux à droite ...




De retour, nous chargeons le film, et voyons au tir voler du poil, mais bien trop haut, au garrot. Mieux, en passant image par image, nous voyons le vol de la balle ce que je pensais impossible … et  … Et nous voyons vibrer la branchette à 15 mètres de nous, qui a déstabilisé la balle et a sauvé l’éterle !



Une histoire incroyable, heureusement parfaitement documentée !


mercredi 5 août 2015

Et pour la petite dame ???

" Et pour la petite dame, ce sera  ???" me glace. Car cette dame très âgée, forcément, ne fut pas toujours petite. Peut-être fut-elle très belle, ou très courageuse, très grande, très malheureuse ... ou je ne sais quoi, ou un peu de tout ça. Réduire une personne à l'état momentané de son grand âge fragile, qui n'est pas souvent une apothéose, est cruel. Qu'en penserait cette dame, d'ailleurs ? Chaque personne est une histoire. Passée déjà et à venir encore.

Il a 91 ans, mon voisin, et c'est  un sacré mec, bien droit. Venu en France à l'âge de six ans, avec ses parents chassés d'Espagne par la pauvreté, depuis la province d'Almeria. Il est désormais très malade, et on pourrait ne voir que son état, alors qu'il est une histoire forte et courageuse. A vingt ans, il s'est engagé avec les américains qui libéraient la France, a participé à la libération et à l'occupation en Allemagne. Il m'a fait partager quelques épisodes de sa vie, assourdi par le tir des batteries de marine américaine au bord du Rhin, ou ramassant  des morts d'une compagnie amie dans un champ. Il l'a fait pour gagner sa nationalité française, aussi. Puis, de salarié agricole, il est devenu agriculteur. La force de sa voix et de son regard, jusqu'à il y a peu, le protégeait absolument du "comment il va le petit monsieur ?" ... C'est sur. Et pourtant, il n'est pas grand.



Nous ne savons pas regarder les gens. Nous les réduisons au premier signe capté. Les gens qui voyagent beaucoup  le font peut-être mieux. Confrontés souvent à des personnes nouvelles, ils restent forcément curieux.

Dans la vie courante, je me dis juste que les gens sont ce qu'ils font. C'est un peu réducteur, mais au moins c'est pratique pour établir un point de vue. Ce qu'ils auraient pu faire, ou voulu faire,  ce qu'ils n'ont pas fait, c'est pour une discussion intime dans une relation approfondie. Ils ne sont pas tout à fait ce qu'ils voudraient être, en général, les gens. Déjà, pour arriver à être absolument soi, il faut du temps, presque une vie, parfois.

Regardons du côté du passé des gens âgés que nous rencontrons, et regardons les rêves, les projets, les aspirations  et les incertitudes des personnes jeunes. Nous y gagnerons une connaissance plus complète, et bienveillante. Et toujours, pour notre part, faisons au mieux de ce que nous sommes, afin de vivre en harmonie avec nous-mêmes.

Moi-même, je commence à me ratatiner. Va t-on me dire sous peu, dans un bar ou chez le primeur  "Et y veut quoi, le petit monsieur ?"

mardi 30 juin 2015

Sauvons la planète vite fait

Et voici la canicule, symptôme du réchauffement climatique. Je serai votre sauveur, si vous le voulez bien. Je sais, si ça se trouve, vous êtes vieux, vous êtes con, vous êtes moche, et de la planète vous vous contrefichez, pourvu que vous touchiez la pension de réversion de votre conjoint s'il meurt de soif en revenant du supermarché, ou d'insolation. Pourtant, sauver le climat est à notre portée, et je le prouve.

14 juillet, 10 heures

Juste avec un peu de bon sens, sans farfouiller dans tous ces gaz à effet de serre, possiblement nauséabonds, vous allez pouvoir retrouver une planète propre comme un sou neuf. Froide et belle, comme une blonde frigide. Grâce à moi, grâce à vous, grâce à nous. Dans notre cuisine, nous disposons tous de l'arme qui va bien. Sauf les pauvres, mais ils ne comptent pas. Le réfrigérateur contre le réchauffement climatique?  Eh oui, simple comme l’œuf de tourterelle.  Ah ? De colombe ? me souffle t-on.  De Colomb ? Enfin, c'est simple.

Le 14 juillet, tous ensemble, à 10 heures du matin, nous entamerons le premier jour du reste de l'histoire de la planète bleue, en ouvrant la porte de notre réfrigérateur.  Le 14 juillet, parce que peu de gens bossent, le 14 juillet parce qu'il fait chaud en général, et qu'on n'est pas motivé pour s'attaquer au problème du réchauffement en décembre.  Les calculs sont là : le soir même la planète aura commencé à retrouver son équilibre. Enfin, ils ne sont pas vraiment finis, les calculs. Mais si on met du froid dans du chaud, hein, ça refroidit forcément. Expérimentez un glaçon dans l'apéritif, du lait froid dans le thé brûlant, ça marche à chaque fois. Un vent glacé dans le cou, et on se refroidit. C'est bon ?

Le 14 juillet, parce que d'ici là il faut prévenir le reste du monde, et là j'ai besoin de tous mes amis. En France, en Amérique, en Chine et même en Belgique, il faut l'annoncer. Parce que les belges c'est comme des Français, mais avec de l'humour. Et qui va prévenir le reste du monde ? Ben vous, pardi ! A quoi ça sert, les réseaux sociaux ?

A 10 heures le 14 juillet, parce que le 13, il y a bal, des fois, et que j'aime dormir tard. A 10 heures pétantes, tous, nous ouvrons la porte du réfrigérateur pendant 10 heures. Je sais, c'est génial, c'est simple, c'est imparable. Ne me remerciez pas, je suis trop content d'avoir sauvé la planète.

Et maintenant que j'ai fait le gros du boulot, lancez la communication. La victoire est en vous.

vendredi 26 juin 2015

Les mots vous manquent ?




En général, nous n’avons pas assez de mots, je crois. Pas les bons, pas les beaux. Aussi j’en bricole quelques-uns pour mes récits. C'est plus agréable à lire, et à délire aussi. Il me faudrait faire un bilan des mots nouveaux que j’ai apportés à notre belle langue, avant même d’être reçu à l’Académie ! Le dernier ? Dendescier. Un tout bon ! Se dit de quelqu'un dont le moral varie fortement, de la joie à l'abattement. A voir dans le dictionnaire de l'académie française, dans trois ou quatre ans.

Ainsi, disposant de mots parfaitement adaptés, les taiseux en seraient de vrais, pas des bavards refoulés, ou même des constipés de la phrase, qui sont légion. Je voudrais des mots assez doux, pas trop tranchants, un peu arrondis à la pointe. Créer des mots  moins tragiques, ou créer un antidote aux mots trop définitifs, comme mourir,  me semble mon devoir. Mourir n’est définitif qu’à cause de ressusciter, qui est de l’ordre du divin, et à cause de renaître qui implique un autre état, une nouvelle jeunesse, un nouveau  bonheur. Du coup, les gens normaux restent morts. C’est démourir le mot nécessaire, il aurait cet avantage énorme de ramener à la vie sans trop d’exigence pour le mort … Le rené, du coup ? … Démourir c’est juste ne plus être mort, sans se la péter comme un prophète qui sort du tombeau à J+3, ou une pouffe qui a trouvé la crème hydratante qui lui donne cette sensation de renaissance et qui passe à la télé pour le dire … On aurait certainement pu amoindrir le côté sévère de la mort par des adjectifs. On le fait bien pour les blessés ! Mais c’est vrai qu’il faut déterminer un espace relativement étroit entre le mort léger et le blessé grave. Démourir se conjuguera comme courir, et pas comme mourir pour bien marquer sa différence. J'y tiens. Et ce mot est à moi, merdre !

C’est un peu comme remolir.  Nouveau aussi. Une vieille maison démolie, si on la reconstruit à  avec plein de trucs, du style, et du cachet, et tout, ça coûte. Et on la reconnaît à peine. Remolie, elle est juste « plus démolie », toujours vieille, mais debout. Vous voyez la nuance ? Moins cher, adapté à la période de crise. Ni rénover, ni reconstruire, mais remolir !


Bon, il faudra que je voie si je ne peux pas entrer sous la coupole avec un couteau de chasse plutôt qu’une épée, ça me ferait plus d’usage. Surtout le tire-bouchon, d'ailleurs. L’habit vert, ça ira. Je chasse en forêt aussi.



Etonnant, non ?

samedi 20 juin 2015

Le brocard accidenté et l'autre juridiction (fable)

Mes aventures pandoresques font quelque part une suite aussi marrante que possible à la visite que reçut à Paris un ami ayant acheté tout récemment un drilling. Ce fusil possiblement aussi vieux que moi comporte deux canons pour le petit gibier et un troisième pour le gros, c'est aussi pesant qu'un jour sans pain est long. Et jamais, au grand jamais, de l'antiquité à nos jours, un pharmacien parisien n'a commis de massacre au nom d'aucune religion avec une telle arme, même si elle est jolie. L'arme, pas la religion. Mais la police a ses raisons et était fort courtoise.

Moi-même je m'étais rendu loin de ma campagne, en un château magnifique dans cette Lozère des camisards, candidater pour une belle chasse de forêt. Un biotope dont je ne connais rien encore et où je rêve d'occire au moins un sanglier. Plus si affinités.

Et je reprends la route, transporté à l'idée de mes futures chasses, et par André qui conduit souplement vers le Mont Lozère. Archer heureux à ses heures, son regard de prédateur freine soudain et nous immobilise au bord de la route. Licence poétique. Un chevreuil blessé, heurté probablement par un véhicule,  agonise discrètement dans le fossé. André est aussi athlétique que je suis malingre et naturellement, c'est lui, prenant son courage d'une main et son canif de l'autre qui met fin aux souffrances du vieux brocard, non sans que celui-ci lui plante d'abord un bois effilé dans la paume, bien profond, mais sans ressortir dessus quand même, blessé qu'il est. Une touche partout, mais seul le brocard meurt. A l'heure qu'il est, en tout cas. Je propose que nous l'emportions après avoir prévenu la gendarmerie qui ne répond pas au 117, mais bien au 17. Ça peut servir. A Mende. Gendarmerie, amende, ça baigne. Je décline mon nom, mon code postal, mon village, et la voiture d'André, et c'est paré.

Brocard unicorne et chevrette
Arrivent alors Starsky et Hutch dans une version de chez nous. Tout doucement. La police, c'est marqué dessus la chemise. Jolie casquette à nuque couvrante, genre désert des tartares pour les littéraires, des Agriate pour les autres amateurs de patrimonio. Il nous apprennent qu'appelés à 10:30 du matin, ils arrivent  (15:30 environ) pour achever la bête. En rotant une pizza molle et froide me semble t-il. C'est fait, saigne modestement André en se tenant la main. Ils le troussent de secours charitablement. Et nous informons les deux bleus (ils sont bleus aussi, mais issus du Parc National de Cévennes) que nous avons prévenu la gendarmerie. Fins limiers, ils en déduisent scientifiquement que nous pensions l'emporter. Ça papote ça papote ... Et comme ça vous vouliez l'emporter ... Ben oui ... Ben non qu'y dit le méchant flic ... pasqu'ici c'est pas la gendarmerie, c'est nous, qu'il ajoute ... Si vous le dites ... Vous aurez quand même quelque chose à manger demain pour votre famille ?  s'inquiète le méchant en regardant ma maigreur auvergnate et mon profil de prolo qui fraie avec l'aristocratie de ces forêts. Bon dieu, c'est vraiment des durs, que je me dis à l'intérieur de mon for, sans bruit. Les keufs de Mende, ils doivent raser les murs ou poser leur RTT quand ces deux là débarquent en ville.

Et dans un élan qui rend grâce à dame Nature et justifie nos impôts, les deux pandores balancent dans le talus (et le ruisselet qui fait suite), le cadavre du pauvre brocard dont je suis ainsi  privé. J'ai une petite jalousie à l'encontre des mouches ou des renards qui auront festin, tout comme les truites s'il y en a, ou les herbivores à l'aval qui dégusteront une eau enrichie au goût sauvage. On délire en se disant qu'on a eu chaud, en supposant que je n'ai pas réussi à joindre la gendarmerie,  qu'ils arrivent alors que le brocard est juste dans le coffre, que j'aie eu une carabine pour achever l'animal, un couteau trop long, etc ...  Je vais filmer ma vie, je crois, les règlements c'est bien trop dangereux et il faut avoir des preuves.

lundi 8 juin 2015

En roulant dans mon passé


Ma douce me quittait quelques jours, et je l’ai accompagnée ce matin à son job, d’où elle partait. Comme je me trouvais sur les lieux de ma première vie professionnelle, une vie presque éclatante, j’ai poursuivi mon chemin en faisant une boucle dans le temps.
L’Hôtel du Midi, dans ce village, se trouve juste face à mon ancien bureau. Mais Madame Charbonnel que j’adorais, la patronne, et Madame Vidalenc, qui était la propriétaire de mon appartement, ont quitté cette vie. Et j’ai dû sacrément changer aussi. Je m’imagine déjà entrant dans le bar «  Eh ! c’est moi » … Et le regard interrogatif d’une personne qui me reconnait peut-être, ou qui donne le change, et  dont les sourcils semblent dire « Meuh non … c’est pas lui du tout ». Alors bon, je poursuis mon chemin. La peur d’une émotion trop violente.
Il est plus beau et plus grand que dans mon souvenir, le village de Pierrefort. C’est déjà ça. Soigné, propret, montagneux et tordu. Je rate presque la route de Cézens, village qui semblera lui-même plus loin qu’autrefois.

Le village de Pierrefort - Photo Joël Ramadier

Je n’ai jamais eu la mémoire visuelle, et un château apparait à ma gauche et à ma surprise. Complètement zappé ! Ah oui, il y avait bien un château … Des petits chemins oubliés, mais aux panneaux indicateurs dont les noms de hameaux sont toujours présents en moi. La ferme du Périer, là … Des gens formidables y vivaient, qui sont morts. Des gens de qualité y vivent maintenant ; il y a des choses qui se transmettent, heureusement. Plus haut c’est un printemps peu fleuri, sous un vent assez fort, sur un plateau ensoleillé et incliné. Bon dieu, où mène cette route que je prenais, je me souviens ? Je ne retrouve pas dans mes propres circuits –neuronaux-  le trajet d’autrefois.  Je connaissais à peu près tous les hameaux du canton. Mais c’était il y a longtemps.
Au-delà de Cézens, le hameau des Chabasses, où j’ai travaillé avec des personnes dures à la tâche, à qui la vie ne faisait jamais de cadeau. Une dame ici, a marqué ma mémoire, par son courage physique. Qui ne l’a pas sauvée. Eh tiens, il y avait de bien belles filles à côté. Puis, le Col de Prat de Bouc, Le Lioran, la casa. En arrivant chez moi, un coup de fil m’apprend que j’ai oublié mon rendez-vous médical. Un peu de passé m’échappe, j’ai des soucis avec le futur. Je devrais m’occuper avec soin du présent que je sais vivre et sentir encore un peu … Je n’ai pas fait de photo, malgré l’appareil posé sur le siège près de moi.